L’armée tunisienne, aidée par les forces de police et de la Garde nationale, est aux prises depuis plusieurs mois contre des groupes terroristes réfugiés sur les hauteurs de l’ouest tunisien. Sur le plan militaire opérationnel, l’armée a certains succès à son actif mais la bataille fait aussi rage sur le plan de la communication.

Le 9 mai 2015, le porte-parole officiel du ministère de la Défense nationale, Belhassen Oueslati, a donné une conférence de presse pour exposer les succès de l’armée nationale dans sa lutte contre les terroristes du mont Châambi. Les révélations faites par le lieutenant-colonel étaient édifiantes. En effet, les forces armées tunisiennes ont découvert pas moins de 61 camps de terroristes répartis comme suit : 21 au mont Châambi, 14 au mont Selloum, 13 au mont Ouergha, 10 au mont Sammema et 3 sur les hauteurs de Jendouba.

Ces découvertes ont été faites pendant les années 2014 et 2015. Les unités sécuritaires ont également découvert l’existence de fosses communes dans lesquelles étaient enterrés des terroristes ainsi que des documents.

L’ampleur de ces découvertes invoque plusieurs réflexions. La première concerne le nombre de camps de terroristes découverts (61). La dispersion de ces camps et leur nombre montre d’un côté, l’organisation et la méthodologie des terroristes. D’un autre côté, cette configuration suggère l’existence d’une assistance logistique importante permettant d’assurer cette dispersion et de tenir ses positions pendant près de trois ans au moins. Il n’est pas interdit également de penser que les terroristes réfugiés sur les montagnes maintiennent un certain nombre de membres, ce qui suggère que le recrutement continue.

Quelques heures après cette conférence de presse, le groupe terroriste caché à Châambi, qui se nomme la brigade de Okba Ibn Nafaâ, a mis en ligne une vidéo, dans la soirée. Dans cette vidéo, les terroristes ont voulu « répondre » à la conférence de presse du représentant de l’armée afin de relativiser les succès des unités sécuritaires et pour dire, aussi, qu’ils ont aussi des victoires de leur côté.

Ainsi, on peut voir dans la vidéo l’attaque effectuée par les terroristes sur des soldats tunisiens à Henchir Tella en juillet 2014 avait fait 14 morts. Dans cette vidéo, les terroristes exposent également leurs « prises de guerre » qui consistent en des armes, des gilets pare-balles, des téléphones portables et des chaussures. Avant de passer au film de l’opération, les terroristes passent des extraits de prêches donnés par des cheikhs qui leur sont favorables ainsi qu’un extrait de l’un des discours de terroristes notoires comme Abou Mosâab Abdelwadoud.

Par ailleurs, tentant de montrer qu’ils ne font que rendre justice, les terroristes présentent cette opération comme étant une réponse à l’opération de police de Douar Hicher pendant laquelle une femme avait été tuée. Les terroristes tentent, par cette manœuvre, de montrer qu’ils ont une valeur morale supérieure aux autorités du pays, et ainsi l’utiliser comme un vecteur de recrutement. Ainsi, la valeur morale est combinée à certains abus de la police tunisienne pour tenter de convaincre certains jeunes désemparés et désespérés de rejoindre leurs rangs.

Ainsi, les terroristes retranchés au mont Châambi, à défaut de réaliser des victoires d’ordre militaire sur les forces armées tunisiennes, mettent leur poids dans l’image et dans la communication. Par conséquent, ils espèrent pouvoir recruter de nouveaux membres afin de pallier aux sévères coups infligés par l’Armée dernièrement.   

En effet, ces derniers mois, plusieurs terroristes de premier plan ont été mis hors d’état de nuire par l’Armée nationale. On citera Lokman Abou Sakhr qui a été tué lors d’une opération de la Garde nationale à Sidi Aïch dans le gouvernorat de Gafsa le 28 mars 2015 en compagnie de huit autres terroristes. Lokman Abou Sakhr était le chef de la brigade de Okba Ibn Nafaâ et était recherché par les autorités tunisiennes et algériennes depuis plusieurs années. Il va sans dire que cette perte a sévèrement impacté les rangs des terroristes retranchés au mont Châambi.

Les unités de l’armée, de la police et de la Garde nationale sont parvenues, durant leur longue lutte contre les terroristes, à en exécuter plusieurs dont Kamel Gadhgadhi, Ezzeddine Abdellaoui, Anas El Atri, Lotfi Ezzine, les frères Dhibi et plusieurs autres. Toutefois, la guerre n’est pas encore finie. Des succès sont réalisés sur les plans militaire et opérationnel. Toutefois, deux autres aspects de cette guerre doivent être mis en priorité. Le premier est celui de l’approvisionnement et du soutien logistique qui est fourni aux terroristes. Le deuxième est celui de la communication autour de cette guerre contre le terrorisme. En effet, l’initiative du ministère de la Défense qui a donné une conférence de presse pour établir le bilan de deux ans de guerre est louable. Elle devrait être répétée à plusieurs reprises pour montrer les succès réalisés par les unités de l’armée dans la montagne.

Par ailleurs, il est urgent que la classe politique dirigeante reprenne le dossier en main. L’intention de départ était de « dépolitiser » la guerre contre le terrorisme afin de l’éloigner de ses tergiversations. Toutefois, il ne faut pas que le sujet quitte le devant de la scène politique tunisienne dans le sens où la loi antiterroriste doit être votée dans les plus brefs délais sans oublier le fait de rendre hommage aux soldats tombés sur le champ d’honneur, chose qui a été négligée par l’actuel gouvernement.