alexametrics
lundi 29 avril 2024
Heure de Tunis : 07:19
Chroniques
Le pêché originel
Par Faten Kallel
28/04/2023 | 11:59
4 min
Le pêché originel

 

Tous les Tunisiens, sans exception, en observant la situation de leur pays qui s'enlise de jour en jour, se demandent pourquoi nous en sommes arrivés là. Pourquoi la population la plus instruite de la région, qui a eu le courage d'enclencher le mouvement libérateur le plus impactant de ce début de siècle, qui a toujours été avant-gardiste en matière de grandes transformations, depuis l'abolition de l'esclavage, en passant par l'interdiction de la polygamie et la libération de la femme, allant à l'instauration d'un système démocratique où les mouvances politiques se succèdent au pouvoir pacifiquement, n'arrive pas à transformer l'essai et passer du coté des nations qui réussissent.

Trois mille ans d'histoire et pas des moindres, une position géographique exceptionnelle, et un capital humain reconnu pour être un des plus intéressants parmi les pays du Sud, ne suffisent pas à faire de la Tunisie un pays capable d'aspirer à se classer aux premiers rangs du tableau. Le 14 Janvier 2011 fut une date primordiale, où une fois débarrassés de la chape de plomb qu'était la dictature, les Tunisiens ont pensé qu'ils allaient directement plonger dans le 21ème siècle et devenir une nation démocratique, moderne et prospère. Sauf que ça n'a pas été le cas et la déception était au rendez-vous. La situation du pays a empiré, pour engendrer la catastrophe politique et économique actuelle, dont on ne voit pas le bout.

 

Alors où était l'erreur?

Certains diraient que nous ne sommes tout simplement pas faits pour la démocratie et que les Arabes que nous sommes ne peuvent vivre que sous la menace du bâton. D'autres accusent tout simplement les islamistes, considérés étrangers à notre culture, d'avoir saboté la révolution afin qu'ils gardent une mainmise sur un pays qui n'est pas le leur et qui les rejette. Une autre partie rejette la faute sur le système corrompu que nous avons hérité de la dictature et qui aurait empêché toute initiative rompant avec le passé et ses pratiques, par peur de perdre leur pouvoir. Sans parler de ceux qui mettent sur le dos de l'Occident, des francs maçons et des Illuminatis la charge de notre échec.

S'il est tentant de croire à une de ces versions, parce qu'il y a un certain confort à désigner un coupable sans procès et revenir vite à une vie normale, il est sur que ça ne nous avancera pas à grand chose. Il est possible que plusieurs de ces facteurs (à part les Illuminatis bien-sûr), pourraient entrer en jeu, mais pas de manière exclusive et déterminante comme on pourrait le penser.

En réalité, tous ces facteurs ne représentent que quelques facettes parmi tant d'autres d'une seule problématique, à savoir un niveau bas d'intelligence collective. Contrairement aux pays aux traditions démocratiques à plusieurs siècles, les peuples comme les nôtres, de par leur histoire faite de colonisation et de dictature, ont eu très peu l'occasion d'expérimenter l'interaction et de collaboration dans le cadre de la réalisation d'objectifs communs complexes, tel que la construction d'une démocratie, ou l'implémentation de projets de développement socio-économique d'envergure, alliant infrastructures, développement de capacités et capitalisation des compétences et connaissances acquises.

 

Nous sommes un peuple qui a toujours été administré, de telle manière qu'à l'avènement de la révolution, nos capacités en tant qu'individus à contribuer à juste dose au projet de la communauté étaient minimes, tous avions du mal à composer avec les contradictions et l'hétérogénéité, nous avions des difficultés à doser l'effort à consentir et le souffle à tenir, et finalement un à un nous avons jeté l'éponge, tant la tache paraissait insurmontable.

Et le pêché originel est bien là, nous-nous sommes surestimés en tant que communauté. En sachant que le pays regorge de compétences individuelles, nous avons commis l'erreur de penser que c'était suffisant. Nous avons minimisé le diagnostic et trouvé des excuses à nos débâcles répétitives toujours ailleurs qu'en nous-mêmes. Nous avons brûlé les étapes, considéré tout simplement qu'il nous manquait peu de choses, à savoir des élections, des partis et de l'argent, et tout naturellement les compétences individuelles allaient se mettre au service du collectif et de l'intérêt public instinctivement, sans résistance ni questionnement. Nous avons considéré que notre économie était assez développée pour supporter les revendications de douze millions d'individus, décidés à profiter de leur pays comme d'autres l'ont fait avant eux. Ou pire, nous avons pensé que pour la démocratie, ces individus allaient accepter de se sacrifier encore, indéfiniment, pour l'intérêt suprême de la nation. Qui au passage reste un concept vague, que personne n'a pris le temps de définir dans ce nouveau contexte démocratique que nous vivons.

 

Et nous avons occulté le fait que si nos compétences individuelles excellent ailleurs, principalement dans les pays développés, ce n'est pas tant grâce à leur exceptionnelle intelligence, que par le fait que ces systèmes qui les intègrent, savent leur donner la mission adéquate à leurs capacités et à leurs prédispositions, optimisant au mieux la réalisation de leur potentiel. Dans ces pays développés, le développement est justement venu grâce à la multiplication des interactions et des collaborations au fil des siècles, pacifistes ou violentes parfois, au pris de grands sacrifices, que nous n'avons pas voulu consentir, ce qui a permit l'accumulation de strates d'apprentissages communs, et le développement d'une intelligence collective élevée en conséquent.

