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Sadok Mourali, un ministre de la Jeunesse qui n’a rien compris aux jeunes
12/11/2024 | 10:53
6 min
Sadok Mourali, un ministre de la Jeunesse qui n’a rien compris aux jeunes

 

Dans une sortie médiatique hors du commun, le ministre de la Jeunesse et des Sports, Sadok Mourali s’est adressé hier, 11 novembre 2024, à un jeune en lui vantant la nouvelle vision promue par le président de la République consistant à lancer des sociétés communautaires. Le jeune paraissait sceptique, mais le ministre était insistant : « oublie l’académie, prenez ce terrain, regroupez-vous et créez une société communautaire ! ». Visiblement, c’était un dialogue de sourds. Le jeune n’a rien compris au discours propagandiste du ministre et le ministre n’a rien compris aux attentes du jeune.

 

Il a 59 ans, les cheveux poivre et sel, la moustache fournie et il est ministre de la Jeunesse et des Sports. Sadok Mourali fait partie des très rares ministres du gouvernement Maddouri qui a « osé » une sortie de terrain accompagné de caméras de médias, dans une période où les journalistes sont considérés comme des pestiférés. La scène a été filmée par Mosaïque FM et se déroule à Kasserine près d’un terrain gazonné. On voit le ministre s’adresser à un jeune diplômé d’éducation physique, lui disant d’exploiter ce terrain public : « Oublie l’académie, oublie l’association et crée une société communautaire, le président de la République a apporté une nouvelle pensée vous devez le comprendre ! Rassemble trois, quatre, cinq camarades et créez une société communautaire ! Allez, on est d’accord ? ».  Le ministre s’adresse ensuite au gouverneur pour lui demander de s’occuper davantage des jeunes chômeurs et de lui assurer qu’il comptait sur lui pour ce faire.

 

La scène est des plus surréalistes. Sous d’autres cieux, elle aurait fait la une des émissions humoristiques et/ou provoqué une réaction immédiate du parquet, de l’opposition et des ONG luttant contre la corruption. En Tunisie, elle passe crème comme une scène tout à fait ordinaire de la vie politique.

S’il n’y a rien d’anormal à ce qu’un ministre promeut la politique de son président de la République, il est quand même étrange qu’il dise à un jeune d’exploiter un terrain appartenant à l’État ou à la collectivité locale. Quelle loi l’autorise pour s’approprier, à titre privé, un terrain public ? Si, demain, le pouvoir change, le jeune ne risque-t-il pas d’être poursuivi pour enrichissement illicite, corruption, ou via le fameux article 96 du code pénal, à l’instar de plusieurs ex hauts responsables de l’État et chefs d’entreprises, actuellement en prison ?

Tout aussi anormal qu’il demande à un jeune d’abandonner ses rêves de lancer une académie sportive et de se lancer dans une société communautaire dont les tenants et aboutissants échappent encore aux observateurs les plus avisés.

Cela fait un bon moment que le gouvernement fait la promotion des sociétés communautaires, idée très chère à Kaïs Saïed qui croit, dur comme fer, que c’est elle qui va sortir les Tunisiens de leur misère ou, au moins, de leur chômage. Le chef du gouvernement en a parlé lors de son discours devant le parlement le week-end dernier et on a même créé un secrétariat d’État ad-hoc.

N’empêche, en dépit de toute la propagande gouvernementale, il n’y a eu absolument aucune étude sérieuse autour de ces sociétés communautaires. À ce jour, on ne sait pas quelle est la viabilité de ce type de projets, quelle peut être leur rentabilité et sont-elles meilleures ou pas que les entreprises classiques. L’État ne peut pas encourager les jeunes à aller dans une direction dont ils n’ont aucune idée, ni aucun plan concret, de la destination.

Cette idée neuve, par ailleurs, n’a été observée nulle part ou presque. Certes, il y a quelques exemples d’entreprises communautaires dans le monde, mais elles restent marginales et ne se sont jamais distinguées dans une quelconque économie. Dans les économies des pays développés, seules les entreprises se distinguent et créent de l’emploi et de la croissance. Point d’entreprises communautaires.

Faute d’étude sérieuse, les jeunes ne peuvent pas se lancer dans les entreprises communautaires. Or l’État a lancé un secrétariat d’État et promeut un type d’entreprise sans aucune étude au préalable.

Il n’a même pas lancé une campagne de communication digne de ce nom à ce sujet. On se suffit uniquement des déclarations politiques pour promouvoir l’idée neuve du président.

