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SUR LE FIL
La politique monétaire de la BCT a-t-elle un avenir ?
Par Houcine Ben Achour
09/02/2024 | 08:21
3 min
La politique monétaire de la BCT a-t-elle un avenir ?

 

« Le Conseil a pris connaissance du projet de loi portant autorisation à la Banque Centrale de Tunisie d’octroyer des facilités au profit de la Trésorerie Générale de la Tunisie. Il a souligné l’importance pour la Banque Centrale de Tunisie, dont le mandat est de veiller à la stabilité des prix, de rester vigilante quant aux répercussions latentes d’un tel financement ». Tel est simplement l’avis de la Banque centrale de Tunisie (BCT) vis-à-vis de l’injonction qui lui est faite par les élus de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) de prêter directement de l’argent au gouvernement pour qu’il puisse financer le déficit du budget de l’État pour l’exercice 2024 ; encore que, il y aurait des doutes sur la destination première de cette enveloppe dans la mesure où le gouvernement peine encore à boucler le budget 2023 comme l’atteste l’état d’exécution du budget à fin novembre 2023.

Le débat a fait rage dans la sphère médiatico-politique sur un process qui bat en brèche l’indépendance de la BCT dans la conduite de ses missions. Certes, l’institut d’émission nous a habitués à sa retenue. Mais là, se suffire de quelques lignes comme si la « chose » ne la concernait pas, c’est pour le moins très surprenant. Certes, un précédent existe. Dès lors, il n’y a pas de quoi fouetter un chat, dirait-on.  Mais, ce précédent avait un caractère exceptionnel qui devait confirmer la règle, celle de s’interdire de prêter directement à l’État mais ne l’empêcherait pas de le soutenir indirectement par le biais du marché monétaire. C’est d’ailleurs ce qu’on oublie de signaler.

Il est malheureux que le débat suscité par le projet de loi autorisant la BCT à octroyer des facilités au gouvernement ne se soit réduit qu’à l’ampleur du montant ou à son affectation ou encore aux raisons ayant poussé et le gouvernement à initier un tel projet et l’ARP à l’adopter. L’enjeu majeur ne tient pas à ce seul triptyque. On a zappé un enjeu d’une importance cruciale qu’on peut résumer à cette seule question : Si la BCT est amenée à prêter directement à l’État, à quoi pourrait bien servir sa politique monétaire et sa mission de régulation de la liquidité ? A quoi servirait tout le tralala des appels d’offres ou bien des opérations de refinancement à un mois et trois mois ou encore les opérations de réglage fin ainsi que les facilités permanentes (prêt et dépôt)…tous ces instruments de politique monétaire dont les retombées ont plus bénéficié à l’État qu’aux opérateurs économiques privés ?

Il convient de rappeler à ce propos que, selon le bilan comptable de l’exercice 2022 de la BCT, l’institut d’émission détenait pour environ 5,5 milliards de créances d’Etat dont plus de 90% sous forme de Bons du trésor à court terme. A la fin de 2023, ce montant est passé à plus de 8,7 milliards de dinars. Et ce n’est pas tout puisqu’il faut ajouter les Bons du trésor reçus des banques comme garanties en couverture des autres opérations de refinancement (appels d’offre, etc.) dont le montant s’élevait à 4,3 milliards à la fin de 2022 et qui serait probablement du même ordre à la fin de 2023. Qu’adviendra-t-il en effet de tous ces soutiens financiers de la BCT envers l’État ? Une interrogation qui en impose une autre à l’institut d’émission, celle d’une nécessaire redéfinition de sa politique monétaire dans l’hypothèse où cette facilité accordée à l’Etat deviendrait la norme et non plus une exception.

Un indice signale d’ailleurs ce risque de glissement. Les sept milliards de dinars qu’accordera la BCT au gouvernement représentent un montant « net » ce qui suppose que l’accord devant être conclu entre les deux parties ne concernera pas la somme précitée mais un montant plus important qui inclurait notamment le remboursement du reliquat du crédit accordé en 2020 par la banque au gouvernement Mechichi ; un reliquat de 1,4 milliard de dinars. En somme, on serait en présence d’un crédit de consolidation plus qu’en présence d’un simple crédit. Un constat qui accréditerait les propos de Hatem Mliki, ancien élu et expert en développement, selon lesquels l’État fera encore appel en 2025 à un prêt de la BCT. Autrement dit, un nouveau crédit de consolidation. Et ainsi de suite.

Jusqu’où ? Bien téméraire est celui qui apportera une réponse.

