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Chroniques
Y a-t-il des chances que ça marche ?
Par Faten Kallel
22/06/2023 | 16:59
4 min
Y a-t-il des chances que ça marche ?

 

Tout est entre les mains d'un seul homme qui, fort de son hégémonie, est habilité à agir comme bon lui semble. Sauf qu'à notre grand étonnement, rien ne se passe à part des tergiversations et des voltes face sans grand impact. Bien qu'en théorie, il est armé de tous les outils pour gouverner, en réalité il est embourbé dans des pièges qu'il a lui même posé. D'un côté il ne cède rien à ses opposants qu'il considère comme traitres et corrompus, et met à l'écart ses partenaires dont il a l'air de se méfier, refusant de les impliquer de quelque manière que ce soit dans le processus de "transformation" qu'il promeut. D'un autre, il ne veut endosser la responsabilité d'aucune initiative, par peur de perdre le soutien du peuple - pilier essentiel de son pouvoir, qui après tant de désillusions et de concessions, et en l'absence de corps intermédiaires pour le contenir, est devenu à fleur de peau et imprévisible dans ses appréciations.

On pourrait concéder que Saïed subit le cumul des problèmes de décennies avant lui, certes, c'est un fait. Mais il est nécessaire d'admettre également qu'il subit surtout le retour de manivelle de son attitude fermée et agressive vis-à-vis des forces vives du pays. Un homme, à l'entourage restreint, porteur d'un projet approximatif, sans réelle expérience, ne peut prétendre sauver, seul, un pays comme la Tunisie. Un pays qui semble facile à transformer, principalement de par sa taille et sa composition sociale aux abords homogène, mais qui en réalité présente des complexités subtiles qui ont remis en question les capacités des meilleurs, et qui nécessitent une réflexion plus approfondie et des solutions plus originales.

 

Pendant la transition démocratique, nous nous sommes obstinés à vouloir tout imputer aux islamistes, en nous déchargeant de toute responsabilité dans l'échec collectif. De la même manière, Saïed et son régime adoptent la même attitude en divisant le pays en patriotes et traitres, et en résumant la solution à la seule élimination de ces derniers. Néanmoins, il existe des différences substantielles entre les deux phases qu'on doit garder en tête. Pendant la décennie précédente, les attitudes méfiantes des uns et des autres ont certes conduit à un statuquo qui a empêché le pays d'avancer, mais ont également permis l'édification des institutions et des repères moraux, garanties essentielles contre l'effondrement. Nous étions face à une classe politique collectivement incompétente, bien qu'individuellement intéressante, sans réelle vision pour le pays, mais qui du fait du système politique qu'elle a mis en place se neutralisait d'elle-même, évitant ainsi tout abus aux conséquences irréversibles. En contrepartie, ce qu'entreprend le Président actuel, avec l'aval d'une majorité du peuple, est bien plus vicieux et dangereux. Il détruit les institutions, élimine tous les garde-fous et met en place un système basé sur l'arbitraire avec tout ce que cela porte comme conséquences néfastes sur la dynamique économique et sociale. Il démonte un à un tous les repères de la société tunisienne, sans apporter le moindre projet socio-économique en alternative. De ce fait, la contrebande est à son apogée, la corruption s'intensifie et l'Etat et le tissu économique formel se liquéfient littéralement.

C'est un fait, Saïed ne peut pas réussir en continuant sur cette lancée. Tout comme ses prédécesseurs, il n'arrive pas à transformer l'essai, et ce pour les mêmes raisons, à savoir sous-estimer le pays et ses problèmes, et s'obstiner à trouver des explications simplistes à des situations complexes. Il a bien évidemment réussi son tour de force et mis la main sur le pays, en installant la peur et la méfiance partout, éliminant ainsi tout obstacle. Néanmoins, ce n'est pas ce qu'on attend d'un dirigeant, car même un dictateur se doit d'apporter des résultats.

Mais ça ne s'arrête pas là, l'échec n'est pas ce qui peut arriver de pire, car le vrai danger c'est l'attitude de Saïed lorsqu'il sera consommé. Face à une configuration de plus en plus complexe, où les marges de manœuvre se rétrécissent de jour en jour, quelle sera l'attitude du Président ? Serait-il capable de se rendre compte que sa méthode n'est pas la bonne le moment venu ? Aurait-il le courage et l'ouverture d'esprit nécessaires à un leader politique d'avouer son propre échec ? Saura-t-il laisser la place ? Au vu de l'actualité, il est difficile d'être optimistes, tant les représailles se multiplient et s'intensifient contre les opposants, les journalistes et tous ceux qui osent critiquer le pouvoir.

 

Alors sommes-nous condamnés à une perpétuelle désillusion ? Ou bien cette fois nous aurons la chance d'assister à un sursaut de conscience ? Rien n'est sûr. Ce qui l'est c'est que l'avenir du pays est incertain, qu'en continuant à tourner en rond nous restons à la merci du hasard et surtout d'amis qui ne nous veulent pas forcément du bien, et cela n'est pas du tout rassurant.

