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Chroniques
Les politiques sont tous pourris, tous ! C’est connu !
Par Nizar Bahloul
08/07/2019 | 15:59
7 min
Les politiques sont tous pourris, tous ! C’est connu !

 

A l’intérieur des partis, les politiques sont à couteaux tirés ces derniers jours à l’occasion de la préparation des listes électorales pour les législatives. Contrairement à 2014, les choses se font plus discrètement cette année. Il semble que le parti islamiste Ennahdha a fait des émules en matière de discrétion. D’après les quelques échos que nous recevons, ici et là, peu de partis échappent à ces guerres intestines. Au fait, à l’exception des petits partis (Achaâb, Watad, Machroû, Al Badil ou Afek par exemple), les partis unipersonnels (Lotfi Mraïhi, Adel Almi ou Fayçal Tebbini) et les grands partis en coma végétatif (Massar, Ettakatol, ou Jomhouri par exemple), tous les autres partis sont en effervescence pour savoir qui placer en tête de liste dans les différentes régions. Les critères pris en considération n’ont rien à voir avec ce que chacun peut donner à la patrie, ses connaissances profondes et sa technicité. Non, absolument rien à voir. Pour être tête de liste et prétendre ensuite à un poste de député à l’ARP, il faut être soit riche ayant une grosse capacité de renflouer les caisses du parti, soit influent ayant une grosse capacité de mobiliser les masses pour remplir les urnes au profit du parti. Au diable vos connaissances, au diable votre savoir, au diable votre savoir-faire, au diable votre bac+13, au diable vos années passées à la prépa, Sciences Po, Polytechnique et les grandes écoles françaises et/ou américaines, tout cela ne pèse rien devant l’outrecuidance de ceux qui ont du fric et ceux qui ont des milliers de noms dans leur répertoire téléphonique. Aux yeux du parti, un Sofiène Toubel pèse 100 fois plus que le meilleur atugéen et un Elloumi pèse 1000 fois plus que tous les atugéens et diplômés de Sciences Po réunis.

A partir de ce fait indéniable, les hommes politiques tunisiens ne peuvent plus crier au scandale et jouer aux Sainte Nitouche quand le public leur dit : « vous êtes tous pourris, vous êtes tous corrompus ! ».  Peu importe la sincérité des uns et des autres, peu importe l’engagement patriotique des uns et des autres, les politiques ont perdu toute crédibilité aux yeux de l’opinion publique puisque les dés sont pipés à la base. Qu’ils jouent à l’autruche et au déni, le public sait et il n’a pas tort, car les scandales publiés régulièrement par les médias prouvent qu’il a raison.

 

Grâce à une presse libre, l’opinion publique a de quoi alimenter son « préjugé » régulièrement avec les scandales. Ce n’est pas valable qu’en Tunisie, c’est le cas partout dans le monde. En France, l’inégalable et excellent hebdomadaire « Canard Enchaîné » s’en est fait une spécialité. On ne compte plus les hommes politiques limogés ou qui ont dû démissionner grâce (ou « à cause ») du palmipède. Il y a à peine un mois, et à peine élu, le tout nouveau chancelier autrichien Sebastian Kurz a été démis de ses fonctions suite à l’Ibizagate révélé par la presse.

En Tunisie, et pour cette semaine, deux scandales ont éclaté, l’un grâce aux médias (Attessia et Business News), celui de Imed Daïmi et l’autre grâce aux réseaux sociaux, celui de Bouali Mbarki. L’un et l’autre mettent à nu un homme politique et un syndicaliste très célèbres qui ont toujours donné des leçons aux autres pour paraitre comme étant des intègres, soucieux du « petit peuple ».

La réalité est bien différente de l’image que voudraient bien donner d’eux ces hommes politiques. Imed Daïmi crie sur tous les toits qu’il est un soldat anti-corruption (il chasse sur le territoire de ses anciens camarades le couple Abbou) et le voilà rattrapé par un malheureux mail prouvant son népotisme ! Pire, il demande un service à l’Etat français alors qu’il était un très haut cadre et est un élu de l’Etat tunisien. Pire encore, lui qui parle tout le temps de patriotisme et de son service pour la Tunisie, voilà qu’on découvre que sa petite famille est de nationalité française ! Sous d’autres cieux, le scandale aurait été suffisant pour qu’il remette sa démission et prenne le premier vol Tunis-Paris. Il faut d’abord avoir le sens du « shaming » (la honte en français, la hechma chez nous).

