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Le poker menteur du pouvoir en place s’annonce perdant
Par Marouen Achouri
21/09/2022 | 15:59
5 min
Le poker menteur du pouvoir en place s’annonce perdant

 

Imaginez un instant être à la place d’un enquêteur de la brigade antiterroriste à la caserne de Bouchoucha. Vous devez interroger deux leaders islamistes notoires que sont Rached Ghannouchi et Ali Laârayedh à propos du dossier de l’envoi de milliers de jeunes Tunisiens en Syrie. Pour ce faire, vous vous basez sur la plainte de l’ancienne élue et membre de la commission consultative pour une nouvelle république, Fatma Mseddi. Ledit dossier est en grande partie constitué des témoignages entendus dans le cadre du travail de la commission parlementaire qui devait enquêter sur le même sujet, autant dire aucun élément concret. Cela n’empêche que vous êtes un maillon essentiel dans un dossier qui fait la une des journaux et qui accapare l’attention du pouvoir en place et de l’ensemble de la scène politique. Ce n’est franchement pas confortable.

 

Il va sans dire que le dossier de l’envoi de jeunes en Syrie est très important pour le pouvoir en place. Son activation après des années est une preuve suffisante pour le démontrer. D’un autre côté, il est impensable pour le pouvoir en place de revivre un autre épisode Bhiri, avec une enquête qui ne mène à rien outre blanchir l’accusé que l’on pensait mettre en prison. C’est dans cette logique que la justice s’est saisie de la plainte de Fatma Mseddi à propos d’un dossier dans lequel les coupables sont tout trouvés, à savoir les islamistes.

Depuis bientôt dix ans, toute la scène politico-médiatique répète à l’envi que le mouvement Ennahdha, quand il était au pouvoir, a facilité, encouragé et même poussé à l’enrôlement de plusieurs milliers de jeunes dans des groupes terroristes actifs en Libye et en Syrie. Le prouver aujourd’hui au niveau judiciaire est une autre paire de manches.

Toutefois, le fait de s’appuyer sur des publications Facebook et sur des campagnes virtuelles véhiculant tous types de fake news n’est pas nouveau pour le pouvoir en place. Ce sont les mêmes sources qui avaient été employées pour faire dire au président de la République qu’un ancien élu possédait 1500 millions de dinars et que la femme, au chômage, d’un avocat possédait 100 mille dinars sur son compte et plusieurs résidences. Par conséquent, voir ce même pouvoir se mobiliser sur le dossier en question n’est pas étonnant, d’autant plus que le gain éventuel est alléchant.

En ces temps de pénuries et de crise économique, ce serait une aubaine pour le pouvoir que de parvenir à mettre des figures islamistes de premier plan sous les verrous dans un dossier aussi polémique que celui des jeunes envoyés en Syrie. A l’inverse, si jamais ils s’en sortent, ils seront définitivement blanchis et pourront clamer qu’il s’agit d’un procès politique contre les leaders d’une force importante d’opposition au pouvoir.

 

Par contre, le fait que le pouvoir en place ne sache pas bien s’y prendre pour faire rendre des comptes aux islamistes ne veut pas dire que ces derniers sont innocents. Bien des crimes ont été commis durant la période où ils ont été au pouvoir. Dans le dossier des jeunes enrôlés pour aller en Syrie, le pouvoir s’est montré particulièrement laxiste. Un gouvernement qui se respecte ne peut, en aucun cas, permettre que des milliers de ses jeunes soient acheminés en Syrie comme du bétail pour servir de chair à canon dans une guerre d’influence régionale. Le passage de Ali Laârayedh au ministère de l’Intérieur restera dans les annales comme l’un des pires au niveau des libertés, de la sécurité et de la gestion des mouvements sociaux. Les agressions du 9-Avril, la chevrotine à Siliana, la parade de Ansar Chariâa à Kairouan et l’attaque de l’ambassade américaine sont des évènements dramatiques qui ont eu lieu alors que Ali Laârayedh était à la tête du ministère de l’Intérieur. Les soupçons d’enrichissement illicite de plusieurs figures nahdhaouies datent également de la même époque. Tout cela sans compter le tort causé à l’Etat tunisien et à la Tunisie par les mauvais choix politiques et la spirale d’endettement dans laquelle le pays est empêtré jusqu’à ce jour. A peine les Tunisiens se sont ouverts à la politique et à la chose publique juste après la révolution, que les islamistes ont eu le chic de provoquer, en un temps record, une fatigue démocratique qui engendre des taux d’abstention record et cette résignation que l’on voit aujourd’hui envers ce qui s’apparente à un pouvoir despotique en devenir.

