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Tout savoir sur le projet de loi de la confiscation civile
27/11/2024 | 13:09
5 min
Tout savoir sur le projet de loi de la confiscation civile

 

Dix élus ont officiellement déposé une proposition de loi intitulée « La Confiscation civile ». Ce texte, qui compte plus d'une trentaine d'articles, instaure un nouveau système de saisie de biens dans le cadre de la lutte contre la corruption et l'enrichissement illicite.

 

Dans son premier article, la proposition de loi précise qu'elle a pour objectif de soutenir les efforts nationaux de lutte contre la corruption dans les secteurs public et privé, conformément aux standards internationaux et régionaux. Elle définit les conditions, les procédures et les formes d'interdiction pour les individus de détenir des biens acquis en exerçant ou bénéficiant d'une activité illicite, ou de profiter des revenus générés par ces biens.

La proposition de loi définit l'activité illicite comme toute mesure, tout acte, toute négligence ou abstention facilitant l'obtention d'avantages personnels, pour soi ou pour autrui, et violant les dispositions légales en vigueur ou portant atteinte à l'intérêt et aux deniers publics. En ce qui concerne les biens acquis de manière illégale, il s'agit de toutes sortes de propriétés, qu'il s'agisse de meubles, d'immeubles, de revenus, de gains liés à des titres ou de chèques résultant d'une activité illicite, provoquant une augmentation considérable de la fortune ou une réduction importante de la dette.

Le même article définit le terme « commission » comme étant l'institution ou l'administration chargée par le gouvernement de la lutte contre la corruption, mais il ne donne pas plus de détails à ce sujet. La proposition des élus liste les prérogatives de la commission sans indiquer la procédure à suivre pour identifier cette commission ou en désigner les membres. Le texte ne précise pas si cette commission est nommée par simple arrêté ou par une loi. Il ne précise pas non plus si ses membres doivent être choisis en fonction de leur expérience ou de leurs domaines d'activité, s'il s'agit d'experts ou de fonctionnaires. Aucune précision n'est donnée quant au mode de fonctionnement de la commission ni à la nécessité d'adopter un règlement intérieur.

 

Le texte passe ensuite directement aux prérogatives de cette mystérieuse commission, qui se résument principalement en trois grands axes : enquêter sur l'enrichissement illicite, geler les biens et les saisir.

Ainsi, la commission aura pour rôle d'entamer l'instruction portant sur les soupçons de corruption. Elle pourra initier une enquête de sa propre initiative ou sur demande des organes de contrôle administratif, financier, fiscal, de la Cour des comptes, de la Commission tunisienne des analyses financières, de la Haute Instance de la Commande publique, ou de toute autre institution nationale ou étrangère liée à la Tunisie par des conventions portant sur ce sujet.

La commission aura le droit de collecter des informations, des documents, des témoignages, et d'adopter toute mesure permettant d'enquêter sur un soupçon de corruption. Cela inclut la saisie de documents ou de meubles prouvant l'activité illicite. Les agents chargés de l'enquête seront responsables de rédiger des rapports et des procès-verbaux auxquels il est impossible de faire appel, sauf pour faux témoignage. Il est précisé que le recours contre les rapports et procès-verbaux ne suspend pas le processus de gel des biens.

La commission pourra procéder au gel des biens et des revenus générés par ces biens issus d'une activité illicite, ou au gel de biens correspondant à la valeur des biens et des revenus acquis illégalement. Le gel s'applique pour une durée de six mois et est renouvelable une seule fois. La commission peut demander à la justice l'application de mesures conservatoires supplémentaires non mentionnées dans la proposition de loi. La personne concernée par la décision de gel est notifiée par huissier de justice dans un délai n'excédant pas 48 heures après l'application de la décision. Le seul recours possible est une demande de levée du gel déposée auprès du tribunal administratif. Ce recours ne suspend pas l'application du gel.

 

Après les recours éventuels en cas de maintien de la décision de gel, la commission entame les procédures de saisie et transfère la propriété des biens. Le président de la commission dépose une requête de saisie auprès du tribunal de première instance de Tunis, qui est l'unique instance judiciaire compétente en la matière selon la proposition de loi. Le texte prévoit également que l'audience dédiée aux plaidoiries doit avoir lieu dans un délai ne dépassant pas trente jours après la désignation du juge chargé de l'affaire.

L'appel à la décision de saisie prononcée en première instance doit être déposé dans un délai ne dépassant pas une semaine auprès du président du tribunal de première instance de Tunis. La demande est ensuite transférée à la cour d'appel dans un délai ne dépassant pas un mois. Le président de cette cour doit fixer une date d'audience dans un délai ne dépassant pas un mois. Il est à noter que la justice peut repousser la saisie de vingt ans si le bien concerné est le seul domicile des parents ou des enfants de la personne concernée.

Les biens saisis sont enregistrés dans un registre spécial détenu par le ministère du Domaine de l'État. Ils sont classés et évalués par l'expert du ministère, qui évalue également les frais de gestion, d'exploitation et de préservation des biens avant leur cession. Il est possible de recourir à l'évaluation d'un autre expert en tenant compte de l'évaluation réalisée par l'expert du ministère du Domaine de l'État.