A cette étape de notre histoire, cette notion d'intelligence collective devrait prendre plus de notre attention. Car agir en fonction de ses aspirations personnelles et pour le compte de ses intérêts est important, mais prendre en compte l'autre dans son équation est la vraie compétence à acquérir si nous voulons réussir mieux individuellement et plus loin collectivement.

 

Par Faten Kallel
28/04/2023 | 11:59
4 min
Suivez-nous
Commentaires
Jilani
Cette personne est hmpionne en donneuse de econs.
a posté le 28-04-2023 à 16:02
Ces élites de merde ne veulent pas admettre que le pays a été pris en otage par les traîtres islamiste et les opportunistes es mèches bottes de ghannouchi. Ce sont les tunisiens qui ont mis fin au pouvoir des islamistes. KS n'a fait qu'executer le v'?u des tunisiens qui se sont ouleves e 25 juillet et ont commencé à saccager les locaux de cette secte à sfax et d'ailleurs KS les a sauvé parce qu'ils allaient s'attaquer à leurs dirigeants comme ils n'y fait avec les trabelsi et benali. Ce ont ces élites par manque de patriotisme t surtout par leur opportunisme qui ont laissé les islamistes au pouvoir.
Juan
you've nail it
a posté le 28-04-2023 à 15:58
pas prèt pour la démocratie. that's it.
y a qu'à voir sur ce forum. des insultes, dès que tu ne suis pas son idée. il te traite de "islamsite" ( terme étranger en terre d'islam ) etc ...
d'autres qui passent leur temps à chercher si on utilise plusieurs pseudos !!
simple règle démocratique: il faut discuter du post pas de celui qui l'a posté.
la France a mis 1 siècle. avec votre mentalité pourrie, vous mettrez 2.
la démocratie, çà se mérite.
Gg
Et encore...
a posté le 28-04-2023 à 15:55
Bonne analyse!
Mais étant marié avec une Tunisienne et ayant vécu et travaillé quelques temps en Tunisie, je vois d'autres causes au marasme actuel et à l'incapacité à redresser la barre.

D'abord, les Tunisiens sont par essence portés à ne pas respecter les lois et les règles. Même le Président ne veut pas se plier aux règles communément admises!
Par exemple, la moitié de la population qui travaille, au moins, le fait sans contrat de travail. On est payé au noir, de la main à la main, on ne paye ni impôts ni taxes ni rien. Donc pas de couverture santé, pas de crédits etc... Et l' état manque cruellement de ressources.
Il n'est pourtant pas difficile de comprendre que si on veut de bons services publics, enseignement, police, travaux, santé etc.... Il faut payer pour cela.
La numérisation de tous les services financiers, qui stopperait ce bordel, s'impose urgemment!
De même, pour chaque problème de la vie courante, on connait quelqu'un qui va le résoudre contre un billet glissé discrètement, un dessous de table.
Je lisais la mise en garde de TLS contre la fraude aux rendez vous. On imagine sans peine le nombre de parasites qui grouille autour de TLS, prêt à vous "obtenir un rv" contre un billet!
Non, ca ne marche pas.
Et les Tunisiens à l'étranger s'y comportent de la même façon!
A ce sujet, je rigole encore du bon coup qu'a fait Macron lors de la crise covid. Il a profité de la crise pour fermer la quasi totalité des commerces illégaux.
Comment?
Très simple. Confinement oblige, plus de clients. Alors le gvt a proposé des aides aux commerces et artisans en difficulté. Pour les obtenir, il fallait fournir aux impôts les relevés de compte de l'année précédente et les attestations de paiement des taxes.
Pas de comptabilité? Pas d'aides. Dans ma ville, cela a provoqué une hécatombe! Bravo.

Le 2ième gros problème, c'est la léthargie généralisée. Lorsque j'ai travaillé à Tunis, j'assurais des formations, sur des programmes pratiqués en France. Et à Tunis, on ne faisait pas en 3 semaines ce que l'on fait en France 1 semaine.
J'ai eu ainsi une jeune stagiaire, ingénieure doublement diplômée en France et en Tunisie, qui travaillait en Allemagne et en France.
Le matin, les cours commençaient normalement à 8h30. Donc elle et moi étions là dès 8h15. Et nous attendions les autres, vers 9h pour les premiers, 9h30, voire 10h.
Beaucoup d'absentéisme, à 16h tout le monde commençait à partir...
Nous avions donc le temps de parler, elle m'avait dit "J' ai honte pour mon pays, on n'arrivera à rien comme ca".

Voila, deux gros, très gros problèmes qui empêchent la Tunisie retrouver son rang.
Djodjo
@cg
a posté le à 08:26
Excellente analyse, tout est dit, les deux plus grosses tares des maghrébins en général, ils sont incapable de jouer collectifs pour la simple raison que tout le monde croit détenir la vérité et la paresse, un tunisien fatigué au bout de d'yeux heures de travail quand d'autre en 8 heures sont toujours en forme.

C'est au niveau de l'éducation que cela doit se jouer.
DHEJ
Du PDP à AFEK TOUNIS
a posté le 28-04-2023 à 12:27
Son patron est en prison!
Belk j
Intelligence collective
a posté le 28-04-2023 à 12:16
J ai bien aime surtout la notion d intelligence collective tres bonne analyse