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Chroniques
Parrainages de la présidentielle : Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark
Par Sofiene Ben Hamida
18/08/2019 | 21:19
4 min
Parrainages de la présidentielle : Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark

 

Il s’avère donc que les parrainages des candidats à l’élection présidentielle posent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent. Des bases de données entières sont vendues aux plus offrants des candidats pour étoffer leurs parrainages dits « populaires ». Pourtant cette pratique frauduleuse était connue et attendue. Déjà lors de la dernière élection présidentielle en 2014, plusieurs candidats ont usé de cette tricherie décriée par beaucoup. Des plaintes ont été déposées depuis sans jamais aboutir ce qui a encouragé les « candidats » véreux ainsi que les petits mafieux de tous bords à continuer leur business électoral sans risque de se faire épingler.

L’Instance supérieure indépendante des élections, n’ayant réellement aucune possibilité légale de sanctionner les candidats fraudeurs, fait semblant de réagir. Elle a mis à disposition des électeurs d’un service SMS pour les renseigner sur les candidats qui auraient bénéficié de leur soutien, de plein gré ou à leur insu. Les électeurs qui se rendront compte de l’usage frauduleux de leurs noms pourront toujours faire une réclamation à l’ISIE, sans aucune incidence sur les résultats des élections, ou bien porter plainte ce qui ne pourra aboutir qu’après la proclamation définitive des résultats de l’élection présidentielle. En somme, il est plus facile de falsifier la signature d’un électeur pour un candidat à la magistrature suprême de l’Etat, que de falsifier une lettre d’excuse pour un collégien qui a « sauté » une séance d’éducation physique.

Mais il n’y a pas que les parrainages populaires qui posent problème. Du côté des parrainages parlementaires les choses ne vont guère mieux. Normalement, les parrainages des parlementaires se font selon une logique politique qui repose sur la discipline partisane, les décisions du bloc parlementaire du député en question, les affinités idéologiques et les alliances politiques. Dans tous les cas, pour les députés qui y participent, le parrainage de n’importe quel candidat ne doit pas porter préjudice au candidat de leur propre camp.

Seulement,  ceci reste très théorique. Si ces principes de base sont respectés, c’est sûrement ailleurs et pas chez nous. Nos députés sortants réfléchissent et agissent, eux, d’une manière très différente qui tord le cou à tous les principes et à toutes les règles connues. Heureux celui qui saura déchiffrer le raisonnement de beaucoup de nos députés qui se sont donné au jeu du parrainage.

Un illustre inconnu, le député Abderraouf Chebbi a parrainé deux candidats à la fois. Il s’agit de Slim Riahi en fuite actuellement car poursuivi par la justice dans des affaires financières louches, et de Nabil Karoui lui aussi interdit de voyage et dont les avoirs sont saisis dans le cadre de poursuites judiciaires dans des affaires de malversations et de blanchement d’argent. Connu pour son intégrité, le député Chebbi aurait-il cherché par ce double parrainage à sortir de son anonymat au risque d’avouer sa méconnaissance de la loi électorale, ou a-t-il été victime d’une supercherie de la part du candidat Nabil Karoui, ce dernier ayant, avouons-le la gueule de l’emploi. Il affirme en effet qu’il n’a signé qu’un seul et unique parrainage, légalisé de surcroit et daté du 5 août dernier. Il ne peut s’agir donc que d’un parrainage au profit de Slim Riahi, puisque Nabil Karoui a présenté sa candidature le 2 août, soit trois jours plutôt.

Ce n’est pas le seul cas de fraude décrié par des députés. Ceux d’Ennahdha, Fatma Naggaz et Maher Madhioub affirment qu’ils n’ont pas parrainé le candidat Hatem Boulabiar, un transfuge du parti islamiste qui était jusqu’à peu membre du conseil de la Choura d’Ennahdha. Pour Madhioub, il affirme même accorder son soutien à Elyes Fakhfakh, un candidat d’Ettakattol, membre de la troïka et ancien allié des islamistes. Il semblerait que l’ISIE s’apprête à disqualifier le candidat Hatem Boulabiar pour raison de parrainages insuffisants, n’ayant plus que neuf députés qui le parrainent au lieu de dix. Auquel cas, ça serait une grande injustice de la part de l’ISIE car elle aurait sévi contre un fraudeur, Hatem Boulabiar, tout en laissant courir un autre fraudeur, Nabil Karoui. Ce n’est ni juste, ni équitable et cela fausse complètement le processus électoral.

Les aberrations de ces parrainages parlementaires ne s’arrêtent pas là. On pourrait citer aussi le parrainage du député Adnane Hajji, dirigeant du parti de gauche En Avant, au profit du candidat islamiste Hatem Boulabiar. On pourrait noter aussi le parrainage de Faouzia Ben Fodha, vice-présidente de l’ARP, de Slim Riahi alors qu’elle est tête de liste d’Al Badil aux élections législatives et alors que le chef d’Al Badil, Mehdi Jomâa est lui-même candidat à la présidentielle. On pourrait relever beaucoup d’autres incongruités telles que les parrainages des députés islamistes à plusieurs candidats concurrents du candidat de leur propre parti, les parrainages des députés du parti de Youssef Chahed au candidat Abdelkerim Zbidi alors qu’il est le concurrent direct du chef du gouvernement, etc..

Face à ces absurdités cumulées, l’emprunt de la citation de William Shakespeare dans Hamlet est bien appropriée : effectivement, il y a quelque chose de pourri dans le royaume du Danemark.

Par Sofiene Ben Hamida
18/08/2019 | 21:19
4 min
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Commentaires (2)

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John snow
| 19-08-2019 07:12
Ce fait de parrainage résume la culture et la mentalité pourrie des tunisiens de ces jours.
Dites vous pourquoi tant d acquereurs pour une voiture d'occasion pleine de défauts et que le moteur cale à chaque démarrage. En plus on sait très bien qu'on ne va pas la conduire. Cest simple ! On va la bidouiller pour la revendre. Tsamsira quoi au souk. W Soug ejjemel. C'est le début de la fin de la démocratie.

Zohra
| 18-08-2019 21:31
ça se lève comme un seul homme pour chanter, main sur le coeur, l'hymne nationale dans le parlement. Et ça fait le beau, le gueulard zaima Zaima, payé avec de l'argent qui pourrait nourrir les plus nécessiteux. Bande d'hypocrites

Et ça bloquent des lois de voir le jour pour aider le gouvernement a faire son travail
Par contre imposer l'intégrisme, une religion de la 2ème république dans un pays soit disant laïque.