Deux touristes étrangers ont été agressés au couteau au Kef. Peu importe si l’agresseur est un terroriste comme cela a été annoncé au départ ou s’il est un névrosé comme l’a indiqué le ministère de l’Intérieur par la suite. Ce qui est important, c’est que les deux touristes, qui ont déjà quitté l’hôpital, ont été secourus par les habitants qui ont assailli l’agresseur et l’ont neutralisé. 

C’est cette image d’un Tunisien naturellement contre la violence, qui vole au secours des autres et hospitalier qui domine cet épisode malheureux. C’est cette image qui aurait mérité d’être l’élément dominant du récit de cette agression dans les médias et les réseaux sociaux. Hélas, dans la noirceur qui nous entoure, le positif se noie dans le flot de la négativité alimentée certes,  par les difficultés réelles du quotidien, mais aussi amplifiée par un défaitisme ambiant qui s’explique par une crise de confiance généralisée et un manque de combativité chez les Tunisiens qui ont tendance à baisser trop vite les bras.

Après plusieurs semaines de mobilisation, les jeunes médecins ont eu finalement gain de cause. C’est tout à leur honneur pour avoir  su formuler des revendications objectives, éviter les discours excessifs, vaincre les manœuvres de la discorde et réussir à gagner la sympathie de l’opinion publique, de leurs confrères plus âgés et les médecins séniors. Certains aiment s’attarder aujourd’hui sur le fait que le ministère de tutelle a privé les jeunes médecins grévistes de leurs salaires. Mais même s’ils ont perdu un salaire, ils ont gagné beaucoup plus pour eux et pour les futures générations de médecins : le respect.

Les enseignants de l’école de base, du secondaire et même du supérieur eux aussi,  militent depuis des mois, ou plutôt des années, pour imposer le respect à leur profession touchée par une forte dépréciation sociale et matérielle.

Cette dévaluation perdure depuis des décennies. Elle a été accélérée et amplifiée durant les dernières années par les calculs politiques et les maladresses accumulées. Mais plutôt que d’insister sur le blocage des notes par les enseignants, ce qui n’est pas totalement vrai parce la mesure ne concerne que l’administration et que sauf exception, les notes ont été communiquées aux élèves, il aurait mieux fallu insister sur le fait que les enseignants ont choisi la forme la plus souple pour exprimer leurs revendications légitimes et ont évité une grève prolongée qui aurait eu des conséquences autrement plus graves pour les élèves et pour le climat social dans le pays.

Au lieu de mettre en relief les déclarations du ministre de tutelle qui sont plus des cartes de pression que des décisions, il aurait été préférable de mettre en évidence les assurances de la direction syndicale que l’année scolaire n’est pas en danger.

La démocratie tunisienne n’est pas non plus en danger. En dépit des difficultés économiques, des antagonismes politiques et des surenchères parlementaires, le débat se poursuit, contradictoire, houleux parfois, dans l’espace public par médias interposés ou au sein des structures. Il devra aboutir à un moment ou un autre et déboucher inéluctablement sur des solutions concertées qui peuvent ne pas satisfaire tout le monde, qui feront des mécontents. Mieux encore, ces oppositions permettront aux autres de rectifier leurs suggestions et améliorer leurs offres. Mais en aucun moment, du moins rien ne le laisse présager, le pays ne semble se détourner du choix démocratique.

C’est à travers ces petits indices que dans ce petit pays, où tout semble aller de travers, l’espoir est encore permis.