Par Faten Kallel
22/06/2023 | 16:59
4 min
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Commentaires
Juan
Saura-t-il laisser la place ?
a posté le 24-06-2023 à 11:15
bone question.
en piétinant la constitution qu'il a juré respecter, il y a parjure.
en écrasant le parlement avec un tank, il s'est écrasé les doigts, etc ...
il a perdu toutes ses chances de réhabilitation.
il laisse sa place ?
il ira droit en prison pour le reste de sa vie, qu'on lui souhaite longue, très longue, dans la souffrance dans une cellule de 1 m et sans fenètre.
A4
La peur justifie la stupeur !
a posté le 24-06-2023 à 10:53
LE BADAUD ET LE TROUILLARD
Ecrit par A4 - Tunis, le 11 Juin 2023

Maître Trouillard dans son palais retranché
Grelottant de peur dans son triste isoloir
Sent que ses vieilles guiboles vont bientôt flancher
Et que sa tête ne produit que des cauchemars
Prit la décision, toutes alarmes déclenchées,
De déclarer la guerre à tous les bobards

Maître Badaud qui flânait là par hasard
Caressa soigneusement ses grosses moustaches
S'est dit tout content: "Ciel, ça sent le caviar !"
Et se mit à aiguiser couteaux et haches,
"A moi de jouer avec finesse et art
Pour envoûter à fond ce naïf potache !"

Et c'est ainsi que notre Maître Badaud
Echafauda plein de plans machiavéliques
Pour mettre désastres et malheurs sur le dos
De ceux qui ne font pas partie de sa clique
Et se dépêcha avec son commando
Pour tout rapporter aux bidasses et aux flics

Le surlendemain, en maître des offices
Notre Trouillard, de derrière ses barricades
Ordonna la soumission à ses caprices
Et lança Maître Badaud et ses brigades
Aux trousses du père, de la voisine et du fils
Dans tous les villages, patelins et bourgades

"Ce sont eux !", lui déclara le charlatan
En lui montrant les comploteurs arrêtés,
"Ils ont salé toutes les eaux des océans,
Ont supprimé la pluie hiver comme été
Et se préparent avec un pinceau géant
A peindre le ciel en gris désargenté !"

Envoûté par tant de bravoure et courage
Maître Trouillard reconnaissant et content
Se mit derrière le Badaud, dans son sillage
En lui promettant un éternel printemps
Caviar à gogo, cadeaux et avantages
Et s'il le désire, sa couronne de sultan !
Hassine
Souhait irréalisable
a posté le 23-06-2023 à 18:23
Mon souhait est que ce peuple lise cet article peut être que les esprits soient illuminés et prendre conscience qu on est pas sur le bon chemin l avenir nous prouvera
Mais il sera trop trop tard
Belhoula
Commentaire
a posté le 23-06-2023 à 07:59
Merci pour cet article illustrant une realite amere
Jilani
Les forces vives
a posté le 22-06-2023 à 23:30
Qui sont-elles ces forces, vous en faites partie je le pense, mais qu'avez vous fait ? Et quelles les obstacles que vous avez rencontrés ?
Sael
Réponse
a posté le 22-06-2023 à 18:06
C'est là le fond du problème qui oppose KS à l'ancienne caste au pouvoir. Les institutions qui ont été mises en place servaient de belle vitrine à la Tunisie, lui permettant de recevoir toutes sortes de prêts. C'était de la surenchère entre les islamistes et les libéraux, sachant que le but de chacun, était plus de pouvoir et d'argent. Il suffit de voir les indicateurs économiques. La Tunisie était mieux sous Ben Ali. Pourquoi? Parce que les tunisiens ne sont pas fait pour la démocratie. Il faut un certain niveau d'autoritarisme, basta. Le problème, c'est qu'il ne faut pas tomber dans le néo-conservatisme-destourien, ou néo-conservativisme-islamiste, néo-conservativisme-nidaatounes. Il faut une politique économique socialiste, et un nationalisme fort, post-panarabisme/islamiste, qui soit méditerranéen, maghrébin et africain, tout en restant en dehors du conflit qui oppose l'atlanto-sionisme aux BRICS. Pour faire, il faut arrêter la mentalité victimaire, et se concentrer sur nos problèmes bien à nous. Consanguinité, QI, analphabétisme, décrochage scolaire, banditisme, régionalisme, tribalisme, clanisme, les complexes d'infériorité par rapport aux Occidentaux et aux Arabes, l'hypocrisie religieuse, l'hypocrisie droit-de-l'hommiste, la quête de privilèges'?'et cetera.
AMMAR BEZZOUIR
@Sael: Merci pour votre commentaire lucide !
a posté le à 10:25
Il est recommandé de lire ce commentaire au moins deux fois !
Sael
Réponse
a posté le à 18:24
Il faudra céder certaines entreprises publiques, forcer les corrompus/spéculateurs à faire du public-privé ou des entreprises communautaires, digitaliser et faciliter les procédures administratives. La Tunisie se transforme en désert, c'est un fait. Adaptons notre agriculture aux conditions climatiques et à nos ressources, et adaptons notre nourriture. Exploitons davantage les domaines de l'?tat, de manière intelligente: social et écolo. Augmentons notre autonomie énergétique, quitte à investir dans le photovoltaïque et l'hydrogène vert, et investissons dans la jeunesse qui vit, qu'on le veuille ou pas, dans son temps: technologies de l'information.
Juan
un système SOCIAL financé par les riches ...
a posté le à 11:21
il faut surtout FORCER le riche à payer des impots/ zaqat jusqu'à 40 %.
il lui reste 60 pour s'enrichir.
un système SOCIAL financé par les riches.
çà s'appelle: redistribution, justice sociale.