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Chroniques
On ne parlera pas de politique aujourd'hui... Mais de femmes
Par Faten Kallel
09/03/2023 | 15:59
4 min
On ne parlera pas de politique aujourd'hui... Mais de femmes

 

A l'occasion du 8 mars, journée mondiale des droits des femmes, passée presque inaperçue dans la Tunisie du 25-Juillet, on se doit d'ajouter quelque chose au débat, ne serait-ce qu'en guise de résistance, en attendant des jours meilleurs.

Dans les discours, la question de la présence de la femme dans l'espace public et du renforcement du leadership féminin, relève de l'évidence et semble même accuser un consensus. Par contre, il n'en est pas de même de la pratique et des mécanismes mis en place pour assoir réellement cette présence durablement.

 

Dans le domaine politique, la discrimination positive en faveur des femmes a été un outil important d'intégration et de développement de leur leadership, leur permettant une meilleure participation à la prise de décision. Une pratique totalement délaissée dans le cadre du régime du 25-Juillet. La femme est devenue accessoire dans le processus, confrontée à la difficulté de s'imposer dans un environnement conservateur, qui lui reconnait très peu de place. D'ailleurs les résultats des dernières élections législatives en témoignent, nous sommes passés de 31% de femmes au parlement de 2014, à 14% en 2023.

D'un autre côté, dans la sphère économique, la femme semble également avoir du mal à s'imposer. Bien qu'elle soit la ressource humaine de prédilection pour tout employeur soucieux de productivité et de sérieux, quand on pense aux figures leaders du paysage économique, peu de femmes se démarquent. Celles qui ont réussit l'exploit d'assoir leur leadership, ont dû faire des concessions immenses, au détriment de leur vie personnelle et de leur féminin.

 

J'ouvre une parenthèse sur le mot féminin, parce que finalement la réelle bataille des femmes de nos jours, surtout politiques, est d'imposer leur présence à tous les niveaux de pouvoir sans avoir à le négliger. Car c'est au nom de ce féminin que toutes les discriminations à leur encontre sont justifiées.

Simone de Beauvoir a dit : "On ne nait pas femme, on le devient"... Et quand on est une femme, on met du temps à saisir le vrai sens de cette phrase, qui résume en elle le féminin et son impératif. On passe sa vie à le chasser pour essayer de se trouver une place dans le système, pour un jour se rendre compte que tout ce que nous voulons toutes, c'est de l'incarner totalement sans concession aucune, tout en bénéficiant de la reconnaissance qui nous est due.

Fermons la parenthèse et revenons à la bataille pour l'égalité, qui semble légèrement en régression. Ce serait donc l'occasion de réfléchir à la démarche et de voir comment nous pouvons pallier les manques des années précédentes, et d'éviter à l'avenir de perdre du terrain au lieu de pérenniser les acquis.

Il serait intéressant de revoir le plaidoyer. Car jusqu'ici, la démarche entreprise par les progressistes s'est basée principalement et exclusivement sur des arguments liés aux principes droits-de-l'hommistes, plus proches des esprits sensibles à la question. Or face à la pensée conservatrice qui domine, dans les différentes sphères sociales, on sait très bien que ce genre de raisonnement n'a pas l'écho nécessaire permettant d'insuffler un changement significatif. C'est probablement pour cette raison d'ailleurs qu'a chaque nouvel épisode sur la question : nouvelle loi, nouvelles élections, nouvelle négociation, nous sentons la difficulté d'imposer une certaine rationalité au débat, pour tomber rapidement dans les guerres idéologiques qui font perdre aux initiatives entreprises leur consistance et par conséquent leur impact. Ce qui les rend fragiles et éphémères.

Peut-être qu'il faudrait adapter les arguments au contexte. Peut-être qu'il serait opportun de se concentrer sur ce qui pourrait faire sens pour le citoyen, à savoir le développement économique et social. Il serait intéressant de mettre en évidence l'impact du conservatisme et de l'exclusion des femmes ou de n'importe quelle catégorie sociale en général sur le développement d'un pays. De souligner les effets du sous-développement sociétal sur le développement économique.

