
A l’approche de ses Assemblées annuelles, qui se tiendront cette année à Busan, en Corée du Sud, la Banque africaine de développement a organisé, du 1er au 6 mai, un voyage de presse en Côte d’Ivoire, réunissant des journalistes venus de 13 pays. Cette visite, qui a débuté dans le siège de la banque à Abidjan, s’est poursuivie dans des villages « modèles » du pays et a été l’occasion pour la BAD de réitérer sa vision, de livrer ses perspectives et de promouvoir ses actions…
Ouvrant le bal, Victor Oladokun, directeur du département de la Communication et des relations extérieures de la Banque africaine de Développement, a commencé par souligner l’importance du travail entrepris par la BAD pour soutenir le développement en Afrique.
« Ce qui m’a frappé quand j’ai rejoint la BAD, c’est le travail colossal qui est effectué à travers tout le continent. Il est vrai que le développement engage de nombreuses parties prenantes et la BAD en est une parmi d’autres, mais la banque œuvre à accomplir de très grands projets. Pas plus tard qu’il y a deux jours, le président de la BAD avait inauguré en Tanzanie le maillon manquant de la route transafricaine qui relie sur 10 228 kilomètres Le Caire au Cap. Cette route qui relie Dodoma à Babadi a été cofinancée par la Banque africaine de développement et constitue un projet énorme et un pas de plus dans le développement de l’Afrique », a-t-il poursuivi.
Victor Oladokun a ensuite présenté les cinq priorités de développement auxquelles s’attache l’institution. Ces Cinq grandes priorités consistent à éclairer et fournir de l’énergie à l’Afrique, à nourrir l’Afrique, à industrialiser l’Afrique, à intégrer l’Afrique, et enfin à améliorer la qualité de vie des Africains. « La Banque relève ce défi visant à soutenir la croissance inclusive et la transition vers une croissance verte, les priorités figurent également dans le Programme 2063 pour l'Afrique, élaboré en collaboration avec l'Union africaine (UA) et c’est notre avancement et quelques un des projets que nous finançons que nous sommes venus vous présenter aujourd’hui », a-t-il conclu avant de céder la parole à ses collaborateurs, qui un à un, ont présenté les projets engagés par leurs départements respectifs.
Evidemment, nous avons tenu à savoir, où était la Tunisie dans la map des priorités de la BAD et avons appris que la collaboration entre le pays et la Banque africaine de développement se poursuit sur des domaines aussi divers que la formation ou encore les énergies. En 2015, la BAD avait octroyé un prêt de 49.4 millions d’euros à la Société tunisienne d’électricité et du gaz (STEG). Prêt qui devait servir au financement du projet de développement du réseau de transport et de distribution du gaz naturel dans l’ouest du pays. Aujourd’hui c’est sur d’autres projets non moins importants que sont établis des partenariats.
« Nous sommes engagés avec la Tunisie et nous œuvrons actuellement sur des projets de développement de compétences. Ce que nous faisons en somme, et ce que nous tentons d’appliquer partout où le fondamentalisme guette les jeunes, c’est travailler sur des remèdes, sur la formation, la diversification des institutions et la création d’emploi et c’est précisément sur ces point que nous travaillons de concert aujourd’hui avec les autorités tunisiennes et égyptiennes. Nous répondons aux appels des gouvernements et aux priorités qu’ils appellent à financer, car il faut le préciser, nous sommes une banque de développement, nous ne sommes ni une fondation, ni une banque commerciale. Pendant longtemps la BAD était perçue comme la banque à financer les infrastructures, peu de demandes concernant le secteur social nous étaient adressées et aujourd’hui nous inversons un peu la vapeur », nous a révélé Oley Dibba-Wadda directrice du capital humain, de la jeunesse et du développement des compétences.
