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Chroniques
Quelles chances à l'initiative de l'UGTT ?
24/06/2012 | 1
min
Quelles chances à l'initiative de l'UGTT ?
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Par Lotfi LARGUET

L’événement de la semaine est, sans aucun doute, l’initiative de l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens qui espère réunir sous une même bannière la majorité gouvernementale, les partis de l’opposition ainsi que les acteurs de la société civile pour trouver une issue à une crise qui prend l’allure, malgré les apparences et une certaine amélioration de la situation sécuritaire et économique, de paralysie de l’Etat et du pays.

Cette initiative est venue, rappelons-le, après une flambée de violence qui a secoué le pays d’une manière à la fois inhabituelle, par sa férocité et le sentiment de haine et de rancœur qui l’animait, et par sa coordination et sa généralisation à plusieurs régions du pays en même temps, ce qui a eu pour don d’inquiéter toutes les parties prenantes au processus de transition politique qui ont décelé un véritable danger planant sur son aboutissement.
Auparavant, toutes les parties ne souhaitaient plus se retrouver autour d’une table pour essayer de discuter de l’intérêt du pays ; la majorité s’appuyant sur sa légitimité électorale et refusant donc de tendre la main à l’opposition engageant une fuite en avant dont on ne voyait plus le bout ; alors que l’opposition mettait en doute la capacité des gouvernants et leur volonté de résoudre les problèmes du pays.
La majorité faisait donc la sourde oreille que ce soit à l’Assemblée nationale Constituante (ANC) où elle menait son « bateau » toute seule indépendamment des positions et des avis des élus de l’opposition, ou au niveau de la gestion quotidienne du pays où le gouvernement prenait les décisions unilatéralement tout en essayant de mettre la main sur les rouages de l’Etat.

Devant cette situation de blocage et d’incompréhension totale, et face aux dangers qui montaient de toutes parts, l’UGTT, fort de son statut historique et de son influence auprès de tous les acteurs politiques y compris auprès d’Ennahdha qui s’était évertué auparavant à tenter de l’amadouer voire de la mater, a donc pris cette initiative de proposer une issue de secours qui aurait pour avantage de sortir le pays de la crise politique et de réinstaller le dialogue entre toutes les composantes de la scène politique et de la société civile.
Autrement dit, la Centrale Syndicale souhaite réinstaurer le dialogue et établir une sorte de consensus sur toutes les questions ayant une dimension nationale. Ceci se ferait dans le cadre d’un Conseil national qui réunirait tous les partis et les organisations de la société civile, et qui, sans remettre en cause la légitimité de l’ANC, permettrait à tous les présents d’accorder leurs violons et donc de s’entendre sur les prochaines grandes décisions relatives à la vie politique et à la réussite de cette seconde période de transition démocratique.
Cependant, le plus dur serait, à notre humble avis, de voir toutes les parties concernées se mettre d’accord sur les principes premiers, fondateurs de ce consensus. En effet, l’UGTT a proposé à tous les acteurs qui souhaitent se réunir autour d’une même table d’entériner une série de principes généraux qui serviront de fondement au futur Etat tunisien et aux caractéristiques de la société tunisienne.

Ces principes sont les suivants :
* La préservation de l’Etat civil, du régime républicain démocratique et des acquis du peuple tunisien ;
* Le respect des droits de l’Homme et la garantie des libertés publiques et individuelles, et la consécration de la citoyenneté et de la justice afin de rompre avec l’autoritarisme ;
* Le refus de la violence, le respect de l’avis contraire, l’acceptation de l’autre et l’obligation de s’opposer au terrorisme et à tous les appels à l’utilisation de la violence ;
* La garantie de la neutralité de l’administration, des mosquées, des entreprises économiques, éducatives et universitaires et la mise en place des mécanismes de contrôle ;
* La reconnaissance aux institutions de l’Etat d’être considérées comme les seules garantes et responsables de l’application de la loi et de la protection des institutions, des biens et des personnes, et de veiller au respect des droits et libertés ;
* Et enfin, l’élaboration d’un nouveau schéma de développement afin de réduire les inégalités sociales et régionales, de lutter contre la pauvreté en encourageant l’investissement et la culture du travail et de la production.

Il s’agit donc d’une sorte de Pacte Républicain qui constituerait la plate-forme commune à tous les protagonistes.
Si les partis libéraux et démocratiques ou de gauche ont déjà approuvé l’initiative de l’UGTT, le gouvernement semble, lui aussi, y être favorable.
Maintenant, et si on revient à l’histoire récente, et notamment le déroulement des travaux de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la transition démocratique, et des réformes politiques, certains partis dont Ennahdha avaient refusé à l’époque ce pacte républicain qui les engageait à une certaine forme d’Etat et de société qu’ils ne souhaitaient pas implicitement.
Aujourd’hui, les exigences d’un consensus sont nécessaires si l’on veut vraiment éviter au pays des soubresauts qui risqueraient d’emporter ses assises et de le faire entrer dans un tourbillon de violences dans lequel personne, du moins en apparence, ne désire le voir entrer.

Ce consensus devrait toucher un certain nombre de questions qui se rapportent notamment aux blessés et aux familles des victimes de la révolution, à la consécration de la transparence dans le recrutement pour l’emploi et la mise en place de mécanismes pour assurer un minimum de couverture sociale, à la mise en place d’une feuille de route pour la fin de l’élaboration de la constitution et l’organisation des élections, à la composition de la future institution qui sera chargée d’organiser les élections et sur la loi électorale, à la composition de la Haute instance indépendante de l’information, à la consécration des mécanismes pour la mise en place de la justice transitionnelle, des modes de désignation des hauts fonctionnaires de l’Etat et la garantie de la neutralité de l’administration, ou à la réforme des forces de sécurité afin de concrétiser l’idée de la sécurité républicaine.

Bref, de quoi remettre le pays et le processus démocratique sur une bonne voie à moins que l’une ou plusieurs parties n’usent de moyens dilatoires pour faire capoter une proposition judicieuse dans ce contexte historique traversé par notre pays.
24/06/2012 | 1
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