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Tribunes
Point de salut pour la Tunisie sans un Etat de droit
13/07/2019 | 11:53
8 min
Point de salut pour la Tunisie sans un Etat de droit

 

Par Hédi Ben Abbes

 

 

C’EST QUOI L’ETAT DE DROIT ?

Régis Debray disait que la révolte est l’expression d’une colère alors que la révolution est une promesse pour l’avenir.

Cette promesse ne peut s’accomplir qu’à condition que les acteurs politiques s’engagent dans une « compétition » sur les moyens et les stratégies qu’ils envisagent de mettre en place pour accomplir cette promesse. Cela suppose que les objectifs restent dans le cadre de la volonté de passer d’un système politique, économique et social injuste et violent à un système basé sur l’équité, la responsabilité et le respect de l’Homme et de la planète. Pour y parvenir, il faudrait alors instaurer un système institutionnel dans lequel la puissance publique est entièrement soumise au droit. C’est donc l’Etat de droit.

En effet, aucun développement économique, aucune justice, aucun développement humain et culturel ne peut se faire en dehors d’un Etat de droit garant de toutes les libertés, de tous les droits et les devoirs aussi. Quand un parti se structure et s’articule autour de cette donne essentielle qui est l’Etat de droit, c’est qu’il est à la recherche de l’intérêt général et du bien-être collectif sans lesquels il ne peut y avoir de paix sociale.  Il est alors évident que pour changer de système et transformer la révolte en révolution, la seule voie possible est celle de l’instauration de l’Etat de droit. Tout le reste n’est que manipulation, tromperie et ambition personnelle.

Deux questions fondamentales se posent dans la Tunisie d’aujourd’hui : (i) Qu’est-ce qui gangrène la Tunisie aujourd’hui ? (ii) Et comment remédier à cette situation pour transformer la révolte en révolution ?

 

DIAGNOSTIC: DELABREMENT DE L’ETAT ET PERTE DE SON AUTORITE

Au-delà des polémiques actuelles sur l’état de santé du Président de la République et celui du Président du Parlement et des thèses de complots supposés ou avérés, il est évident qu’il y a « quelque chose de pourri dans le royaume de Tunisie ». Parmi les maux qui gangrènent la Tunisie il y a en premier lieu le délabrement de l’Etat.

On a beau glosé sur l’Etat qui tient debout malgré les difficultés économiques, politiques et sécuritaires, il demeure néanmoins que la perte de l’autorité de l’Etat est flagrante. Irresponsabilité et impunité dominent à tous les niveaux, politique, administratif et social. Un tel système peut perdurer dès lors que plusieurs centaines de milliers, voire, de millions de Tunisiens en profitent actuellement. Cela va de la prétendue « élite » politique, au fonctionnaire en passant par le citoyen lambda, tous profitent de ce délabrement de l’Etat pour tirer des profits personnels immédiats.

 

JONCTION POLITIQUE – MAFIA

Ce délabrement a envahi toutes les institutions et a rendu extrêmement difficile l’instauration d’un Etat de droit. Même au sommet du régime dictatorial de Ben Ali, ce dernier avait tenté de séparer les intérêts des mafieux de la sphère politique. En d’autres termes, la mafia avait son terrain de jeu et les politiques avaient le leur. Le jour où Ben Ali avait permis la jonction entre mafia et politique à travers les Trabelsi, il avait signé la fin de son règne.

Aujourd’hui, la jonction entre les mafieux et les acteurs politiques est faite au grand jour et aux détriments de l’Etat, le tout servi par un système médiatique qui sert de machine à « blanchir ». Cette jonction se manifeste pleinement à travers la circulation d’argent sale des mains des mafieux vers les structures politiques en place. Mis à part quelques rares exceptions parmi lesquelles on peut compter le parti Attayar démocratique, et quelques autres petits partis, tout le reste et notamment les plus en vue ont un financement non-transparent et très suspect. Une des causes réside dans le délabrement de la vie politique.