« Pour industrialiser la Tunisie, nous avons déjà entrepris une opération avec la STEG, aujourd’hui nous sommes en plein examen d’une transaction sur un projet nommé Tunifer, une opération de production de fer en Tunisie. Nous sommes également en train de négocier avec les phosphates de Gafsa, nous sommes toujours en discussion et un contrat de confidentialité nous empêche d’en dire plus sur les objectifs des négociations. Nous sommes une banque de développement avant tout mais nous sommes une banque. L’aspect développement est une priorité mais le commercial est aussi important, pour les négociations avec phosphates Gafsa, cet opérateur historique de Tunisie, l’aspect impact sur le développement est clair et établi et nous discutons aujourd’hui de la viabilité commerciale », nous a confié, pour sa part, Amadou Oumarou, directeur du département Infrastructure et développement urbain à la BAD.
Pour ce qui est des opportunités d’investissement en Afrique, nous nous sommes adressés à Vincent Nmehielle, secrétaire général du Groupe de la Banque africaine de développement, qui nous a livré son message aux investisseurs tunisiens.
« La Tunisie est un actionnaire de la BAD.et comme vous le savez, le siège de la banque y a même été momentanément installé avant de retourner en Côte d’Ivoire. Les investissements en Afrique vont tourner autour des cinq priorités fixées par la banque. Le « Africa Investment Forum », qui se tiendra en novembre sera une très grande plateforme pour tout investisseur potentiel, et notamment les investisseurs tunisiens ainsi que les institutions financières tunisiennes, pour saisir des opportunités d’investissement concrètes en Afrique. Cet évènement sera par exemple l’occasion de présenter des domaines et opportunités d’investissement notamment dans le secteur industriel ou encore agricole. Des accords seront signés pour que la BAD affirme aussi son engagement dans ce processus » a commencé par nous dire M. Nmehielle. « Ce que je voudrais dire aux investisseurs tunisiens qui travaillent avec la BAD, c’est que l’Afrique est ouverte aux affaires ! », a-t-il ajouté.
Après avoir rencontré l’équipe mobilisée de la Banque africaine de développement, et pu s’entretenir avec chacun des responsables des différents départements, les journalistes ont été conviés à visiter des projets de développement communautaire dans les villages de Zatta et N'gbékro, près de Yamoussoukro, en Côte d'Ivoire. Ces projets sont le fruit d’un partenariat engagé entre la Banque et le Fonds fiduciaire de coopération économique Corée-Afrique (KOAFEC) et ont permis de transformer les économies de deux villages touchant ainsi 2 961 habitants.
Le projet de village modèle « Saemaul Undong » (SU) est un exemple de la façon dont les pays africains peuvent passer de zones rurales difficiles à de zones de prospérité économique. L'initiative est considérée comme un modèle de développement communautaire qui a constitué le moteur de l'industrialisation rapide et de la croissance de la Corée.
Depuis avril 2011, sous l’égide du KOAFEC et à travers l’Institut africain de développement, la BAD, en partenariat avec le gouvernement coréen, a lancé les projets SU en Ethiopie, en République démocratique du Congo et en Côte d’ivoire. Les projets de Zatta et de N’gbékro ont été initiés avec le soutien de l'Agence nationale d'appui au développement rural (Anader). La nouveauté de l’approche SU, est qu’elle se base sur une approche inversée, changeant les « attitudes » de la population avant de mettre en œuvre les initiatives de développement. Ainsi, cette approche vise d’abord à faire évoluer les attitudes à l’égard de l’appropriation des initiatives de développement, accordant l’autonomie à la communauté en lui enseignant le « comment à » qui manque à la plupart des initiatives de développement.
L’initiative Saemaul Undong, se concentre sur le développement de la communauté locale, avec une éthique de la diligence, de l’auto-assistance et de la coopération. « Le but étant que cette approche, appliquée aux niveaux national et régional ait un effet domino sur la croissance socio-économique », ont expliqué, tant les responsables locaux que nous avons pu rencontrer et les directeurs de la BAD, très impliqués dans les projets.
Les villages que nous avons visité, ont adopté cette approche, « non sans difficultés » nous ont confié les habitants de Zatta et de N’gbékro. Dans ces régions, où la mentalité tribale est prédominante, réunir tout le monde autour d’un projet commun, n’était pas une mince affaire. Toutefois, les résultats observés témoignent de la réussite du processus.