Le ministère rédige un rapport et le transfère à la commission chargée de la gestion des biens confisqués, commission qui est créée par la même proposition de loi. Cette commission pourra décider de la cession du bien en question ou de le mettre à disposition d'un projet national prioritaire ou de la Caisse des dépôts et consignations. Cette décision doit se faire par appel d'offres et est validée par le chef du gouvernement, qui doit notifier le président de la République et le président de l'Assemblée des Représentants du Peuple.

 

Il est important de noter que la proposition de loi instaure également la possibilité d'engager un processus de conciliation mettant fin aux poursuites judiciaires, sous certaines conditions. Cela inclut, par exemple, l'identification de biens acquis illégalement à l'étranger, la réduction des frais de récupération des biens spoliés, le décès de la personne exerçant l'activité illicite, ou l'impossibilité d'identifier une personne ayant permis à une personne morale de s'enrichir illégalement. Il est formellement interdit d'entamer une conciliation si la personne concernée est un agent administratif, un militaire, un policier ou un magistrat. Le demandeur de conciliation doit, dans tous les cas, restituer le bien en question.

 

Ainsi, des ambiguïtés persistent dans cette proposition de loi, notamment concernant la composition, les modalités de fonctionnement et la supervision de la commission chargée de l'application de cette loi. Le manque de précisions sur les critères de sélection de ses membres et la procédure d'évaluation des biens soulève des interrogations sur l'efficacité et la légitimité du dispositif. De plus, le recours à des conciliations et les pouvoirs étendus de la commission pourraient soulever des préoccupations sur les équilibres entre la justice et la préservation des droits des individus.

 

Sofiene Ghoubantini

27/11/2024 | 13:09
5 min
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Commentaires
juan
commencez par le attar pharmacien ....
a posté le 29-11-2024 à 13:56
qui détient un monopole de attar injustifié.
il s'enrichit exponentiellement sur la santé des malades.
il ne produit rien, ne fait rien. simple commerçant, attar ...
on peut le remplacer par un distributeur automatique.
çà revient nettement moins cher, et moins de devises exportés pour l'achat de medicaments, la plus part des palcébos inutiles.
A bas le monopole du attar pharmacien , hérité de la colonisation.
la France votrte malheur, depuis 1881 ...
Dr. Jamel Tazarki
A l'intention de Notre Président de la République
a posté le 28-11-2024 à 11:32
A l'intention de Notre Président de la République, Mr. Kais Saied

a) Définition : je cite, "Le blanchiment d'argent est l'action de dissimuler la provenance d'argent acquis illégalement, en la convertissant en une source légitime", voir Larousse.

b) un fait: La dépénalisation récente par notre gouvernement de la détention d'une somme supérieure à cinq mille dinars en liquide d'origine inconnue. --> c.à.d que la contrebande pourrait convertir des millions de dinars acquis illégalement en une source légitime --> ce qui est un blanchiment d'argent toléré par la dépénalisation (par la loi)

c) La loi de la confiscation civile lutte par contre contre le blanchiment d'argent


Très Cher Compatriote, Mr. Kais Saied, il y a ainsi une contradiction qui fait beaucoup de mal à mon intelligence mathématique...

Très Cordialement


Dr. Jamel Tazarki, Mathématicien Résident à l'étranger

C'est dans l'intensité, la régularité et le renouvellement du débat socio-politique / -économique que se forge le gouvernement du peuple. La bonne santé de notre jeune démocratie tunisienne se mesure à ses contre-pouvoirs. Voilà pourquoi l'indépendance des médias, de la justice, l'activité syndicale et la qualité du débat parlementaire concernent tous les Tunisiens.
Juan
Larousse ou Duden ?
a posté le à 13:57
intelligence mathématique... dans les nuages, comme toujours ...
Tounsi Tounsi
Très bien
a posté le 28-11-2024 à 07:33
Cette loi va éduquer et inciter les citoyens à cesser les pratiques qui nuisent non seulement à la bonne gouvernance mais aussi à la redistribution des richesses.

Cependant il faudra bien l'encadrer pour ne pas qu'elle menace le citoyen lambda qui n'a rien à se reprocher.
le financier
je crois que c est un copie coller
a posté le 27-11-2024 à 18:09
Je crois que c est un copie coller de la loi anti blanchiment francaise , ils auraient pu copier coller l italienne et l americaine de lutte anti mafia beaucoup stricte
Tounsi Tounsi
Petit à petit
a posté le à 07:31
Ils commencent par la version la moins dure pour ensuite dire qu'elle ne suffit plus et ensuite l'agrémenter de mesures plus strictes.
The Mirror
La confiscation civile, un outil indispensable pour éradiquer la corruption
a posté le 27-11-2024 à 17:25
La dizaine de députés qui ont proposé le projet de loi sur la confiscation civile, ne vont pas tarder à devenir nombreux, voire même très nombreux, compte-tenu de cette épidémie qui ravage notre société depuis une trentaine d'années, je parle là de la corruption.

Notre pays a vécu deux périodes de son histoire, pendant lesquelles la corruption est devenue un phénomène presque légal: la période de Ben Ali et la période d'Ennahdha. Pour être honnête, je dois tout de même relativiser les choses, car, Ben Ali et ses Trabelsia se sont avérés des saints devant la mafia des khouanjia.