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Zoom sur la future loi régulant le marketing et le commerce sur le web et les réseaux sociaux
17/03/2025 | 09:30
9 min
Zoom sur la future loi régulant le marketing et le commerce sur le web et les réseaux sociaux

 

En Tunisie, le commerce électronique connaît une croissance exponentielle, mais aussi une anarchie croissante. Une proposition de loi ambitieuse vise à encadrer ces activités pour protéger les consommateurs et intégrer ce secteur dans l'économie formelle. Zoom sur un texte qui pourrait révolutionner le paysage numérique tunisien.

 

La commission parlementaire chargée de l'organisation de l'administration, de la numérisation et de la gouvernance s'est réunie mardi 11 mars 2025 pour examiner une proposition de loi qui pourrait transformer radicalement le paysage du commerce électronique en Tunisie. Le texte, qui ambitionne de réglementer les activités de marketing et de promotion sur les sites internet et les réseaux sociaux, est soutenu par plus de 80 députés – un consensus rare qui témoigne de l'urgence de la situation.

 

Un secteur en pleine expansion mais sans cadre juridique adapté

Avec l'explosion des plateformes de vente en ligne et la multiplication des influenceurs sur les réseaux sociaux, le commerce électronique est devenu un pilier incontournable de l'économie tunisienne. Selon les chiffres du ministère du Commerce, le volume des transactions en ligne a augmenté considérablement ces dernières années. Pourtant, ce secteur en pleine effervescence évolue dans un flou juridique qui favorise les abus et les pratiques frauduleuses.

Cette situation alarmante a poussé un groupe de députés à déposer, en mai 2024, une proposition de loi ambitieuse visant à encadrer ces activités. Le texte, qui comporte 49 articles, pourrait être adopté dans les prochains mois, après son examen par les commissions concernées.

 

Des objectifs clairs : transparence, protection et croissance

Selon la députée Olfa Marouani, l'une des initiatrices de cette proposition de loi, le texte répond à plusieurs objectifs principaux. Dans un entretien accordé à Mosaïque FM le 11 mars 2025, elle a précisé que « les principales motivations de cette proposition sont le chaos observé dans les transactions commerciales sur les réseaux sociaux, qui représente désormais une menace directe pour l'économie organisée et cause un préjudice grave à de nombreuses entreprises régulières dans le secteur du commerce électronique, notamment les petites et moyennes entreprises et les commerçants traditionnels ».

La députée a également souligné que cette initiative vise à « établir des règles claires pour protéger à la fois le vendeur et l'acheteur contre les fraudes électroniques, en plus d'organiser le secteur du commerce électronique et d'intégrer l'économie informelle dans le système formel ». Elle a ajouté que la loi cherche à « renforcer la justice fiscale et garantir que le Trésor public bénéficie des revenus générés par ces activités ».

En effet, selon les estimations officielles, près de 80% des transactions électroniques en Tunisie se font encore en espèces et échappent ainsi au contrôle fiscal. Cette économie parallèle représente un manque à gagner considérable pour l'État et une concurrence déloyale pour les entreprises légitimes qui respectent leurs obligations fiscales et sociales.

 

Les principales dispositions de la proposition de loi

L'une des mesures phares de cette proposition est la création d'une unité spécialisée au sein du ministère du Commerce. Selon la députée Olfa Marouani, cette cellule sera créée au sein du ministère du Commerce et du Développement des exportations, dans le cadre du système de contrôle économique. Elle sera composée d'agents de contrôle économique et d'experts techniques, nommés par décision ministérielle en coordination avec le ministère des Finances et le ministère des Technologies de la communication.

« Cette unité aura notamment pour mission de suivre les publicités et les offres promotionnelles, de mettre en place des systèmes de surveillance des transactions électroniques, et d'élaborer des cahiers des charges pour l'utilisation d'un label de confiance électronique », précise le texte. Elle pourra également constater les infractions économiques et prendre les mesures légales qui s'imposent.

