Elle caractérise la fête du Mouled et fait saliver les plus gourmands. Elle est faite de graines de « Zgougou », foncée et subtilement décorée. Elle est blanche sucrée au miel dans certaines régions, dorée aux noisettes grillées ou encore verte pour les amateurs de pistaches. La « Assida » est la reine incontestée de la fête d’anniversaire du prophète Mohamed. Ces dernières années, cette crème est devenue un vrai gouffre financier pour les Tunisiens qui constatent avec stupéfaction, au fil des ans, la flambée des prix des denrées « nécessaires » à sa préparation…

Depuis des années, préparer son Assida du Mouled est devenu un vrai casse-tête. Alors que cela coulait de source pour la plupart des Tunisiens, aujourd’hui les choses ont vraiment changé. Avant 2011, le prix du kilo de pin d’Alep (Zgougou) ne dépassait que très rarement les 8dt. En 2019 il a été fixé à 24dt et peut se vendre plus cher chez les commerçants peu scrupuleux.

On parlait même de 31dt pour le kilo de Zgougou il y’a quelques semaines avant que le ministère du Commerce n’en fixe le prix à 24dt et à 29dt le kilo pour le Zgougou moulu. Evidemment il faudra compter en plus le prix aussi en hausse des fruits secs qui serviront à décorer les plats, pour les rendre encore plus appétissants pour les échanges de bols d’Assida qui caractérisent cette fête conviviale.

Avant la révolution, le kilo d’amandes était vendu au même prix que les noisettes soit entre 11dt et 12dt le kilo. Aujourd’hui il faudra compter entre 38dt et 45dt pour les amandes, 78dt pour le kilo de noix et 58dt pour les noisettes. Pour ce qui est des pistaches et des pignons de pin, les prix atteignent des sommets. On parle là de 100dt et plus pour un seul kilo.

Le ministère du Commerce a également souligné que les quantités de Zgougou qui seront mises à la vente lors de la fête du Mouled cette année proviennent des réserves de la saison précédente et sont estimées à 91,5 tonnes. Une autre nouvelle qui n’enchante pas les consommateurs. Les graines de pin d’Alep sont sensibles aux conditions de stockage, mais les services de santé se sont voulus rassurants : aucun danger à consommer les graines de la récolte de l’année dernière, pourvu qu’on se procure le zgougou dans les circuits officiels.

24dt donc le kilo de Zgougou plus les fruits secs, les petites confiseries et de quoi décorer la coupe. Une seule portion d’Assida bien garnie reviendrait ainsi à près de 5dt le bol, un coût qui en décourage plus d’un et qui a été à l’origine d’une campagne appelant au boycott de l’Assida.

Le président de l’Organisation de Défense du Consommateur (ODC) Slim Saadallah a appelé au boyoctt du Zgougou, soulignant que la meilleure arme pour lutter contre la hausse des prix est le boycott. Mais, si certains ont fait preuve de retenue pour exprimer leur mécontentement de se voir ainsi plumés, la plupart des Tunisiens ont amorcé dès ce matin la ruée vers "l’or noir". En cette veille du jour du Mouled, la campagne de boycott si largement médiatisée, semble s’essouffler et des centaines de personnes se sont ruées sur les épiceries fines et les boutiques spécialisées pour se fournir en Zgougou. Le prix exorbitant de la denrée ne semble plus être un frein. On cherche même à justifier ces prix, se disant que si tout est devenu plus cher, il est normal que le Zgougou le soit aussi. Or, il n’y a rien de plus anormal que cela. La flambée des prix du Zgougou n’a aucun lieu d’être.

Rappelons-nous, en 2016, alors qu’il était vendu à 16 et 17dt le kilo, le ministre de l’Agriculture, Samir Taïeb, avait appelé lui-même au boycott des graines d’Alep car il « ne comprenait pas qu’il puisse être vendu à ce prix-là ».

« La récolte de Zgougou a atteint cette année les 450 tonnes en plus des stocks de Siliana qui avoisinent les 55 tonnes. Nous avons donc 505 tonnes de pin d’Alep et la consommation est estimée à 300 tonnes, cela suppose que les prix soient tout à fait abordables et je m’étonne de voir le kg de pin d’Alep être proposé à 16 ou à 17dt. Le prix de revient de cette denrée ne dépasse pas les 7dt et les commerçants sont bien obligés de vendre leur stock, je conseille donc aux citoyens d’attendre le dernier moment pour acheter leur pin d’Alep pour le Mouled, quand les prix auront baissé et de ne pas en acheter à ce prix injustifié » avait-il expliqué… en vain…

On parle ainsi de boycott de Zgougou quasiment tous les ans. Alors que les prix grimpent doucement mais sûrement, il n’y a pas lieu de gâcher la fête et pour les Tunisiens de bouder leur plaisir. Si la classe moyenne peine de plus en plus à s’accorder une telle réjouissance, jadis scrupuleusement observée, les plus démunis se rabattront encore cette année sur la bonne vieille Assida de semoule.

Qu’elle soit blanche ou colorée, onéreuse ou à la portée, l’Assida du Mouled demeure un plat qui s’inscrit dans la tradition et qui renoue avec une convivialité de plus en plus rare dans nos sociétés modernes.

Bonne fête du Mouled à tous !

Myriam Ben Zineb