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Tunisie : la rupture ou le chaos
30/05/2020 | 14:00
7 min
Tunisie : la rupture ou le chaos

 

Par Hédi Ben Abbes


Depuis presque une dizaine d’années, la Tunisie a vécu sous l’emprise de plusieurs impératifs contradictoires qui consistent, d’un côté, à transformer le système politique dans l’objectif d’instaurer un Etat de droit, et de l’autre, à répondre à une demande sociale de plus en plus pressante et justifiée.

Tous les gouvernements successifs se sont attelés à gérer cette équation sans y apporter de réponse significative. Les traits communs qui lient tous les gouvernements successifs sont : l’improvisation ou comment pallier le plus urgent, comment durer sans payer le prix politique, et une absence totale de prospective, ni même de programmation à moyens termes.

Cet état de fait a produit un effet accumulateur dès lors qu’aucune des questions urgentes n’a été traitée comme il se devait. Sur le plan politique, les institutions sont toujours incomplètes et même celles nouvellement créées méritent d’être réformées. L’Etat régalien a perdu de son autorité et de sa prévalence, au profit de l’Etat profond et de la conjonction entre l’oligarchie politique et les barons de la corruption et du « parallèle ».

 

Sur le plan économique, les déficits sont structurels, l’endettement, les finances publiques, les secteurs productifs, les services, tous sont en décroissance constante. Sur le plan social, la situation n’a fait que s’aggraver d’année en année jusqu’à atteindre le point de rupture que nous vivons aujourd’hui. La politique et l’économie sont livrées aux malfrats, aux voyous et aux petits malins qui ont transformé la politique en un vaste terrain où les différents acteurs rivalisent d’immoralité et de bassesse. Ce délitement a atteint son paroxysme ces trois dernières années pendant lesquelles l’Etat était devenu un jouet entre les mains de voyous en col blanc en collusion totale avec les contrebandiers, pendant que le clientélisme et l’entrisme étaient devenus la règle.

L’Etat est à présent, partagé en morceaux parmi les apprentis sorciers de la politique de caniveau. Une grosse part pour le parti islamiste, et une autre part pour les nouveaux « capo » et leurs pseudo-partis, « Tahya » et « Qalb » et le reste pour d’autres corporations et intérêts particuliers.

 

Telle est, de manière sommaire, l’état de délabrement atteint par la Tunisie après neuf années d’irresponsabilité, d’incompétence et de manque de patriotisme. Aujourd’hui, il ne reste aucune marge de manœuvre. Alors, quelles sont les choix possibles pour l’actuel gouvernement ?

 

Le choix politique :

Tout d’abord il serait absurde et inconcevable de porter un jugement sur l’action du gouvernement actuel compte tenu de sa composition politique et des circonstances exceptionnelles dans lesquelles il a pris ses fonctions.

Les traditionnels 100 jours nécessaires avant de dresser un premier bilan provisoire ne peuvent commencer qu’à la fin de la période de gestion de « la crise sanitaire ». En d’autres termes, on ne pourra pas évaluer les grandes orientations du gouvernement qu’à l’horizon du mois de septembre 2020 tout au mieux. Néanmoins, on peut affirmer quelques données politiques évidentes. Le choix politique n’a jamais été aussi évident. Il oscille entre continuité et rupture. Le gouvernement se doit de tracer sa ligne politique de la manière la plus claire possible entre la « continuité », synonyme de gestion des affaires courantes, improvisations et gestion des mécontentements. Une telle « politique » de l’autruche serait, inévitablement, synonyme d’implosion sociale, de faillite économique et de délitement total de l’Etat. En d’autres termes, tout ce que ses prédécesseurs ont pratiqué jusqu’alors et qui a conduit au désastre actuel. L’autre choix réside dans une rupture radicale à tous les niveaux : politique, économique, sécuritaire, sociale et culturelle.

Coincé entre plusieurs radicalités, le chef du gouvernement se trouve dans une position très inconfortable. Il doit choisir sa voie de la manière la plus claire possible. D’un côté, les deux principaux partis de la coalition gouvernementale, Tayyar et Achaâb ont fait de la radicalité politique la substantifique moelle de leur positionnement sur l’échiquier. Ceci est principalement valable pour Tayyar qui joue son avenir politique qui sera mesuré à l’aune de ses accomplissements en matière de lutte contre la corruption et de la moralisation de la vie politique et l’établissement d’un Etat fort et juste comme ses partisans le disent. De l’autre, un chef d’Etat dont la légitimité électorale repose essentiellement sur ces mêmes principes ajoutés à une forte dose idéologique en faveur d’un « pouvoir du peuple par le peuple » comme il le martèle à longueur de discours. Entre ces deux radicalités d’un côté et l’impératif de s’appuyer sur un soutien au sein du Parlement, le chef du gouvernement doit trouver un point d’équilibre.

