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SUR LE FIL
Le paradis des opportunistes
Par Marouen Achouri
11/05/2022 | 15:59
5 min
Le paradis des opportunistes

 

Il est intéressant de remarquer que les régimes qui prétendent le plus rompre avec les pratiques du passé s’évertuent à les perpétuer de manière plus crasse et plus abjecte que les précédents. Nous avons dénoncé à longueur de colonnes le fait que des responsables soient nommés pour leur allégeance, abstraction faite de leurs compétences. Les gouvernements de la troïka, de Nidaa Tounes, de Youssef Chahed et le nouveau régime institué par le président de la République Kaïs Saïed s’accordent tous sur ce point.

Le chef de l’Etat montre une grande sensibilité à la flatterie et n’hésite pas à décorer ses soutiens les plus bruyants de son attestation publique de patriotisme et de fidélité. L’ancien membre de l’instance supérieure indépendante pour les élections présidée par Kamel Jendoubi, Sami Ben Slama, a montré, à travers ses apparitions médiatiques et ses écrits sur Facebook une allégeance sans failles à la démarche présidentielle. Il s’est également évertué à insulter et à salir tous les opposants du président en usant de termes parfois très bas. Cela n’a pas empêché le président de la République de le désigner en tant que membre de la nouvelle instance pour les élections. Au-delà de la personne, le mécanisme par lequel on accède aux responsabilités est exactement le même que celui qui était utilisé du temps de Ben Ali et pendant les gouvernances suivantes. C’est pourtant avec tout cela que le président de la République prétendait rompre en évoquant des approches nouvelles éloignées de ce que faisaient les autres. Le régime de Kaïs Saïed y ajoute même une couche inédite avec le cas Rachida Ennaïfer.

 

L’ancienne conseillère en communication a fait plusieurs apparitions médiatiques pour vanter les mérites de son président qui travaille « vingt heures par jour ». Etant sur le plateau de la chaine nationale, elle savait qu’elle ne serait pas reprise en lâchant une telle énormité. Elle n’a pas arrêté de rabâcher que le président est un homme extraordinaire, travailleur et patriote, à se demander dans ce cas pourquoi elle quitté ses fonctions aux palais. En guise de récompense à ses efforts, elle a été reçue par le chef de l’Etat, Kaïs Saïed. Il n’est pas exclu qu’elle retrouve son poste à la présidence de la République puisque c’est une fidèle parmi les fidèles et puisque le palais de Carthage est vide. Sous le régime de Kaïs Saïed, il est devenu possible d’obtenir une audience avec le président suite à une déclaration dans un plateau car contrairement à ce qu’il prétend, Kaïs Saïed est au fait de ce qui se dit sur les plateaux, de ce qui s’écrit dans les journaux et tire un grand nombre « d’informations » voire « d’analyses » en parcourant Facebook. Le retour de Rachida Ennaïfer marquerait, encore une fois, la suprématie de l’allégeance sur la compétence. Pour simple rappel, Rachida Ennaïfer avait appelé, sans sourciller, les journalistes tunisiens à adopter le « politiquement correct ». Une déclaration faite sur le plateau de notre confrère Elyes Gharbi, qui en est resté estomaqué. Mme Ennaïfer avait également, envoyé, lors de sa prise de fonctions, un mail aux rédactions tunisiennes qui est resté dans les annales. Elle demandait que les appels des journalistes à son illustre personne se fassent pendant les heures de bureau et sur un numéro fixe.

 

Les exemples de ces nominations farfelues qui ne prennent aucune compétence en considération peuvent être multipliés par dizaines. Nous n’avons pas encore parlé des gouverneurs, de la cheffe du gouvernement ni de ses ministres. Le point commun est que seules les manifestations d’allégeance au président comptent, plus que toute autre considération. Par conséquent, c’est la porte ouverte aux opportunistes de tout bord pour ne pas rater leurs places dans le nouveau train qui conduit la Tunisie et qui est le régime de Kaïs Saïed. Le plus amusant dans cela est qu’on trouve des personnes qui ont soutenu le régime de Ben Ali, plus tard les islamistes et aujourd’hui Kaïs Saïed, sans aucune vergogne. Il y a même des chroniqueurs qui étaient des proches connus de Nabil Karoui et de Oussama Khlifi qui s’égosillent aujourd’hui à défendre la démarche et la politique de Kaïs Saïed.

 

Une célèbre boutade dit que la culture est comme la confiture, moins on en a plus on l’étale. Il en va de même pour ce qui est de la fidélité, du patriotisme, de l’attachement aux principes et de l’intégrité. Plus une personne se prévaut de ses principes et les rappelle à tout bout de champ, moins elle en fera preuve dans son comportement quotidien. Retourner sa veste n’a jamais été autant payant que sous l’ère de Kaïs Saïed, lui qui a pris pour modèle des dirigeants comme Omar Ibn Al Khattab. Il vante les valeurs de justice et de droiture mais fait grimper les plus vils des opportunistes et s’entoure de personnes peu recommandables. Lui-même parle mais ne fait pas, promet mais ne réalise pas, menace mais n’exécute pas.

En attendant, c’est le plus sérieusement du monde que la cheffe du gouvernement Najla Bouden dit que payer les dettes et verser les salaires sont des succès à mettre à l’actif de son gouvernement. La ministre de l’Industrie nous recommande le covoiturage –interdit par la loi- devant les augmentations des prix des hydrocarbures. Le ministre de l’Agriculture annonce, le plus tranquillement du monde, que les prix du lait, des œufs et des volailles vont augmenter. Comme le disent les nouveaux flagorneurs : c’est de la faute aux islamistes, aux lobbies, aux gouvernements précédents…mais en aucun cas ça ne saurait être la faute de celui qui a pris toutes les prérogatives.

Par Marouen Achouri
11/05/2022 | 15:59
5 min
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Commentaires
DIEHK
Je hais les opportunistes et l'opportunisme!
a posté le 11-05-2022 à 18:06
Mes amis politiciens en Europe disent que : J'ai souvent remarqué que les politiques les plus opportunistes perdaient pied dès qu'ils commençaient à servir une idée. Que c'était le début de leur perte.
Et que : Tout ce qui vous arrive vous arrive comme un défi et une opportunité.Alors, dégagez votre
Bhimcop.
Et il est vrai que : Les opportunités apparaissent le plus souvent sous la forme de malchance ou d'échec temporaire.Alors, saisissez votre chance en nettoyant autour de vous "la Vermine hallal".
Je sais à merveille à quoi s'expose un homme qui ne se range ni à droite ni à gauche. On le traite d'opportuniste.
Ils arrivent, ils sont là. De tous temps, de partout. Ils sont prêts. A tout, l'air de rien !

Qui donc ? Mais les opportunistes, bien sûr. Ces profiteurs d'occasions, ces saisisseurs de circonstances, ces caméléons électoraux et girouettes politiques. Ils sont de gré à gré, et d'abord celui de leur intérêt.

ll en est de tous les bords et de toutes les assemblées. "Il faut tourner le moulin quand souffle le vent." (*) : telle est leur devise !
Daniel Confland (2k18)




VIO
flagorneurs de mon pays..
a posté le 11-05-2022 à 17:10
Le respect de soi engendre nécessairement l'estime de soi, la confiance en soi et l'indépendance. Mais celui qui ne peut pas se respecter et veut pourtant se faire respecter dans le monde doit nécessairement user de tous les moyens de dissimulation, flagornerie, flatterie pour arriver à son but. Les gens de ce genre, qui sont malheureusement nombreux, sont les plus nuisibles au public de l'?tat.