 

Le pouvoir de Kaïs Saïed a besoin d’une victoire, d’une réalisation. Devant la déliquescence de la situation économique et sociale, les pénuries à répétition et la dégringolade du pouvoir d’achat du Tunisien, le pouvoir doit présenter un semblant de bilan.

Il ne faut pas oublier, non plus, que les élections législatives approchent et que, même si le prochain parlement n’aura que des prérogatives assez limitées, Kaïs Saïed ne peut tolérer une autre gifle électorale.

Le plus sûr chemin vers ces réalisations, comme l’ont fait les islamistes durant la période de la troïka, est de mettre « les ennemis » en prison. Rached Ghannouchi, Ali Laârayedh, Habib Ellouze et autres doivent absolument se faire condamner pour redonner un peu d’oxygène au pouvoir en place. Les groupies du président et une partie non négligeable de l’opinion publique s’en féliciteront durant des semaines et cela permettra d’aborder un hiver, qui s’annonce chaud, avec plus de sérénité.

 

Quoi qu’il en soit, c’est à quitte ou double pour le pouvoir en place et particulièrement pour la ministre de la Justice, Leila Jaffel, qui a, comme par hasard, retrouvé les faveurs du président de la République qui l’a reçue le 16 septembre après l’avoir ignorée depuis la révocation illégale des juges en juin dernier. La question est de savoir si les leaders islamistes vont être emprisonnés pour ces crimes ou s’ils sortiront bancs comme neige de Bouchoucha.

Habib Ellouze et Rached Ghannouchi ont été relâchés par le parquet alors que tous les aficionados du pouvoir se félicitaient déjà de son emprisonnement. Seul Ali Laârayedh a été placé en garde à vue. Le résultat de ce coup de poker du pouvoir s’annonce perdant.

Par Marouen Achouri
21/09/2022 | 15:59
5 min
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Commentaires
Forza
Affaire politique
a posté le 27-09-2022 à 08:03
Cette histoire est gonflée car on veut occuper les gens par quelque chose au lieu de résoudre les problèmes du pays. LA Tunisie avait le plus important contingent de terroristes en Iraq déjà sous Ben Ali. Des rapports des Américains de 2007 et 2008 indiquaient que tunisiens et libyens forment la majorité des kamikazes en Iraq donc il y a un problème spécifique en Tunisie et ceci avant même la révolution. et à mon avis c'est le produit de l'incitation à la haine de l'Occident très répandue en Tunisie, voir des journaux comme achourouq et leur rôle destructif dans la radicalisation des Tunisiens.

Apres la révolution et l'éclatement de la guerre civile syrienne, ce sont des services secrets des pays du golfe qui ont organisé et pays les salaires des groupes armés en Syrie, principalement l'Arabie Saoudie, les émirats et Qatar. Certaines voix au sommet de l'orchestration de cette affaire en 2022 sont des amis et des pions des emirats donc les commanditaires de l'envoi des tunisiens en Syrie.