 

DELABREMENT POLITIQUE - ENNAHDHA

A commencer par le parti idéologique Ennahdha dont l’intérêt de ses partisans et la volonté d’imposer un modèle de société dominent toutes leurs actions. Ennahdha concourt à transformer l’Etat de l’intérieur pour rendre irréversible leur mainmise sur la Tunisie à travers l’assujettissement idéologique du son peuple. Ayant un référentiel crypto-islamiste, ce mouvement ne peut pas structurellement inscrire son action dans le cadre d’un Etat démocratique et civil, à égale distance de tous les partis et de toutes les mouvances. La difficulté à mettre en place la Cour constitutionnelle traduit cette crise de référentiel et représente un moment de vérité pour Ennahdha : L’Etat tunisien doit-il être un Etat civil, aux référentiels universalistes ? Ou alors, profiter de l’ambiguïté du préambule et de l’article 1 de la Constitution de 2014 pour imposer le référentiel religieux dans la promulgation et l’interprétation des lois ? L’enjeu est vital pour Ennahdha. Soit elle renonce à sa raison d’être en tant que mouvement islamiste (Islam politique), soit elle se mue en parti conservateur reconnaissant la séparation de l’Etat et de la religion ? La réponse est claire, Ennahdha est à présent un mouvement islamiste dont l’unique référence est la Charia en tant que parole d’autorité qui se situe au-dessus de la Constitution.

 

DELABREMENT POLITIQUE – NIDAA / TAHYA

La deuxième catégorie est faite sur le modèle de Nidaa Tounes qui a métastasé en Tahya Tounes, un conglomérat d’intérêts personnels que rien ne réunit si ce n’est l’attrait du pouvoir et les intérêts qui en découlent.  Ces représentants n’ont ni vision, ni programme et encore moins des compétences capables de relever les énormes défis auxquels la Tunisie doit faire face. Englués dans une « entente d’intérêts » avec le parti islamiste qui les tient en laisse, cette nouvelle patente appelée Tahya Tounes affiche elle-même, une pseudo-entente entre ses actuels dirigeants, qui ne tardera pas à voler en éclat dès que les intérêts personnels commenceront à s’aiguiser. Le nom même de cette patente “Tahya Tounes” est une usurpation d’une expression du domaine public, et une forme “d’arnaque” lingusitique.

 

DELABREMENT POLITIQUE  ET POPULISME

Et enfin, une nouvelle catégorie de « parti marchand de la misère » a vu le jour capitalisant sur la misère humaine et la pauvreté pour se propulser sur le devant de la scène à coût de millions de dinars dont l’origine reste obscure. Ils prétendent eux aussi, présider à la destinée de cette nation devenue proie facile à tous les charlatans. Plus on voit de médiocrités et plus il y a de prétendants aux plus hautes fonctions. Quelle misère ! et quelle tristesse pour notre pays !

Résultat : un parti idéologique déterminé à servir ses partisans et à transformer l’ADN des Tunisiens. Des partis faits d’opportunistes et d’incompétents qui ont conduit le pays à la ruine à savoir, Nidaa et ses dérivées en incluant son dernier clone Tahya Tounes. Et des charlatans marchands de la misère, sans expérience, ni compétence qui veulent s’offrir la Tunisie comme un nouveau jouet en se disant puisqu’on est gouverné par des médiocres, nous aussi on peut acheter des voix et prétendre aux plus hautes fonctions !

 

QUI CHOSIR ALORS ?

Nous voilà alors face à un choix entre plusieurs médiocrités. Procédons par élimination. Aucun progrès en matière d’Etat de droit ne peut être espéré ni de Nidaa, ni de Tahya Tounes et encore moins des populistes et des destouriens/Rcdistes. Ils ne pourront pas faire demain ce qu’ils n’ont pas su et/ou voulu mettre en place pendant les cinq années écoulées au pouvoir. L’Etat n’a fait que se délabrer de manière dangereuse. Quant à Ennahdha, idéologiquement étrangère à la notion de l’Etat national, elle ne peut inscrire son action que dans le cadre d’un projet panislamique fondamentalement antinomique à l’Etat de droit.

Tous ses prétendus partis ne peuvent en aucun cas être en faveur de l’Etat de droit d’autant qu’ils comportent tous en leur sein des caciques de l’ancien régime dont la structure mentale et politique est foncièrement incompatible avec la notion de l’Etat de droit.

 

QUELLE SOLUTION ALORS ?

Etant convaincu que le véritable enjeu tourne autour de la question de l’Etat de droit, le choix qui doit guider nos concitoyens peut être motivé par la recherche des partis qui répondent aux exigences suivantes :

1-      Quel est le parti dont les instances et les responsabilités ont été déterminées selon un processus démocratique interne ?

2-      Quel est le parti qui pratique l’alternance au sein de ses structures dirigeantes ?

3-      Quel est le parti dont le projet s’articule essentiellement sur le principe de l’Etat de droit ?

4-      Quel est le parti qui a une identité politique et qui a prouvé qu’il est prêt à s’y tenir quel que soit le prix à payer ?

5-      Quel est le parti dont le financement est transparent et encadré par la loi ?