 

Ce point d’équilibre n’est plus possible dès lors que ni le parti islamiste, ni les opportunistes de Tahya Tounes et Qalb Tounes, ni l’Etat profond et ses différents lobbies et prolongements dans tous les secteurs, ne sont disposés à accepter de payer le prix du passage vers un Etat de droit et de reddition des comptes.

N’ayant qu’un appui politique par procuration et sous conditions, le chef du gouvernement se trouve tiraillé entre, d’un côté, la continuité dans l’espoir de durer et la rupture de l’autre avec tous les risques politiques que cela comporte. Sans la rupture, la coalition gouvernementale finira par imploser et avec la continuité, elle implosera aussi mais pour d’autres raisons. Alors que faire ?

 

Opposer la légitimité populaire à la légitimité électorale :

Le système de représentation actuel étant défaillant au vu de la composition plus que honteuse du Parlement et les demandes de plus en plus pressantes de se débarrasser du régime politique dans son ensemble. Le chef du gouvernement doit chercher à tout prix une légitimité populaire, certes non institutionnelle, mais néanmoins déterminante dans les rapports de forces politiques.

Cette légitimité populaire est fragile et aléatoire et requiert un savoir-faire politique et communicationnel important. Pour atteindre cette légitimité populaire acquise en partie par le biais du président de la République, il faudrait s’inscrire dans une rupture totale avec le mode de gouvernance actuel et instaurer un mode de gouvernance en rupture. Pour ce faire, il faudrait d’abord :

  • Ecarter de son esprit tout calcul politique personnel qui entrave l’action et nous ramène au statu quo ante.
  • S’inscrire dans une stratégie d’assainissement de l’appareil de l’Etat sans se soucier de l’éventuel prix politique à payer.
  • Mettre en place les réformes radicales des services publics à commencer par la justice et les institutions sécuritaires de l’Etat. Sans un Etat de droit, aucune lutte contre la corruption, ni développement économique et social ne peuvent être espérés.
  • Faire un choix pour un modèle économique et culturel bien défini et mettre un plan d’action qui s’y rattache.
  • Tenir compte des enjeux régionaux et internationaux et leur impact sur les grandes orientations nationales et le repositionnement de la Tunisie au vu de la redistribution des cartes géopolitiques.

Ces choix stratégiques doivent être appuyés par une communication politique professionnelle et sans faille.

 

Communication politique :

Une légitimité populaire capable de changer les rapports de force politique n’est jamais acquise et nécessite que l’on réponde au préalable à des questions fondamentales :

  • Privilégier l’annonce des faits et éviter les effets d’annonce
  • Faire part au peuple, de la manière la plus simple et la plus claire, de l’état réel du pays à tous les niveaux.
  • Annoncer concomitamment toutes les réformes douloureuses qui s’imposent de telle sorte que le peuple se sente d’abord responsable et en suite cogestionnaire de la crise.
  • Tenir l’opinion publique au courant en toute transparence de toutes avancées mais aussi des échecs des politiques menées.
  • Faire de l’exemplarité la colonne vertébrale des politiques publiques à commencer par les plus hauts responsables politiques.

C’est au prix de ces quelques recommandations que la légitimité populaire peut être sollicitée et la confiance tant souhaitée entre gouvernants et gouvernés peut être établie. Certaines mesures prises jusqu’alors par le gouvernement semblent aller dans le bon sens (numérisation, lutte contre la corruption, volonté de transparence) mais elles sont loin d’être suffisantes. Parions sur le temps et sur la mise en place d’une méthodologie de gouvernance claire, et on fera un bilan provisoire des premiers résultats escomptés dans une année.

 

30/05/2020 | 14:00
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Commentaires
Citoyen_H
@Nephentes | 30-05-2020 21:27
a posté le 30-05-2020 à 22:50
Yarham wéldik.
Et encore, vos révélations sont bien en deçà de la réalité.
Ces imposteurs de la maudite troika avaient mis trois ans pour nous pondre la meilleure constitution de l'univers, dixit le plus nul politicien de la galaxie, à savoir le pingouin bouchléka.
Le pire est que notre ancienne constitution était parfaitement adaptée pour contrecarrer toutes les malversations observées depuis.

Tant que les grands "***" de l'après 2011 joueront le jeu des criquets pèlerins auxquels vous faites allusion, aucune autre alternative ne sera envisageable.
Seul un réveil en masse des patriotes, pourrait avoir raison de ces canailles responsables du carnage auquel nous assistons depuis 2011.
Salutations



Aloulou
Conseiller gratuit
a posté le 30-05-2020 à 21:58
J'ai pensé que que me Fakhfakh à des dizaines de conseillers qui coûtent cher aux citoyen
J'appelle ce conseiller un hadj klouf où il cherche un poste dans un un gouvernement aveugle.
Nephentes
#Citoyen H
a posté le 30-05-2020 à 21:27
Effectivement

Ben Abbes n'est pas un idiot il sait ou les veritables goulots d'etranglement ecistent.Il n'en pipe mot