La proposition de loi impose des conditions précises pour quiconque souhaite exercer une activité commerciale en ligne. Les personnes concernées devront notamment :

  • Retirer un cahier des charges officiel auprès du ministère du Commerce ou le télécharger en ligne
  • Être âgées d'au moins 18 ans
  • N'avoir fait l'objet d'aucune sanction antérieure liée au commerce électronique
  • S'interdire de céder leur activité sans l'accord de l'unité spécialisée et sans avoir rempli toutes les conditions légales

Les activités à but non lucratif, comme les œuvres caritatives ou les initiatives bénévoles, sont exemptées de ces obligations, selon les dispositions du projet.

 

Une protection renforcée des consommateurs

Le texte accorde une attention particulière à la protection des droits des consommateurs, notamment en ce qui concerne leurs données personnelles. Les commerçants en ligne devront :

  • Afficher clairement leur politique de confidentialité et leurs procédures de traitement des plaintes ;
  • Informer les autorités en cas de violation des données personnelles dans un délai de trois jours ;
  • Respecter le droit de rétractation des consommateurs en cas de non-respect des délais de livraison ou de défaut du produit.

Ces mesures visent également à protéger les consommateurs contre les produits de mauvaise qualité ou d'origine inconnue, en particulier ceux qui peuvent affecter la santé physique et mentale, comme l'a souligné Mme Marouani.

 

Un encadrement strict de la publicité électronique

La publicité en ligne, souvent critiquée pour son manque de transparence et son caractère trompeur, sera également régulée. Les annonces devront être clairement identifiées comme telles et inclure des informations précises sur le commerçant et les produits proposés. Le texte interdit les publicités mensongères, illégales ou incitant à la haine.

Pour garantir l'efficacité de la loi, des sanctions sévères sont prévues en cas d'infraction. Selon la députée Marouani, une commission spéciale sera chargée d'examiner les violations et d'imposer des pénalités adaptées, conformément à l'article 39 du projet de loi.

Cette commission sera composée d'au moins trois membres, dont un conseiller juridique, un représentant du ministère du Commerce, un autre du ministère des Finances et un membre représentant une organisation de protection des consommateurs. Elle sera habilitée à imposer des sanctions proportionnelles à la gravité de l'infraction. L'article 42 prévoit des sanctions allant de l'avertissement à des amendes financières comprises entre 1000 et 5000 dinars, ainsi que la possibilité de bloquer temporairement ou définitivement le site électronique en coordination avec les autorités compétentes.

Les sanctions seront doublées en cas de récidive, selon l'article 43 du projet de loi.  

 

Des réactions mitigées face à cette initiative

Si la proposition de loi recueille un large soutien parmi les députés, les réactions des acteurs du secteur sont plus nuancées. Certains estiment que cette initiative est nécessaire pour assainir le secteur et protéger les consommateurs, tandis que d'autres craignent qu'elle ne freine l'innovation et ne pénalise les petits entrepreneurs.

Les députés à l'origine de cette loi insistent sur la nécessité de protéger les consommateurs et de créer un environnement commercial équitable. « Nous ne pouvons pas laisser l'économie numérique se développer dans l'anarchie, a déclaré l'un des députés lors des discussions. Cette loi est une étape nécessaire pour garantir la transparence et la confiance dans le commerce électronique ».

 

Les défis de mise en œuvre

Si l'intention de cette loi est louable, sa mise en œuvre soulève de nombreuses questions pratiques. La principale interrogation concerne la capacité de l'État tunisien à surveiller efficacement les millions de transactions qui s'effectuent quotidiennement sur les réseaux sociaux. Même avec une unité spécialisée, le contrôle de l'ensemble des activités commerciales en ligne représente un défi considérable.

Pour être efficace, cette surveillance nécessitera des investissements importants en technologies et en formation, dans un contexte budgétaire déjà tendu. L'utilisation d'outils d'intelligence artificielle capables d'analyser les flux de données et de détecter les comportements suspects pourrait être une solution, mais ces technologies coûtent cher et nécessitent des compétences pointues.