6-      Quel est le parti dont l’intégrité de ses membres est au-dessus de tout soupçon ?

7-      Quel est le parti qui ne pratique pas le populisme et qui accorde une place prépondérante aux jeunes et à leurs idées ?

8-      Quel est le parti qui ambitionne de créer une rupture paradigmatique avec l’ancien système pour transformer la révolte en Révolution ?

9-      Quel est le parti qui veut rassembler tous les Tunisiens.

10-  Quel est le parti qui se définit par ce qu’il est prêt à donner à la Tunisie, plutôt que par sa stratégie de communication ? 

Il est préférable de soutenir un parti qui a de l’intégrité et un projet pour le pays, même s’il communique mal, qu’un parti qui communique bien mais qui n’a ni substance ni intégrité, ni projet.

A bon entendeur, salut !

13/07/2019 | 11:53
8 min
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Commentaires (3)

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Marsa=Megara
| 14-07-2019 12:17
Je salut cette analyse oh combien réaliste ,bien que je suis d'accord mais il reste le côté économique pour pourvoir redresser le système eco vers une amélioration qui nous déchaîne FMI
Personne des parties politiques en place n'a présenter à ce jour son analyse de la situation actuelle du pays sur tous les niveau (
social,économique, sécuritaire ) alors pour qui voulez-vous que les tunisiens donneront leur voix ? La réponse. C'est qu'il n'y aura pas de changement mais si on change les têtes et les noms des parties politiques
A mon sens la Tunisie a besoin d'un leader qui rassemble sur un seul objectif à savoir comment se déchaîner de la FMI et arrêter de prêter auprès de cet organisme qui nous tue sur le long terme par la dégradation de la valeur de notre monaie impactant en premier lieu le pouvoir d'achat, donc pour être claire le leader devra en premier lieu rendre le ratio Exportation vos Importation bien supérieur à un voir 1,5 et plus
avec une distribution équitable de la richesse du pays afin de redtesser le pouvoir d'achat à tous les niveau de besoin du simple tunisien
Pour résumer ,je n'ai pas vu de parties politiques ou politiciens affirmant et confirmant avoir fait une analyse et ses projections d'action pour améliorer,je n'ai pas vu également qu'une analyse sur nos importatios à été faites pour dire est ce que nous importons plus qu'il en faut et s'il y a une piste d'amélioration ou non pour y reduir ... Il n'y a pas un qui a analysé nos forces et nos faiblesses vs les opportunités et menaces à tous les niveaux pour dégager un plan stratégique réaliste.
La scène de la vie politique lui manque un vrai leader qui prône pour le bien être du simple tunisien, BCE a raté son parcours car durant son mandat je n'ai vu que des divisions et des guerre d'intérêt
Enfin je suis désolés de vous dire que je suis pessimistes pour le future tant qu'il n'y a pas de volonté de tout le monde de regarder à l'intérieur du pays et nous serrer fort avec nos mains pour sauver le pays et que chacun d'entre nous de regarder l'aide personnel de l'extérieur du pays
En conclusion je salut votre vision et analyse et je serai optimiste pour le future du pays si vous auriez plus de commentaires qui vous partage votre point de vue.

DHEJ
| 13-07-2019 20:27
Le légicentrisme est la doctrine qui fonde l'existence d'un régime légal. Cette doctrine affirme que la loi est la seule expression de la souveraineté, disposant d'une autorité suprême dans l'ordre juridique national. Il n'y a donc pas, dans un régime légal, *** de constitution au sommet de l'ordre juridique [réf. nécessaire].

Le légicentrisme s'oppose au constitutionnalisme, doctrine ayant émergé principalement après la Seconde Guerre mondiale.


Source WIKIPEDIA

TATA
| 13-07-2019 15:01
vous dites "à travers la circulation d'argent sale des mains des mafieux vers les structures politiques en place. Mis à part quelques rares exceptions parmi lesquelles on peut compter le parti Attayar démocratique"
==>
une hypothèse qu'il faudrait encore vérifier...


Vous donnez 10 critères pour le choix du parti politique pour lequel on voudrait voter.
==>
Franchement, je ne trouve aucun parti politique qui vérifie un seul point de vos critères. Certes, je sais quels partis politiques que je ne voterai pas, mais je ne sais pas encore qui voter. Très probablement Tahya Tounes.

Mes pronostiques: Abir va faire la très grande surprise, si Nabil Karoui ne passera pas. ==> ça sera un vote "vengeance" contre ceux qui abusent de leur pouvoir.