Au lieu de cela, son entourage et lui-même s’en prennent aux médias qui ont dévoilé l’affaire en usant des pires injures ! Nos confrères Bassel Torjman et Mohamed Boughalleb ont eu droit à du verbiage haut en couleurs, alors que Business News (avec qui il est en procès) a eu droit à du mépris de sa part. Du mépris ou de la crainte des conséquences de tout mot déplacé.

Quant à Bouali Mbarki, l’indécence est encore plus prononcée. Le syndicaliste défenseur des pauvres, celui qui lutte contre la précarité des travailleurs, membre d’une organisation qui étale en permanence son hostilité (voire sa haine) contre les riches et les bien nés ne trouve pas de mal à étaler son opulence à l’occasion du mariage de son fils. Ceci n’a rien d’immoral ou d’abject, dans l’absolu, chacun est libre de disposer comme il entend de son argent, mais quand on porte l’identité de Bouali Mbarki, ça prend une tournure à 180 degrés.

 

Les médias et les réseaux sociaux ont fait leur travail en faisant exploser ou/et en relayant le scandale devant l’opinion. Ce n’est pas la première fois, ce ne sera pas la dernière. Mais qu’est-il advenu après ? Rien ! Les hommes politiques continuent à faire comme bon leur semble, sans aucun sentiment de honte.

Prenez l’exemple de Moncef Marzouki qui vient de commencer sa campagne électorale sur Al Jazeera. Tout le monde s’en prend à Nabil Karoui d’utiliser sa chaîne Nessma pour faire sa campagne et à Youssef Chahed d’utiliser son poste de chef de gouvernement pour faire la sienne, mais qui s’en prend à l’ancien président qui fait appel à une chaîne étrangère (ayant démontré des centaines de fois son hostilité pour la Tunisie et les Tunisiens) pour assurer sa campagne ? Quelle suite a été donnée aux scandales de Moncef Marzouki et son parti (ou ses partis) classés en 2014 comme étant ceux qui ont le plus triché dans les élections ? Ce même Marzouki issu du CPR qui, par miracle, a perdu son registre comptable en 2011 ! Qui de vous a vu, une fois, les rapports financiers des partis de Marzouki et su d’où provient son argent ?

Le même Marzouki et le même Daïmi continuent pourtant à s’en prendre à toute la classe politique et aux médias en les qualifiant de corrompus à tout va, alors qu’ils auraient dû quitter la scène politique depuis belle lurette si l’appareil judiciaire avait bien fait son travail pour les sanctionner pour leurs méfaits et si les médias leur rappelaient, sans cesse, leur népotisme et leurs abus.

Ennahdha est par excellence le champion toutes catégories de l’opacité quand il s’agit de comptes et de tricherie. Les médias ont parlé plus d’une fois des valises venant d’Europe, des donateurs morts et des collusions suspectes avec la Turquie et le Qatar. La justice n’a pas bougé, l’opinion fait comme si c’était normal, les médias continuent à en recevoir plein la gueule quand ils font leur travail.

 

Après tout cela, quoi d’étonnant quand le « petit peuple » dit que les politiques sont tous pourris ? Quoi d’étonnant quand il délaisse les élections ? Face à ce double langage, aux mensonges éhontés des politiques et à l’absence totale du sens du « shaming », quelle confiance peut avoir le « petit peuple » en sa classe politique, en ses médias et en son élite ?

Nous sommes proches des élections, la précampagne bat son plein, les couteaux sont tirés à l’intérieur des partis, mais la confiance est totalement absente au sein du peuple. Chaque camp accuse l’autre de corruption et de népotisme, chaque camp traine quelques casseroles, mais chaque camp insiste pour rester sur l’arène et à se foutre de nous.

Tant que les médias n’insistent pas à barrer la route aux tricheurs et aux corrompus en rappelant, à chaque phrase et à chaque émission, les casseroles de chacun, tant que la justice ne cesse pas sa sélection et sa politique de deux poids deux mesures et poursuit tout homme politique qui mérite d’être poursuivi (indépendamment de sa famille et de son poids politique), tant que l’opinion publique mettra tous les politiques dans le même sac du « tous pourris » ! Avec cette mentalité du « tous pourris », il ne faudra pas espérer des taux élevés de participation aux élections et certainement pas de hautes compétences au parlement et au pouvoir, puisque nos hommes politiques et nos partis font tout pour alimenter cette mentalité avec leurs scandales tout aussi récurrents qu’impunis.