 

Par Houcine Ben Achour
09/02/2024 | 08:21
3 min
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Commentaires
Rationnel
La BCT ne fait qui suivre la Banque du Japon, la Fed Americaine, la BOE ...
a posté le 12-02-2024 à 16:03
La majorité des banques centrales importantes au monde financent leurs gouvernements.
La Banque fédérale américaine, (la Fed), la banque du Japon (BoJ), la banque d'Angleterre (BoE), la banque centrale européenne. La dette détenue par ces banques dépasse les 20 trillion de dollars ~ 20 mille milliards de dollars, (voir article de du Financial Times: Central banks' trillion-dollar problem). Les 7 milliards de dinars de la BCT ne représente que 0,03% de ce montant et aux alentours de 7% du total de la dette, la BoJ au Japon détient 53% de la dette publique (voir BOJ Now Holds Record 53% of Japan's Government Bonds sur nippon point com).
La Banque du Japon détient une grande partie de la dette de ce pays depuis 1991 et le pays fonctionne très bien. La Banque fédérale américaine détient 30% de la dette américaine (voir même article).
La BCT devrait augmenter la valeur de la dette du gouvernement qu'elle détient, c'est une opération gagnant gagnant. Le gouvernent versera les intérêts a la BCT au lieu de les verser aux banques privees et au quelques familles qui les dominent. La BCT a son tour verse les intérêts reçus au gouvernement. Entre 2011 et 2021 la banque centrale américaine a verse au ministre des finances (the treasury) 910 milliards de dollars. Si la BCT suit l'exemple du Japon les problèmes des finances publiques seront effaces et le pays pourra financer des projets pour relancer l'économie. La politique de la BCT depuis 2011 ne sert que les intérêts des banques privées aux dépens du reste de la population. La Tunisie empruntait a l'étranger en devises (et même chez les banques locales) pour financer des dépenses en dinars ce qui était un summum de stupidité quand la BCT pouvait facilement prêter au gouvernement sans aucun risque.

citoyen
un article à raconter dans l'ARP
a posté le 11-02-2024 à 13:21
Le faite que la politique monétaire soit isolé (mesure de protection), c'est qu'un gouvernement (gauche ou droite) n'a pas besoin de ce manivelle de contrôle pour gérer le pays, Il y a d'autres manières, économiques et non économiques, pour créer un développement et une richesse réels. D'une autre part, et pour être objectif, il faut s'assurer que cette indépendance et cette politique monétaire ne soient pas exploités en faveur de l'étranger, ou d'une manière qui nuit à l'économie locale.

Mais les critiques sont inutiles, car nous avons un problème politique, le peuple tunisien vient de perdre sa souveraineté intérieur, face à une entité minoritaire qui décide librement et exécute librement sans aucun contre pouvoir ou discussions, ce qui s'opposent entièrement avec les acquis de l'indépendance de 1956 et de 2011.
Fafa
Trop de financiers pas assez d'économistes .
a posté le 11-02-2024 à 12:26
La Tunisie crève de suivre idiotement des dogmes financier.

Pendant ce temps là :

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui dit privilégier la croissance et les exportations à la stabilité des prix : "Actuellement, il y a des pays où des taux d'inflation de 8% ou 9% apparaissent comme une menace. Nous avons 80% mais nous sommes un pays qui a réalisé 250 milliards de dollars d'exportations [sur douze mois] et, dans mon pays, les rayons des supermarchés ne sont pas vides",
NAIF
Tout peut arriver....
a posté le 10-02-2024 à 08:14
Les enseignants d'une matière appelée jadis, ECONOMIE POLITIQUE, donnaient leurs cours, dans les universités, sur la base d'une science qui n'est nullement exacte...

Les th'?ories '?conomiques sont toutes erratiques, toutes, sans exception...
C'était pour cela que l'on appelait cette science Eco.Po.

On a voulu pendant le siècle dernier, après la 2ème guerre mondiale, mathématiser ces th'?ories...Rien ne fonctionne, comme on l'envisageait...
Cependant, on a admis qu'il y a des gardes fous à ne pas d'?passer...

Inflations, int'?rêts, glissements mon'?taires, production, pouvoir d'achat, tout est li'?...
Les Etats prennent des risques en enclenchant "la planche à billets", mais il y a des b'?n'?fices, en faisant attention aux d'?rapages....
L'Etat tunisien veut booster la consommation nationale, en accordant des crédits de masse aux salari'?s..
Le b'?néfice en est :
Croissance de la production des biens de consommation, d'où gains en TVA, pour l'Etat. Et pas que...
Les caisses sociales, ristournent à l'Etat, les intérêts tir'?s sur les cr'?dits de masse.
La roue de l'?conomie va probablement tourner, mais il faut bien surveiller l'inflation, comme le lait sur le feu!