Un autre défi majeur sera de trouver le juste équilibre entre la nécessaire régulation du secteur et la préservation de son dynamisme. Une application trop rigide de la loi pourrait freiner l'innovation et pousser les entrepreneurs vers d'autres marchés moins contraignants.

Cette flexibilité sera d'autant plus importante que le commerce électronique est en constante mutation, avec l'émergence de nouvelles technologies. La loi devra être conçue comme un cadre évolutif, capable de s'adapter aux innovations futures.

 

Perspectives : vers une économie numérique plus mature

Malgré ces défis, cette proposition de loi marque une étape importante dans la maturation de l'économie numérique tunisienne. Elle envoie un signal fort aux investisseurs et aux acteurs internationaux, montrant que la Tunisie est déterminée à créer un environnement numérique sûr et transparent.

À terme, cette régulation pourrait même devenir un avantage compétitif pour la Tunisie, en renforçant la confiance des consommateurs et des partenaires étrangers. Les pays qui réussissent dans l'économie numérique sont généralement ceux qui ont su créer un cadre juridique solide, protégeant à la fois les entreprises et les consommateurs.

Cette proposition de loi s'inscrit dans un contexte plus large de modernisation de l'économie tunisienne. Avec l'essor du commerce électronique, le gouvernement cherche à intégrer l'économie informelle dans le système formel, tout en renforçant la justice fiscale et en protégeant les consommateurs.

Selon les députés, cette loi permettra de :

  • Réduire les transactions en espèces : en encourageant les paiements électroniques, l'État pourra mieux suivre et taxer les transactions commerciales.
  • Protéger les petites et moyennes entreprises : les entreprises légitimes, qui paient des taxes et créent des emplois, seront mieux protégées contre la concurrence déloyale des acteurs informels.
  • Renforcer la confiance des consommateurs : avec des règles claires et des mécanismes de protection, les consommateurs seront plus enclins à acheter en ligne.

 

Un tournant décisif pour l'économie numérique tunisienne

La Tunisie s'apprête à entrer dans une nouvelle ère de régulation du commerce électronique. Avec cette proposition de loi, le gouvernement cherche à protéger les consommateurs, à encadrer les pratiques commerciales et à stimuler la croissance du secteur. Si elle est adoptée, cette loi pourrait marquer un tournant décisif pour l'économie numérique tunisienne, en créant un environnement plus sûr et plus transparent pour tous les acteurs.

Cependant, le succès de cette initiative dépendra de sa mise en œuvre. Les autorités devront veiller à ce que les nouvelles règles soient appliquées de manière équitable et efficace, tout en soutenant les entreprises et les consommateurs dans cette transition vers une économie numérique plus régulée.

La commission parlementaire chargée de l'examen de ce texte devrait rendre ses conclusions dans les prochaines semaines, ouvrant la voie à un débat en séance plénière qui s'annonce animé mais crucial pour l'avenir numérique du pays.

 

Maya Bouallégui

17/03/2025 | 09:30
9 min
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Commentaires
le financier
les illusions de la classe politique
a posté le 17-03-2025 à 10:02
je suis toujours impressionn2 par les Tunisois qui se pensent etre dans l occident . Ils ont oubli2 que la majorit2 des tunisiens n ont pas ni les moyens , ni l envie ( parfois par vieilliesse ) , d avoir une carte bleu , payer un Smart phone , payer une connection internet pour pouvoir acheter des produits de m... en ligne et peut etre jamais se faire livrer .

Le bon souk de la semaine fait tres bien l affaire et eviter des depenses superflus dans un pays ou le pouvoir d achat s est effondr2 et ou les frais bancaires sont sortis de la raison .
Pour l economie parrallele , la loi sur les cheques va surement faire perdre bcp d impot a l etat comme prevu mais ce n est pas grave , nous avons sauv2 des escrocs