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Chroniques
Que vaut une loi de finances sans budget économique ?
11/10/2018 | 18:00
4 min

Par Houcine Ben Achour

 

Il ne fait aucun doute que l’actualité de ces prochains jours et prochaines semaines sera focalisée sur le marathon budgétaire qui démarrera probablement à partir de mardi prochain 16 octobre 2018. Et ce, conformément à l’exigence constitutionnelle qui oblige le gouvernement à déposer au plus tard le 15 octobre de chaque année, le projet de loi de finances et de budget de l’Etat ainsi que le projet de budget économique qu’on a de plus en plus tendance à oublier alors qu’il constitue le socle sur lequel s’élabore le projet de loi de finances et le budget.

 

Sous le règne de la Troïka, ce document, pourtant essentiel à la compréhension des choix et des mesures contenus dans le projet de loi de finances, n’eut pas l’heur de préoccuper les gouvernements de l’époque. Le budget économique se réduisait à quelques feuillets présentant des tableaux statistiques sur objectifs quantitatifs sans fournir le moindre détail sur la manière de les atteindre. Des généralités, en quelque sorte, dont les effets d’anticipation étaient quasi-nuls. Depuis, cela n’a pas changé. Le budget économique 2018 s’est résumé un étalage des agrégats macroéconomiques. Le document du budget économique 2019 sera-t-il d’une tout autre cuvée, cette fois-ci ? La réponse est affirmative. Cela en étonnera plus d’un notamment parmi les experts qui sillonnent les plateaux de télévision et les stations de radio s’appuyant sur le dernier rapport concluant la 4e revue-programme du FMI, paru en début de semaine, pour pérorer sur les « injonctions » et autres « diktats » de l’institution de Bretton Woods.

 

Le document du projet de budget économique 2019 nous réconcilie avec la tradition qui a toujours eu cours depuis la décennie 1960 et plus encore à partir de la décennie 1970, dans l’élaboration d’un document-référence pour tous les acteurs de la sphère socioéconomique.

Le projet de budget économique 2019 semble avoir fait l’objet d’une attention très particulière à en juger par la dizaine de relectures dont il a fait l’objet depuis la mouture initiale jusqu’au document final. Cela donne la mesure du temps qui lui fut consacré. Au bout du compte, c’est un document de près de 180 pages qui déroulent à peu près tout ce qu’un observateur tout autant qu’un acteur de la vie socioéconomique du pays ont besoin de savoir et, le cas échéant de le transmettre. On peut tout à fait ne pas être d’accord sur tout ou partie de son contenu. Il peut certainement aussi susciter de multiples interrogations.  Il aura au moins le mérite d’élever le débat et d’approfondir la réflexion sur le modèle de croissance, à défaut de modèle de développement, socioéconomique du pays et ne plus se suffire de quelques agrégats.

 

Au départ, on est mis en présence d’un « abstract » sur les résultats de 2018 et les objectifs de 2019 traduisant un diptyque : « conforter la reprise et maîtriser progressivement les équilibres globaux ». Ainsi, a-t-on fixé le taux de croissance du PIB de 3,1% qui s’appuierait sur un doublement du rythme de croissance de la valeur ajoutée des industries manufacturières (+4,2%), un bond remarquable des industries non-manufacturières (+4,8%) et une consolidation du rythme de croissance du secteur des services marchands (+4,1%). Autrement dit, près de 80% de la croissance en 2019  émanerait des secteurs industriels manufacturiers et des services, des activités à forte employabilité, contre une contribution d’un peu plus de 60% en 2018.

Cependant, le tableau n’est pas aussi idyllique dès que l’on se penche sur les déterminants de cette croissance. En effet, celle-ci reposera pour plus de la moitié sur la demande de consommation intérieure et à un degré moindre sur l’exportation. On peut d’ailleurs s’interroger sur une telle performance. Car, si les exportations de biens augmenteront de près de 10%, cela n’empêcherait pas le déficit commercial de se creuser davantage en 2019. Partant, il faudrait que le solde de la balance des services dégage un excédent conséquent, que l’investissement étranger augmente significativement tout autant que le transfert des Tunisiens de l’étranger pour réduire le déficit des paiements courants et infléchir la courbe du stock de devise et du taux de change du dinar. Quant à l’investissement, il ne contribuera à la croissance qu’à hauteur de 0,2 point de pourcentage, soit un-vingtième de la croissance globale. Et encore, dans la mesure où les intentions d’investissement industriel déclarées auprès de l’APII ne permettent pas d’envisager une augmentation du volume d’investissement de près de 11% en 2019, rendant caduc l’objectif d’un taux d’investissement de 18,6%  l’année prochaine.

 

Tout cela n’est qu’un petit pan du projet de budget économique 2019 que le gouvernement gagnerait à diffuser sur la plus large échelle, d’expliciter et de défendre ses choix. Cette année, la seule déclaration du gouvernement à l’ouverture des débats parlementaires ne suffira pas.

11/10/2018 | 18:00
4 min
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Commentaires (1)

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DHEJ
| 12-10-2018 12:09
Ce projet dit économique est le programme de quel parti politique?

Un projet qui saura-t-il redonner de la valeur au dinar pour améliorer le pouvoir d'achat NATIONAL ou EXTERIEUR?!

Quid du lien avec nos échanges commerciaux?!