En clair, le ministre, ses pairs du gouvernement et leur président demandent aux jeunes de se lancer dans l’inconnu.

 

Bien qu’il soit énarque et qu’il a fait toute sa carrière auprès des jeunes, Sadok Mourali donne l’impression qu’il vit sur une planète autre que celle où se trouve le jeune diplômé kasserinois en face de lui.

Selon une très sérieuse étude sur les jeunes tunisiens réalisée en 2023 par le professeur de sociologie et d’anthropologie Imed Melliti pour le compte de la fondation allemande Friedrich Ebert (FES), « les jeunes tunisiens sont très nombreux à exprimer le désir de quitter le pays en pensant que leur salut et leur réussite en dépendent ».

La même étude précise que la sécurité économique est le facteur de satisfaction le plus déterminant et qu’il arrive en tête avec un taux de 59%. Ce besoin de sécurité est plus grand chez les jeunes du milieu rural (67 %) et les jeunes issus des milieux les moins nantis (62 %).

Pour assurer cette sécurité économique, si chère à leurs yeux, les jeunes cherchent à intégrer la fonction publique qui leur offre la stabilité ou à lancer leur propre projet qui, s’il réussit, leur garantit le confort matériel. À défaut d’obtenir un emploi dans la fonction publique et d’avoir les moyens et le courage nécessaire de se lancer dans leur propre entreprise, les jeunes s’orientent vers le privé (où 75% n’ont pas de contrat de travail selon l’étude de FES) ou l’exil.

Quelle que soit l’option choisie par les jeunes, les entreprises communautaires n’en font pas partie. Et la raison est simple, ces entreprises synonymes d’inconnu, ne garantissent ni stabilité de l’emploi, ni richesse matérielle. En effet, il n’est pas question de devenir riche en lançant ce type d’entreprises, selon les promoteurs gouvernementaux. L’idée du président est de s’assurer d’un minimum vital en proposant des produits bon marché afin de préserver le pouvoir d’achat des citoyens.

Le jeune kasserinois qui a interpellé le ministre fait partie de la deuxième catégorie, celle qui veut se lancer à son propre compte. Étant diplômé en éducation physique, il veut lancer sa propre académie sportive. Voilà une idée qui n’est pas neuve, mais qui a le mérite d’avoir du succès partout où elle a été appliquée. Les académies sportives marchent partout dans le monde, y compris en Tunisie. La championne nationale de tennis, Ons Jabeur, compte lancer la sienne. De grandes entreprises tunisiennes, telle Ooredoo, ont lancé la leur. Dans le monde, les plus grandes académies sportives ont été lancées par les plus grands champions, telle celle de Rafael Nadal en Espagne.

Le jeune Kasserinois, aussi démuni soit-il, a les pieds sur terre et sait ce qui se passe aussi bien dans son pays qu’ailleurs. Son ambition n’a rien de démesuré, il a juste besoin des moyens matériels pour transformer son rêve en réalité.

En lui demandant d’oublier son rêve de l’académie et l’enjoignant à adopter le rêve (ou le fantasme du moment) du président de la République, Sadok Mourali montre qu’il n’a rien compris à ce jeune et aux jeunes en général. Un jeune suit sa propre ambition et non celle des autres. Il prend exemple sur des modèles qui ont réussi ailleurs et non sur des modèles qui n’existent nulle part. Il est prêt à s’ouvrir à d’autres horizons, mais à condition qu’on lui démontre par a+b que ces horizons vont dans son sens. Il n’est pas prêt, en revanche, à s’approprier les biens publics pour des fins privées, quand il voit le sort fatal réservé à ceux qui ont pris ce chemin.

 