Par Nizar Bahloul
08/07/2019 | 15:59
7 min
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Commentaires (17)

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veritas
| 09-07-2019 19:36
Leur dénominateur (handicape)commun c'est qu'ils sont tous des musulmans qui ont tous la même mentalité musulmanes basé sur l'hypocrisie et l'opportunisme ,chez les musulmans les régimes démocratiques ne marcheront jamais comme dans les pays laïques ,les musulmans ont l'habitude de gérer leurs affaires sous forme de tribus et c'est le chef de Tribu qui commande tout et n'importe quoi ,malgré que certaines populations musulmanes ont fait des études dans des écoles laïques de haut niveaux leur mentalité reste toujours prisonnières de la mentalité islamique qui est un obstacle permanent contre toute évolution et contre tout modernisme .
La démocratie et la liberté dans le respect de chacun ne marchera que dans des pays laïques avec des mentalités non soumis à la religion ,les pays qui ont pu devenir des puissances économiques militaires ou autres ce ne sont pas des pays gérés par la religion .
La religion musulmane est un désastre car chacun veut l'utiliser a ses fins personnels pour amadouer un peuple sous forme de bétails avec interdiction totale de penser différemment.

Adil
| 09-07-2019 18:34
On finit par fatiguer à force de le répéter: le problème n'est pas dans les hommes,il est dans le système : un système pourri généré par une constitution ni fait ni à faire,ne peut produire et ne produira jamais que ce genre de politiciens et ce genre de démocratie et de liberté où des voyous notoires peuvent librement et publiquement injurier un chef de gouvernement sans qu'il s'en suive ni réaction ni sanction.Et vous voulez que des Bac+13 ou des polytechniciens ou des philosophes entrent dans la danse macabre des sans foi ni loi pour qui mensonges,transgressions,corruption,tiennent lieu de politique et de programmes.Cette pourriture,cette médiocrité qui désagrègent un pays entier depuis 9 ans ,sont en train de l'anéantir matériellement et moralement,sont la résultante inévitable d'un système politique et d'une constitution qui l'a établie.On tournera autour du pot tant qu'on voudra , mais tant qu'on n'aura pas repris l'ouvrage là où l'a commencé,il ne pourra que se dégrader jusqu'à l'écroulement.

Abdou
| 09-07-2019 17:24
Merci si Nizar pour cet article vous avez résumé clairement la situation dans notre pays. Que dieu nous préserve de ces mafieux et inchallah beaucoup de personnes lisent cet article et tirent les conclusions qui s'imposent.

mabrouk 3lina
| 09-07-2019 14:51
Bonjour et bravo,
Cela vient du cheikh elli nestannaou fi barktou.
Encore Bravo

Justinia
| 09-07-2019 14:23
Je suis d'accord avec vous Mr. Bahloul.Les partis politiques sont tous pourris.Mais,il y en a un qui est plus pourri que les autres.Ces "représentants d'Allah"qui vous promettent l'enfer si vous ne votez pas pour eux.

DIEHK
| 09-07-2019 11:57
Je suis d'accord avec vous M NB et je rajoute:
Pourris jusqu'au trou fignon ou jusqu'à l'OS!!!

Momo
| 09-07-2019 10:26
Ces pseudo-politiques de la dernière heure ne mesurent pas l'intelligence du peuple et n'apprennent pas des leçons passées. Les élections municipales, l'élection de plusieurs anti-système dans le monde... Ils continuent à user de méthodes dictatoriales pour éliminer leurs adversaires et prétendent sauvegarder la démocratie... Ils se fourrent eux même le doigt dans l'oeil: Ils se focalisent sur Karoui et ne voient pas la lame de fond qui va les emporter. Le réveil sera dure pour eux.

Maxula
| 09-07-2019 00:14
"contre les riches et les biens nés"

"Bien nés" ! "Bien" est invariable !
Exemple ? "Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années."

"ça prend une tournure de 180 degrés."
Une tournure "à" 180 degrés.

"Les médias et les médias sociaux"
Les médias et les "réseaux" sociaux.

"Nous sommes à l'approche des élections"
Nous sommes "proches" des élections.

"chaque camp insiste à rester sur l'arène"
Chaque camp insiste "pour" rester "dans" l'arène.

"leurs scandales tout aussi réguliers qu'impunis."
Leurs scandales tout aussi "récurrents" qu'impunis. ("réguliers" et "impunis" sont antinomiques).

J'en passe et des plus notables !
La prochaine leçon portera sur les "prépositions" comme "à" et "de" !
Maxula.

Ou peut-on le bonheur et la tranquillité
| 08-07-2019 21:15
https://www.facebook.com/groups/1119878944811891/permalink/1614937591972688/?sfnsn=mo&s=100010866126745&w=y

1/3i
| 08-07-2019 20:29
car un représentation exacte de la situation.

Pire même, de la politique telle quelle est aujourd'hui dans le MONDE !