Je ne pense pas que les islamistes sont innocents mais ils ne sont pas plus fautifs que d'autres et le pouvoir de Saied ne veut pas toucher aux vrais commanditaires, ses amis d'Abu Dhabi entre autres.
souilem
il n'y a que le laxisme et la médiocrité de ce gouvernement
a posté le 22-09-2022 à 14:09
Depuis 2019, on a cessé de conseiller la présidence pour mettre fin à l'islam politique et juger les criminels qui ont participé à la dégradation de l'économie du pays, aux assassinats de Belaid et Brahmi ainsi qu'aux soldats, aux sécuritaires et aux touristes et aux pauvres citoyens tunisiens innocents, on a crié, on a parlé, rien n'a été pris en compte. Aujourd'hui, on attrape les criminels d'Ennahdha puis on libère et on lâche prétendant que le dossier est vide. Où sont-ils les rapports sécuritaires ? le gouvernement ne peut pas déléguer quelqu'un pour se déplacer et enquêter en Syrie auprès des tunisiens en prison en Syrie et cela présente à la justice un argument pour le jugement. Je ne croie pas à cette histoire et la Tunisie sombrera encore et encore dans l'inconnu. Rabbi yoster.
DHEJ
Tu n'es pas très cultivé...
a posté le 22-09-2022 à 09:21
ROBOCOP pense avec l'article 54 du code de procédure pénale... un article ignoré par le juge d'instruction du pôle judiciaire...


Il faut le lire M.A!

Merci
TRE
Kaisollah est recherché à New York City !
a posté le 21-09-2022 à 20:37
Pourquoi l'ONU n'a-t-elle pas invité notre Kaisollah (Rathia Allahou 3anhou) à l'assemblée générale ? Ou se cache-t-il à New York en attendant son départ ? Qui sait ?
Mansour Lahyani
@TRE
a posté le à 10:06
Non, l'ONU n'a jmais invité personne à assister à ses assemblées générales : c'était à "(v)otre Kaisollah (Rathia Allahou 3anhou)" d'user de son droit d'assister à l'AG... Encore fallait-il qu'il l'eût jugé assez digne de son hubris qui - c'est de notoriété désormais cosmique - le place bien plus haut que cette foutue ONU et sa miteuse AG !
Alya
Pas sur
a posté le 21-09-2022 à 19:49
Toutes ces convocations peuvent montrer qu actuellement personne n est au dessus de la loi. Et de fait, et sans être une fan de ben farhat, certaines familles auront peut être le courage de témoigner.
TAHAR
Une loi électorale criminelle !
a posté le 21-09-2022 à 17:50
La loi électorale de Kais Saied est un schéma/Plan français d'élection d'indépendants et d'assujettissement des parlementaires aux pouvoirs de la présidence de la république loyale au colonialisme français !!
Le décret comportait un nouveau chapitre, l'article 107, relatif au vote aux élections législatives spéciales à un ou deux tours, dans les circonscriptions uninominales. Auparavant, le vote se faisait sur les listes, les plus gros résultats restants étant adoptés. Ce système a été adopté depuis les élections à l'Assemblée nationale constituante de 2011 et se poursuit à ce jour.

Le frauduleux, Kais Saied, prive les régions du pays tunisien de représentation parlementaire en réduisant le nombre de députés !!
Le décret complète l'article 106 de la loi électorale, qui fixait le nombre de sièges au nouveau parlement à 161, remplaçant le parlement précédent fixé à 217. Cette privation est un plan français visant à aggraver l'injustice et à perpétuer la privation de développement et à accroître la ségrégation et l'exclusion des quartiers pauvres.

Un texte électoral français pour l'exclusion du parti Ennahda en particulier et le retrait de l'Islam politique du pouvoir en général

Hassan Al-Tamimi, analyste politique communiste et militant proche des médias français, a déclaré que la nouvelle loi électorale avait été élaborée avec l'intervention du gouvernement français pour soutenir le cours de la guerre contre l'islam politique, en particulier le parti Ennahda, en particulier puisque le rôle des partis sera totalement annulé dès les prochaines élections et les individus seront conservés. !!!. Ainsi, le parti populaire majoritaire Ennahda est exclu du pouvoir.

Walli Yi7sib Wè7dou Yofthoullou !
@Tahar
J'espère pour toi...
a posté le à 10:52
...que tu ne débites pas des fake news, auquel cas, tu tomberas sous le coup de la nouvelle loi: 5 ans de cachot illico presto!
TRE
@Mansour Lahyani : En Allémand on dit :
a posté le 21-09-2022 à 17:39
Celui qui ment une fois, on ne le croit plus, même s'il dit la vérité. Telle est la morale de la fable souvent racontée du jeune berger et du loup.