Raouf Ben Hédi

12/11/2024 | 10:53
6 min
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Commentaires
Léon
Ils sont fous ces gaulois
a posté le 13-11-2024 à 21:09
Parlons un peu du match de demain en France au lieu de s'occuper de peines perdues chez le peuple de la trahison collective de 2011. Parlons du maintien du Match France-israël (et de surcroit dans le neuf-trois) par un ministre de l'intérieur qui frôle l'inconscience, sinon la sottise. Ou peut-être le fait-il exprès, car il n'y a pas mieux pour mener le pays dans un soulèvement que de provoquer les français. Ce ministre aurait dû faire un stage chez Ben Ali avant de prendre de telles décisions, complètement inconscientes.
Son inconscience, conjuguée à sa méconnaissance du peuple français, lui dit qu'il suffit mettre le paquet pour assurer l'avant, l'après, et le match lui-même. Il ne sait pas que de telles provocations peuvent avoir la fâcheuse conséquence d'entrainer des soulèvements, même à des centaines de kilomètres du Stade de Saint-Denis, et même bien après le match.
Il croit que l'évènement ne débordera pas dans l'espace et dans le temps. Bonté Divine, mais il est complètement inconscient! Il joue avec le feu comme tout ce parterre de jeunes hommes politiques qui s'amusent.
J'aurais fait un bien meilleur ministre de l'intérieur que lui et j'aurais "assuré" sans heurts et sans casse. Cependant, j'espère que peuple français, essentiellement pro-palestiniens (du moins dans le coeur), ne répondra pas à cette provocation. J'ai beaucoup de sympathie pour ce Grand Peuple, Juste et résilient, pour espérer que cet imbécile ne mettra pas le pays à feu et à sang par son inconscience.
E dire ses prédécesseurs se sont permis d'oublier que les jeux olympiques rapprochent les peuples et avaient écarté la Russie et la Biélorussie (une injustice sans précédent). Pour Israël, ce pays "pacifique", ces grands bienfaiteurs qui n'ont fait que 50.000 morts dans une bande qui pas plus grande que le neuf-trois, il n'est pas question de l'écarter.
Quand le peuple français balayera-t-il ces hommes politiques inconscient et leur substituer des Asselineau, des De Villepin ou des Todd (dans cet ordre).

Léon, Min Joundi Tounis Al Awfiya;
Résistant;

VERSET 112 de la SOURATE des ABEILLES.
momo
@Léon
a posté le à 18:43
Je n'ai aucune sympathie pour ce Ministre classée très à droite dans l'échiquier politique français, M° Retailleau me rappelle son mentor et ex-président Nicolas Sarkozy .celui-ci était atteint d'une forme chronique de la maladie de la bougeotte, cad, il brasse de l'air en guise de politique et n'apporte rien aux problèmes des français vis-à-vis de l'immigration.
Mon problème avec votre commentaire, c'est que vous prévoyez l'échec du système de sécurité ayant été mis en place au stade de France pour la rencontre de football France Israël, avant qu'il ne se déroule, je ne pense pas que vous puissiez être Mme Irma voyante connue, donc attendant pour voir.
Vous dites ensuite que le Français est un grand peuple, j'ajoute cultivé et subtil, je réside en France depuis des longues années pour confirmer ce jugement, or dire que la majorité des français sont propalestiniens n'est pas juste, ils sont totalement avec la population, pour des raisons profondément humanitaire or, ils sont dans leurs majorité anti Hamas et anti Netanyahou, cela se reflète d'ailleurs dans la politique de Macron vis-à-vis d'Israël.
Ben
Une SUGGESTION
a posté le 13-11-2024 à 10:00
Je suggère à l'auteur de cet article sérieux et rare en ce moment de documenter la question des entreprises communautaires dans le monde. Un aspect à creuser et qui faute de place ne l'a pas été.
Patriote
Société communautaire
a posté le 12-11-2024 à 20:57
La condition sine qua none pour créer une société communautaire est de rassembler au minimum 50 personnes et non 3 ou 4 ou 5 personnes.
veritas
Aucune recette magique.
a posté le 12-11-2024 à 15:55
Avec des dettes et des caisses vides la marge de man'?uvre et restreinte '?'le faite que l'état verse les salaires des fonctionnaires chaque mois et sans retard c'est déjà un succès vu l'état des caisses publiques..,le marché du travail est saturer et les investisseurs étrangers ont pour consignes de ne pas investir en Tunisie pour créer des emplois malgré que ces emplois sont souvent des emplois de misère '?'soit vous acceptez de vivre sous le commandement et à la merci de l'occident si non on vous pourrit la vie jusqu'au bout et s'il faut jusqu'à provoquer votre descente aux enfers '?'beaucoup de pays ne cherchent que de s'accaparer d'un plan stratégique qui est la Tunisie pour faire passer leur agenda colonialiste ,géopolitique et géostratégique.
La meilleure des solutions est de tenir bon jusqu'au bout et de faire des sacrifices car même en laissant libre cours à ces pays envahisseurs les retombés ne seront que faibles pour le pays et pour les gens '?'le tunisien refuse tout sacrifice cherche l'argent facile faire le richard quitte à vendre son derrière et les pays ennemis ont compris tout ça ça ,face à un peuple de la sorte la partie leur paraît tres facile, il est temps de réviser les calculs si non le pire est encore à venir .
veritas
vous avez raison et tord
a posté le à 17:59
je ne parlais que du point ou nous divergeons , la tunisie a un PIb par habitant equivalent ou superieur a :
- l indonesie
- philipines
-inde
-pakistan
-ghana
-coreen du nord
-iran
et j en passe , compare leur recherche nucleaire , leur proprete ( sauf l inde) , leur innovation , le ghana est spatiale par exemple , leur recherche militaire pour l iran et je ne parle pas du yemen