Raison de plus de se defier de sa sincerite

Il aurait ou par exemple evoquer la prise en otage du pays oar ces fameuses 50 familles oligarques qui etrangient litteralement les possibilites de croissance durable des secteurs a reelle valeur ajoutee

De l'indispensable et urgente elimination de cette p..tain d'economie de rente qui est un conglomerat de sangsues parasites qui inhibe toute filiere innovante toute creation de richesse durable

De cette prise en otage du secteur bancaire du Ministere de l'Interieur du Commerce de l'Industrie des Finances de la Justice par ces memes familles dans l'impunite la plus totale

Du scandale absolu de la CPG pillee vandalisee par 3 clans gafsiens mafieux dans le cadre d'une alliance infame avec l'UGTT locale

Des veritables commandiraires du trafic de drogue dans ce pays

De la cape d'invisibilite de Gharsalli

Des poids lourds de medicaments, produits agroalimentaires et bovides qui traversent quotidiennement et illegallement la frontiere sous les yeux etrangement distraits des forces armees censees proteger nos frontieres de tout trafic

En fait bien peu de responsables evoquent la veritable configuration et l'ampleur de ces problemes
Citoyen_H
@Moi | 30-05-2020 14:42
a posté le 30-05-2020 à 19:52
"Encore un discours vide " et "on peut lire même un certain opportunisme et un manque d'objectivité"

Tout à fait exact l'ami.
Bientôt ils nous sortira qu'à l'époque du non moins nullissime marzougui, la Tunisie avait atteint son âge d'or.

Dans tous ses articles et à aucune fois, Ben Abbes remit en cause ses "ex"-acolytes, abbou, marzougui, daimi, badi et tous les autres parvenus.
On en déduit qu'ils étaient tous des anges, auxquels ils ne manqueraient que des ailes.

Avec Ben Abbes, c'est toujours la faute des autres.
Drôle d'impartialité. pour un pigiste éclairé.

Tant qu'il ne fera pas de méaculpa et tant qu'il ne se remettra pas en cause, il ne différera pas de ceux qu'il critique à longueurs d'articles..
Salutations




Himar
Papa Hédi, SVP ...
a posté le 30-05-2020 à 19:43
himar a lu et relu .... mais quelque chose il n'a pas compris ... mais c'est normal il est himar ...
Bon voilà .... un seul mot intéresse himar dans tout ce que tu as dit .. oui .. un seul ... les reformes douloureuses ....
mais voilà papa hédi, tu en dit rien de ces réformes ! alors au lieu de palabrer pendant une heure et nous faire perdre notre temps ...dis nou c quoi ces réformes douloureuses
Toto
Prix politique !!
a posté le 30-05-2020 à 18:21
Le jours où on aura des politiciens qui auront le courage de s'attaquer aux vrais problèmes des tunisiens sans avoir peur de payer le prix politique !!

Vous demandez trop aux opportunistes politiques tunisiens qui, avec leurs égos et leurs soifs de pouvoir, ne roulent que pour eux mêmes !!

Le tunisien est dégoûté car il ne voit rien venir
DHEJ
Hélas FAKH ² ne dispose d'aucune légitimité populaire !
a posté le 30-05-2020 à 17:29
Ne s'est-il pas présenté aux élections récoltant un 0?!

Il ne lui reste que la légitime parlementaire lui qui ne dispose d'aucun bloc parlementaire.

Vive la prostitution parlementaire !

EL OUAFFY Y
UN PRESIDENT QUI POURRA RATTRAPER LE RETARD .
a posté le 30-05-2020 à 16:34
Ce que on a conclu et d'après l'analyse de Héddi Ben Abbes l'actuel situation est alarmante dans tous les niveaux faut mieux intervenir avant quel sera trop tard un président qui a la volonté de progresser mais son milieu plein de freinage ou sont les anciens cadres brillants les pleins de savoir faire ou bien ont les écartés au nom de la dite-revolution ? .
Quand est ce ce president donnera l'importance à cette classe qui pourra empêchée le pays d'entré dans un tunnel sans usée .
Cuisiner
C'est simple
a posté le 30-05-2020 à 15:50
Le chaos cher ami, le chaos...doucement mais sûrement.
Gg
L'introduction suffit!
a posté le 30-05-2020 à 15:04
"...qui consistent, d'un côté, à transformer le système politique dans l'objectif d'instaurer un Etat de droit, et de l'autre, à répondre à une demande sociale de plus en plus pressante et justifiée"

L'état de droit: islamistes et justice aux ordres.
Réponse sociale: aucune réforme de l'administration et très peu d'efforts contre l'économie dite parallèle.
Bref...
Moi
Encore un discours vide :(
a posté le 30-05-2020 à 14:42
un discours vide de propositions intelligentes, c'est ce genre de discours à la Mr. Ben Abbes qui a ruiné le pays, rien de concret.

Entre les lignes de l'article, on peut lire même un certain opportunisme et un manque d'objectivité (sans entrer dans les détails).

Les solutions existent pour notre Tunisie, mais pas avec le bavardage inutile...