Des avancées, tant sur le niveau social qu’économique, ont scellé la coopération et fédéré la totalité des communes. Des centres communautaires ont été construits pour abriter des activités pour les jeunes mais également les évènements importants organisés dans les villages. Des maternelles et écoles ont vu le jour, permettant ainsi une prise en charge de dizaines d’enfants et libérant les parents leur offrant la possibilité de vaquer à des activités lucratives et leur permettant de créer leurs entreprises.
Ainsi, des projets plus structurés et créateurs d’emplois ont vu le jour. Dans des domaines aussi variés que l’agriculture ou encore le textile, la BAD a cofinancé les projets d’agriculteurs et d’artisans réitérant son engagement à renforcer le tissu de PME en Afrique. Fière d’être partie prenante de ce modèle de développement, qui implique la participation volontaire des villageois et qui a fait émerger des leaders locaux dévoués, avec, soulignons-le, une importante participation des femmes, la BAD a souhaité étendre sa participation à l’amélioration de la qualité de vie des habitants de la région à d’autres villages. Ainsi, la banque a financé, dans le village de Lolobo, l’achat d’une machine améliorant l’efficacité de la transformation du manioc et réduisant également l’impact environnemental de ce processus laborieux.
« Le succès durable du projet « villages modèles Saemaul Undong », trois ans après leur achèvement, témoigne de la durabilité de son approche, de ses résultats et de ses impacts à long terme. Le projet a continué à améliorer la distribution équitable des revenus, la production agricole ainsi que l'environnement et l'infrastructure locale en utilisant une approche participative basée sur la communauté. La principale leçon apprise est que le changement de mentalité des acteurs, basé sur la philosophie Saemaul Undong, notamment « la Diligence, l'entraide et la collaboration » est gravé en permanence dans l'approche des villageois pour améliorer la qualité de leur niveau de vie. La deuxième leçon est que la formation continue est nécessaire pour assurer l'entretien des installations et des infrastructures construites (bâtiments, routes, barrages d'irrigation, etc.). La troisième leçon, la plus importante, est que grâce à la consolidation, les bénéficiaires du projet convertissent activement leurs activités d'agriculture paysanne en entreprises agroalimentaires prospères », ont tenu à souligner les responsables de la BAD.
« Aujourd'hui, la Banque s’active à déployer le projet à travers le continent en partenariat avec la Fondation Saemaul Undong Global, sur la base d’un pays à la fois. Sur une échelle plus large et plus stratégique, la Banque a déployé des zones de transformation des cultures de base dans plusieurs pays et celles-ci sont soutenues par des villages modèles Saemaul Undong. L'objectif est de soutenir la production alimentaire à grande échelle ; créer des opportunités de revenus et d'emploi dans les zones rurales ; contribuer à réduire le coût de la nourriture ; permettre la constitution de stocks importants de produits alimentaires à partir desquels l'exportation devient possible ; et permettre la compétitivité et le respect des normes internationales essentielles pour permettre la participation aux chaînes de valeur mondiales », ont-ils précisé.
Les bénéficiaires de ce projet, nous ont affirmé ce changement de mode de vie mais surtout de mentalité. Très motivés et soudés autour d’un projet commun qui impacte directement leur présent mais aussi et surtout l’avenir de leurs enfants, ils nous ont fait part de leur volonté de conserver et de développer ces acquis, n’hésitant pas à nous livrer leurs ambitions pour créer davantage de projets à valeur ajoutée et faire prospérer leurs communes. Le projet de Zatta et de N’gbékro a coûté au total plus de 770 mille euros et a été mis en œuvre de mars 2014, à octobre 2015.
La République de Corée accueillera donc les 53èmes Assemblées annuelles du Groupe de la Banque africaine de développement du 21 au 25 mai 2018, en la cité portuaire de Busan. Il est à rappeler que la Corée du Sud est devenue membre de la Banque en 1982, et soutient depuis longtemps le développement de l’Afrique. Ces Assemblées seront tenues sous le thème « Accélérer l’industrialisation de l’Afrique », un thème qui concorde avec le lancement du « Africa Investment Forum », qui se tiendra à Johannesburg les 7 et 9 novembre prochain, et qui sera l’occasion de faire progresser les projets initiés, de lever des capitaux et d’accélérer le bouclage financier des transactions conclues…
Myriam Ben Zineb