 

Si l'ensemble des forces s'approprient l'espace public, pour contribuer à l'effort national, le développement économique peut se réaliser pleinement. Pourquoi ? Parce que la répartition de l'intelligence est aléatoire entre les êtres humains, quelque soit leur genre, leur origine, leur race. Et c'est grâce aux intelligences individuelles que nous progressons collectivement. D'ailleurs combien de Marie Curie, de Hedy Lamarr, ou de Tawhida Becheikh sont passées à la trappe de l'histoire à cause des discriminations faites aux femmes. Combien avons nous perdus d'intelligences, si précieuses, au profit du conservatisme et du patriarcat.

Partant de l'expérience tunisienne, le constat est clair, les régions les plus développées sont les régions ayant un meilleur taux d'intégration des femmes et des jeunes, à contrario les régions conservatrices, bien que souvent détentrices de richesses naturelles importantes, ont du mal à décoller économiquement. Parce que tout simplement, elles ne donnent pas leur chance à toutes les intelligences.

 

Maximiser les chances de réussite d'une population implique inévitablement le développement de toutes ses compétences et la réalisation de toutes ses capacités, surtout pour des populations majoritairement jeunes où la femme est de plus en plus instruite et représente une force importante. Alors pourquoi nous privons nous de tels arguments ? On ne perdrait rien à essayer en tout cas.

 

 

Par Faten Kallel
09/03/2023 | 15:59
4 min
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Commentaires
Gg
La mixité en général
a posté le 11-03-2023 à 12:51
Plutôt que de genres, on devrait parler de mixité. Les tunisiens se sentiraient moins agressés par les idéologies fantasques et perverses à la mode en occident.

Au travail, toutes les études menées de par le monde ont montré que les entreprises et administrations où la parité est la norme, jusqu'au plus haut niveau, ont bien meilleurs résultats que les autres.
Meilleures relations humaines, meilleure maîtrise des conflits, meilleure ambiance, meilleure utilisation des compétences, meilleure créativité... La mixité est un atout formidable.
Il se trouve que j'ai eu la chance de bien connaître deux jeunes filles, 17 et 18 ans alors, dans un village du centre-Est de la Tunisie. Les deux ont eu le bac maths et sciences avec mention, cinq ans plus tard les deux étaient ingénieurs.
Et au moment de travailler, les deux ont été rejetées des postes à responsabilité, parce que les mâles des entreprises ont refusé de travailler sous leur direction.
C'est un formidable gâchis, une colossale bêtise.
Au dernières nouvelles, l'une vit en Allemagne et l'autre en Italie.

Dans la vie privée, que demandent les femmes, en Tunisie comme ailleurs?
Elles demandent que "leur homme" les considèrent d'abord comme leur meilleur ami.
Discussions, partage. Ne pas fouiller dans leur téléphone, les laisser libres de sortir, même sans le cerbère de service. Ne pas les faire suivre et surveiller par un frère, un cousin, un mec quelconque.
Elles demandent qu'il partage les tâches domestiques, faire à manger, accompagner les enfants.
Et, bizarrement, elles souhaitent un mec aussi fidèle qu'elles le sont, elle ne veulent pas de la dictature de la virginité, elles ne veulent pas ce que les mecs refusent pour eux.

Toutes les rencontres féminines que j'ai eues en Tunisie vont dans ce sens!
Gg
Le titre...
a posté le 10-03-2023 à 22:56
Il y a tant à dire sur cet article, mais par flemme et parce qu'il ne sert à rien de parler (après dix ans de participation à ces commentaires, j'ai compris cela), je m'en tiendrai au titre: "On ne parlera pas de politique aujourd'hui... Mais de femmes".

Mais cela revient au même, faire l'éloge de la conception égalitaire des hommes et des femmes dans un pays qui n' en veut pas, c'est faire de la politique.
Une politique cynique en l'occurrence. Les occidentaux parlent d'égalité des sexes (oui, j'ai bien dit sexes), alors que chez eux ils rejettent cette conception. Chez eux, chez moi, on est tout aux LGBTQ+/-etc... au wokisme, c'est le règne de la "cancel culture". Surtout à Paris Dauphine!
Chez eux, chez moi, ce n'est plus l'égalité, mais la confusion des sexes. On en arrive à vouloir expliquer aux petits garçons que ce sont peut être des petites filles, et vice versa.
Ce qui me dégoute tout autant que les idées patriarcales et férocement machistes qui règnent en Tunisie. Mais au moins, dans cette culture tunisienne, un homme est un homme et une femme, une femme. On ne nie pas la réalité biologique, la seule indiscutable.
Dans ce vaste gloubi-goulba, je souhaite seulement que les femmes tunisiennes qui souhaiteraient vivre en France, le puissent.
Comme mon épouse, nous sommes un couple qui fonctionne, elle musulmane et moi catholique, elle femme, et moi homme. Et je la remercie d'être tunisienne... Et elle me remercie de partager toutes les tâches ménagères (rire).
Bonne chance et bon courage, Madame Kallel!