enfin bref la tunisie a tous les moyens pour etre une petite belgique au 4 de son pib soit 150 milliard de pib au lieu de nos 50 milliars de dollars mais ces hommes politique ne veulent pas laisser la place aux jeune
au dessus de 55 ans ils devraient tous partir comme ben ali
Carthage Libre
Nous vivons avec ce Dictateur une époque hors du temps, hors du monde....
a posté le 12-11-2024 à 15:10
....et complétement hors-sujet...

On se dirige vers l'effondrement de la Tunisie, de son économie, de ses valeurs, de sa modernité, de son pragmatisme, de son développement...

Nous vivons dans une époque noire de charlatans.
Nephentes
La pensée magique comme horizon stratégique
a posté le 12-11-2024 à 15:02
Reconnaissons à ce Ministre une réelle volonté de proposer des solutions. Mais la manière d'y parvenir est hors sujet. parce que ce régime fonde le gouvernement de ce pays sur la pensée magique et à l'incantation.

Mr Saed est un don divin accordé par Dieu à la Nation. Il faut invoquer, dans le sillage de la vision présidentielle initiée et salutaire les vertus magiques attestées des sociétés communautaires.

Mr Saed est investi du pouvoir de Clairvoyance. Il SAIT que les sociétés communautaires constituent sans doute possible la solution au problème du chômage des jeunes dans ce pays.
Il suffit que Mr Saed dise que la Tunisie doit changer pour que le pays change.

Par quel miracle ? Par l'entremise de la pensé magique, un don divin accordé par Dieu à de rares élus.

Voici ce que dit Wikipédia; toute tentative de rapprochement avec des faits réels est bien entendu malvenue.

"La pensée magique se définit comme une forme de pensée qui s'attribue ou attribue à autrui le pouvoir de provoquer l'accomplissement de désirs, l'empêchement d'événements ou la résolution de problèmes sans intervention matérielle.

Ce type de pensée se manifeste principalement au cours de l'enfance et est, à l'âge adulte, appréhendé par la médecine comme un symptôme d'immaturité ou de déséquilibre psychologique.

La pensée magique est une des caractéristiques du syndrome dit « syndrome de Peter Pan » (l'éternel enfant qui fuit ses responsabilités, ignorant ou feignant d'ignorer qu'il devient un adulte confronté aux réalités).

La psychologie suggère que la pensée magique constitue une tentative d'échapper à l'angoisse de l'inconnu (« mieux vaut être dans l'erreur que dans l'incertitude ») et au conflit intérieur. La croyance dans le pouvoir de la pensée en tant que moteur immédiat, pourrait donner une impression de contrôle ou fournir une explication a posteriori en établissant un lien de causalité entre deux événements indépendants afin d'en soustraire par avance l'angoisse suscitée par son éventuelle réapparition.

Selon le psychiatre Derek Bolton, la pensée magique c'est « l'explication de phénomènes réels par des causes irrationnelles ».




*******
Les médias
a posté le 12-11-2024 à 11:31
Aujourd'hui, la politique de certains médias est la politique de marketing,
Le rôle de certains médias est de détruire l'image de l'intérieur d'un opposant ou d'un candidat.
Certains médias sont responsables de tous les maux de la société..
Le vrai journalisme est de délivrer l'information réelle et non mensongère.
C'est pour cette raison que les médias sont biocotés, je suppose
riri
LOL
a posté le à 14:01
"Certains médias sont responsables de tous les maux de la société.."


LOL LOL la phrase de looser.

Même s'ils disaient n'importe quoi, les médias ne font que parler de la situation du pays telles qu'ils la voient et la comprenne.

Si votre pays est au bord de l'implosion à cause de quelques médias en lignes, alors votre pays fait peur et à de sérieux souci à se faire.