Wer einmal lügt, dem glaubt man nicht mehr, auch wenn er die Wahrheit sagt. Das ist die Moral der oft erzählten Fabel vom jungen Hirten und dem Wolf.
Mansour Lahyani
Réponse à TRE
a posté le à 09:45
Inutile d'aller déranger l'allemand, on le dit aussi en français... Ce qui prouve que les deux langues sont aussi prétentieuses l'une que l'autre : il en a menti, il continue à mentir, et pourtant... Ce bon populo est incorrigible : il continueraindéfiniment à faire confiance à ce fieffé menteur !
SAHLI
Distraction désespérée de la faillite de l'Etat
a posté le 21-09-2022 à 17:29
Il s'agit d'une pure manoeuvre de diversion des RCDistes et des médias alignés sur Kaisollah : Les putschistes sont dans la grande Merde et cherchent maintenant à occuper les médias et la foule avec des futilités du passé.

Cette manoeuvre des Putschistes ne peut que pousser Ennahdha (ou le parti qui lui succédera) dans un rôle de victime et augmenter ainsi considérablement ses chances d'être réélu, voir la gagnante dans les prochaines élections. (ne pas oublier qu´ au moins 90 % des Tunisiens sont pieux jusqu´à l´os !)

Le plus IMPORTANT pour nous Tunisiens:
Nous sommes des khobsistes et nous ne voulons que notre pain quotidien, l'avenir de nos enfants et la paix sociale dans ce pays.

Et nous survivrons à tous les dictateurs et traitres à la nation.
Gg
En effet
a posté le 21-09-2022 à 17:22
Saied a raté l'occasion de mater les islamistes il y a un an.
Et il s'est mis dans l'obligation d'organiser de nouvelles élections, qui vont montrer que le pays est toujours divisé en 2 parts égales, les pro et les anti islamistes.
Le coup de poker consiste à imaginer que les tunisiens vont voter, et voter clairement.
C'est un double risque, celui de voir reconduite la précédente assemblée, et celui de l'abstention massive, le contexte économique catastrophique alimentant l'abstention.
Alors en effet c'est coup de poker, joué avec une mauvaise main.
En un mot: du grand amateurisme. On n'ose imaginer ce qui va se passer s'il rate son coup...
Réponse
"S'il rate son coup"
a posté le à 13:18
...ça ne sera jamais pire que la décennie noire et le cirque "ARPéiste" qui n'a rien fait pour la Tunisie.
Et puis, les Tunisiens, cette fois-ci, ont vu que le changement est possible et que "l'islamismoaffairisme" n'est pas une fatalité.
Ils pourront choisir en toute transparence et en toute liberté et non pas avec un imam ou un policier dans le dos, comme à l'époque du gourou Khriji et du dictateur ZABA.

Alors, question: est-ce "du grand amateurisme" ou du courage politique salué et validé par beaucoup, beaucoup de Tunisiens qui ne sont pas du sérail

Vous avez 4h pour disserter là-dessus !

Mansour Lahyani
Poker, peut-être, mais menteur, sûrement !
a posté le 21-09-2022 à 17:11
Qui a menti une fois, et à ce niveau tellement supérieur, mentira toujours : c'est une (autre) loi de la Nature...
MH
Ils sortirons blancs comme neige
a posté le 21-09-2022 à 16:29
Non seulement ils ne trouveront rien contre eux, mais ils s'en sortiront encore mieux, lavés de tout soupçon. Ce gouvernement est stupide, bleu et inefficace à l'image de leur grand chef.
Nephentes
L 'effondrement économique mettra tout le monde d'accord
a posté le 21-09-2022 à 16:12
Ce qu'écris Mr Achouri est juste. Mais c'est un détail, désormais

Parce que cela revient a se disputer une place de parasol sur une plage directement et immédiatement menacée par un gigantesque tsunami

L'instauration d'un état d'exception voire de la Loi Martiale mettra paradoxalement tout le monde d'accord. Mais est ce que cette possibilité constituera une solution pour échapper au tsunami ?