Faysal
Pas de salut hors de l eglise
a posté le 10-03-2023 à 15:37
Essayer d imposer un feminisme occidental qui se gargarise de toute les vertus et se pretend medecine universelle, n est pas du tout le bon modele pour promouvoir
l egalite des droits et des chances en faveur de la femme tunisienne.Qualifier la societe tunisienne de conservatrice, sous entendu non favorable a l egalite des droits et des chances pour les femmes tunisiennes, alors que le nombre des femmes tunisiennes depasse le nombre des hommes dans les universites, les recherches,
le fonctionniarat, le secteur prive etc, c est faire du memitisme beat des cliches et des prejuges islamophobes en Occident. La femme tunisienne exige les meme droits et
l egalite des chances, mais ne veut pas devenir une copie subalternes du feminisme anti islamique occidental. Reussir le combat pour les droits de la femme tunisienne, ce n est pas en se referrant a Simone de Beauvoir, dont 99.9% des femmes tunisiennes
n ont jamais entendu. Par contre la reference au grand nombre
d heroines qui ont lutte pour les droits des femmes au cours de la longue histoire de la civilisation Arabo-musulmane aura beaucoup plus
d impact sur
l imaginaire et les ambitions des femmes mais aussi des hommes, a vouloir combattre pour leur droits. Reste qu il faut connaitre l histoire de cette civilisation avant celle de Simone de Beauvoir..
hourcq
L'avenir de l'homme.
a posté le 10-03-2023 à 04:25
En lisant cette chronique, j'ai moi aussi pensé à cette magnifique chanson de Jean Ferrat dont les paroles s'inspirent d'un poème de Louis Aragon que l'on trouve dans un recueil intitulé "le fou d'Elsa" publié en 1963.
"Face à notre génération, je déclare avec Aragon, la femme est l'avenir de l'homme"
A ne pas interpréter, comme un désir de féminiser le masculin mais comme le souhait que les femmes prennent toute leur place dans la société à égalité avec les hommes.
C'est un combat qui nous concerne tous car comme le souligne fort justement l'article ce sont les sociétés les plus avancées qui promeuvent le mieux cette égalité.
Tunisino
Bilan?!
a posté le 09-03-2023 à 22:21
Bonne fête des femmes aux femmes. Je ne veux pas être hostile, j'ai connu la femme comme mère, soeur, épouse, fille, collègue, et sous d'autres formes, je suis convaincu qu'elles ne sont pas conçues pour être des hommes! Une seule question à Mme Kallel, pourquoi Saied a recruté tant de femmes dans son gouvernement? Pour les honorer ou pour les exploiter? Est-ce que les femmes adorent être exploitées? Il me semble que les femmes doivent faire attention à leurs faiblesses naturelles, tout comme les hommes, et lutter contre toute exploitation.
Abel Chater
Simone de Beauvoir a dit : "On ne nait pas femme, on le devient" et @Abel Chater a dit: "on ne nait pas une Dame, on le devient".
a posté le 09-03-2023 à 21:20
Le jour où on cessera d'imiter le malheur des femmes dans les pays industrialisés, où ils n'ont commencé à en abuser par ce mensonge de "égalité de la femme avec l'homme", qu'après la deuxième guerre mondiale, pour faire sortir les femmes leur enlever les décombres d'une guerre, qui leur a coûtés 69 millions de morts.
Nous avons tous vécu en Tunisie avec une maman au foyer, qui transformait le faible salaire de nos pères, en une richesse pour faire vivre et nourrir une famille nombreuse. Qui ne se rappelle pas de "beït el-mouna" ou (espace de réserve de nourriture) où nos mères gardent les "ommèlih" ou "variantes" qu'elles préparaient de toutes les sortes de légumes (carottes, fenouil "bisbèss", navets "lift" et toutes les sortes de légumes en leur saison de bon marché, jusqu'à leur gratuité. Les réserves d'olives; de l'huile d'olive; de dattes; de piments et de tomates secs; de couscous préparé l'été et séché sur les toits; des sardines salées "anchois"; de la viande séchée «Kaddid»; du sucre qu'elles ramassent dans une boîte de réserve, en enlevant une à deux poignées à chaque nouvel achat; du thé, de l'harissa arabe; de la semoule pour préparer du pain. Tout ce dont elles avaient besoin pour nourrir la famille, même dans les moments difficiles. Des anges, piliers essentiels de la famille, de la société et du pays.
Maintenant, les pauvres femmes, comme l'évoque Faten Kallel par la citation de Simone de Beauvoir, qui a dit : "on ne nait pas femme, on le devient". Elle veut dire qu'on ne devient femme que par le travail à l'extérieur de la maison, pour un salaire qui ne suffirait même pas pour financer les vêtements, le transport, le maquillage et souvent jusqu'à rester à jeun toute la journée, pour garder la figure demandée par les hommes.
Une catastrophe au nom de l'égalité que les femmes cherchent à atteindre avec les hommes. Les rôles ont changé. Les femmes travaillent et s'usent leur physique jusqu'à se transformer en ferrailles humaines et les hommes dorment, pour se faire nourrir par leurs femmes. Des lions qui envoient leurs femelles chasser pour eux. Les enfants sont victimes de cette folie imitée sur des pays industrialisés, qui ne nous ressemblent en rien du tout. Celui qui en parle devient «arriéré», «démodé» sinon «islamiste» et «khwangi» comme moi.
Je jure au Nom d'Allah le Tout Puissant, que je n'ai réussi une famille avec 5 enfants, que parce que j'ai gardé ma femme l'Allemande au foyer. C'est parce que la vie humaine possède ses propres règles individuelles. Celui qui défie ces règles vitales, il sera lui-même défié par la Divinité. Ce n'est pas pour rien que nos femmes se masculinisent et que nos hommes se féminisent en Tunisie.
Mais à qui je le raconte!!!
Allah yostirnè wè yostirkom.
Sael
Réaction
a posté le 09-03-2023 à 18:34
En gros, vous voulez du 50%-50% sur les inventions des hommes, tout en restant femme, et sans surprise, vous ne remettez pas en question ces choses que la société patriarcale a mit en place puisque : vous voulez du pouvoir.

