alexametrics
vendredi 29 mars 2024
Heure de Tunis : 10:42
Chroniques
Plus c'est gros, plus ça passe
Par Synda Tajine
18/01/2022 | 17:59
4 min
Plus c'est gros, plus ça passe

 

Plus c’est gros, plus ça passe. Jamais une phrase n’aura mieux résumé la situation en Tunisie en ce début d’année.

Qu’avons-nous ? Depuis le début de la nouvelle année 2022 – déjà 18 jours se sont écoulés – des assignations à résidence à la pelle, des répressions de manifestants, des agressions de citoyens et de journalistes, la mort suspecte d’un témoin clé dans une affaire de terrorisme impliquant un député et ancien ministre, une consultation nationale aux questions farfelues qui peine à attirer… Que de scandales qui auraient dû secouer l'opinion publique, et pourtant, les regards sont ailleurs.

 

Nous sommes le 18 janvier et, depuis plus d’un mois, le débat essentiel qui monopolise la sphère publique est de savoir s’il faut ou non célébrer le 14 janvier comme fête de la révolution. Les questions essentielles, celles pour lesquelles le peuple s’est soulevé, s’est fait tuer, et se soulève encore aujourd’hui sont occultées sous un flot d’énormités. Les questions qui ont fait que ce 14-Janvier existe justement.

La symbolique du 14-Janvier n’est en effet plus à prouver, étant le couronnement d’années de lutte contre un régime dictatorial et répressif et le début d’une transition annonciatrice de changements et d’espoirs. Les choses sont simples, passons à l’essentiel. Et si on laissait aux historiens le soin d’écrire l’histoire avec ses subtilités et que l’on se concentrait sur l’essentiel au lieu de défoncer des portes déjà ouvertes et de laisser les autres bien cadenassées ?

 

Qu’est-ce qui a réellement changé en 2022 ? Si la légitimité était l’arme secrète du régime dictatorial pré-2011 et qu’elle a donné son pouvoir à la Troïka postrévolutionnaire, elle l’est encore aujourd’hui. Légitimé – ou légalité si vous préférez – sont cette arme pernicieuse par laquelle on justifie tout. Y compris le recours aux pratiques qu’on disait combattre.  Autorise-t-elle tout et excuse-t-elle toutes les dérives ?

 

Les oppressions policières et politiques du 14 janvier 2022 ne sont-elles pas les mêmes que celles du 9 avril 2012 ? Les discours clivants de 2019-2022 ne sont-ils pas les mêmes qui ont divisé le peuple depuis 2011, entre croyants et mécréants, entre patriotes et ceux à la solde de puissances étrangères, entre la majorité et les « zéro virgule » ? Entre les « Nous » et les « Eux » ?

 

1.8 million de personnes sont sorties manifester pour acclamer le chef de l’Etat -  pro 17-Décembre - et un unique citoyen sortira fêter le 14-Janvier l’année prochaine. C’est ce genre d’énormités qui ne fait que diviser et nous éloigne chaque jour un peu plus de l’essentiel.  Ces chiffres viennent des discours de Kaïs Saïed – qui d’autre que lui ? – lui qui ne fait qu’attiser les tiraillements depuis qu’il a été élu. Ceci rappelle les tristement « zéro virgule » de la Troïka qui n’a pas cessé de diaboliser l’opposition depuis son échec aux élections de la constituante.

Le problème aujourd’hui est que le pouvoir fait partie intégrante des tiraillements et des tensions qu’il dénonce.

A l’instar de tous ceux qui l’ont précédé, Kaïs Saïed se croit éternel. Il ne l’est évidemment pas. Les expériences qui ont précédé auraient dû servir d’alertes à ce chef d’Etat aux bonnes intentions – peut-être – mais aux méthodes plus que foireuses. Dénigrer l’opposition, la minimiser, criminaliser ses adversaires et les diaboliser, diviser l’opinion publique et l’effriter, occulter l’essentiel et perdre du temps sur les débats idéologiques –ou  symboliques – plus que stériles… n’est-ce pas là la méthode perdante qui a déjà prouvé ses limites et s’est lamentablement fracassée ?

Force est de constater – et de dire – les mêmes pratiques perdurent aujourd’hui seuls les protagonistes changent.  Les mêmes causes produisent indubitablement les mêmes effets. Si elles durent dans le temps, elles risquent même de faire empirer les choses.

 

Nous avons eu plusieurs points de non-retour – trop nombreux certes – et ils ont été banalisés au fil des événements et des tiraillements stériles. Une chose est sûre cependant, et ne doit pas faire débat, les dépassements qui ont conduit au 14-Janvier et inlassablement au 25-Juillet ne devraient en aucun cas continuer aujourd’hui et constituer le propre du nouveau système qui est censé les éradiquer. Si tel est le cas….

Par Synda Tajine
18/01/2022 | 17:59
4 min
Suivez-nous
Commentaires
MOMO
VOUS ETES S'?RE DE VOTRE AFFIRMATION
a posté le 19-01-2022 à 15:17
Etes-vous sûre de votre affirmation !
Escellent
Excellent
a posté le 19-01-2022 à 08:53
Excellent article de la jeune et chevronnée Synda Tajine;
Seul Bémol cependant probablement dû à son peu d'expérience encore sur le sujet :le Titre;
Il y eût été préférable de mettre en titre:"Plus c'est dur,Mieux cela passe".
Karim
Bravo
a posté le 19-01-2022 à 07:46
Merci pour l'article !!!
Y a pas plus clair
Fares
Ignorons le
a posté le 19-01-2022 à 05:24
La meilleure chose est d'ignorer Saïed, le boycotter, ne plus parler de lui.

La vie est trop courte pour la perdre à s'intéresser aux frivolités d'un tel personnage. D'autant plus que son immobilisme et sa paresse peuvent être contagieux. Il n'a rien fait et ne fera absolument rien. Alors les tunisiennes et les tunisiens feraient mieux de faire comme si le pays n'a pas de président et qu'ils se mettent à travailler pour améliorer leurs conditions de vie. Saïed finira par s'ejecter lui même de Carthage.