On n'entendra jamais de féministes demander 50%-50% chez les éboueurs.

Ouai...c'est juste de l'hypocrisie, de la malhonnêteté, et du mépris pour les hommes (sexisme).
SARAH
Tant que les femmes ne sont pas solidaires entre elles.
a posté le 09-03-2023 à 16:53
Nos femmes peuvent montrer leur vrai poids politique et arracher le pouvoir uniquement par formation d´un Parti politique pour FEMMES!
La devise de la femme tunisienne doit être la suivante: "Femmes, si nous ne faisons rien aujourd'hui, nous vivrons demain comme avant-hier!"

Un parti politique "LES FEMMES" doit être le foyer politique des femmes surtout: Même en tant que petit parti, vous pourriez attirer une attention publique relativement importante pour vos candidats-tes; la presse s'est toujours intéressée aux petits partis «spéciaux», et le parti "LES FEMMES" sera une fête spéciale: C'est le seul parti avec, par example, plus de 80% de femmes sur les listes électorales.

Au moment des élections, vous recevrez régulièrement plusieurs demandes de presse pour des interviews, des articles et des déclarations à vos candidats. Cela vous permet de faire connaître vos problèmes et de promouvoir vos préoccupations.

Ce que les femmes doivent savoir que les hommes chez nous n´acceptent que rarement les femmes en politique.
l'explication de ce phénomène tient surtout à la persistance de représentations sociales très largement diffusées, et qui rendent l'engagement politique au féminin difficile à penser et à admettre pour nombre de citoyens : l'image de la femme comme pivot de l'espace domestique, et plus encore l'image de la politique comme une activité virile..
Je sais qu'un homme n'est pas une femme, ne comprendra jamais les problèmes d'une femme et vice versa. Les solutions aux problèmes de la femme ne peuvent venir que de la femme lui même. L'avenir de la femme dépend absolument de sa prise de conscience et de son engagement dans la vie politique.
En Tunisie, la majorité d´électeurs sont des femmes et ont donc le poids politique nécessaire pour prendre le pouvoir et pour des décennies...

Jean Ferrat - La femme est l'avenir de l'homme
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