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Tribunes
Le fantasme des privilèges des hauts fonctionnaires
16/06/2020 | 14:14
3 min
Le fantasme des privilèges des hauts fonctionnaires
 *Par Driss Sayah
 
Beaucoup de commentaires perplexes (à raison) quant à la perspective (très invraisemblable) de la baisse des salaires et des pensions de retraite dans la fonction publique, citent les sempiternels "privilèges" des hauts fonctionnaires de l'État par lesquels il faudrait commencer pour resorber le déficit budgétaire et, pour certains, ne s'était-ce que "pour l'exemple".
 
Laissez-moi vous dire qu'il s'agit non seulement d'un fantasme mais aussi d'un non-sens total.
 
Fantasme parce que les hauts fonctionnaires de l'administration (et non des entreprises publiques qui elles sont régies par des statuts et conventions spécifiques dont beaucoup sont à revoir évidemment, comme c'est le cas pour la RNTA) ne sont pas rémunérés avec déraison.
 
Les directeurs généraux perçoivent des salaires très nettement inférieurs à ceux de leurs camarades de promotion (avec le même diplôme et le même nombre d'années d'expérience) ayant fait carrière dans le secteur privé. Ces salaires demeurent nettement inférieurs à ceux de leurs camarades du privé, mais aussi des entreprises publiques, même si on y ajoute la voiture de fonction et les bons d'essence. Mais sans ces avantages la fonction publique ne serait plus du tout attractive. Elle n'attirerait plus, ni ne retiendrait, des cadres supérieurs ayant un minimum de qualités. Ce qui serait préjudiciable pour l'ensemble des opérateurs (publics et privés).
 
Les chargés de mission (notamment les membres des cabinets ministériels) sont le plus souvent recrutés au sein de la fonction publique (dans d'autres corps). Il gardent donc leurs salaires d'origine et se voient attribuer une (très modeste) prime de fonction, un (petit) véhicule de fonction et des bons d'essence.
 
Dans leur écrasante majorité ils ne prennent pas de congés, travaillent à un rythme très soutenu et sont soumis à une pression constante (interne et externe) durant tout le mandat de leur ministre. Sans ces "avantages", très peu de cadres accepteraient d'intégrer un cabinet. Bénévolat pour bénévolat, ils préféraient s'impliquer dans l'associatif (plus valorisant moralement et beaucoup moins prenant et stressant).
 
Contrairement aux fantasmes collectifs évoquant des salaires mirobolants, les ministres perçoivent autour de 4000 DT par mois (soit ~ 1300€, parmi les salaires le plus bas au monde, surtout après la reduction de 25% décidée par Youssef Chahed au début de son mandat).
 
Dans leur écrasante majorité et compte tenu de leur activité d'origine (qu'elle soit libérale ou salariée, en Tunisie ou à l'étranger) ils renoncent à beaucoup plus en acceptant de devenir Ministres.
 
Contrairement à ce que je lis ça et là, ils n'ont pas droit à un logement de fonction, ni à une prime de logement, ni à un domestique, ni à un jardinier, ni à une indemnité "vestimentaire". Juste une voiture de fonction avec chauffeur, des bons d'essence et une voiture de service pour leur foyer, afin qu'ils se consacrent l'esprit serein et à temps plein à leur fonction. Et ça s'arrête là !
 
Quand ils se déplacent pour représenter l'État à l'étranger, ils perçoivent un perdiem de 250 DT par jour (~80€) qui doit couvrir leur frais d'hébergement (!!). Dans leur écrasante majorité ils renoncent à presque tout (vie privée, week-end, jours fériés, congés...), travaillent 12h par jour au moins et se font constamment insulter, calomnier et dénigrer, qu'ils soient bons, moyens ou mauvais, intègres ou corrompus, dévoués ou laxistes...
 
2- Ces commentaires sont aussi un non-sens parce que la suppression de ces "avantages", à supposer qu'elle n'ait aucune incidence sur l'attractivité de la fonction publique et la motivation de ses hauts cadres (!), correspondrait globalement à une "économie" budgétaire variant de 50 à 100 millions de DT par an. Pour rappel rien que le déficit cumulé des entreprises publiques tourne autour de 8 milliards de DT.
 
En gros, vouloir supprimer les avantages des hauts fonctionnaires de l'État pour en équilibrer le budget c'est un peu comme si un chef de foyer ayant un déficit mensuel chronique de 1000 DT commençait par supprimer les 50DT qu'il consacre tous les mois au traitement du diabète de son fils (au lieu de penser par ex. à louer une maison plus petite, à installer des panneaux photovoltaïques ou à se créer une autre source de revenus).
 
*Universitaire 
16/06/2020 | 14:14
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Commentaires
aliocha
Servir l'état
a posté le 18-06-2020 à 16:15
Pour un universitaire cet article ne vole pas très haut!
Un haut fonctionnaire est un serviteur de l'état et on ne doit pas calculer pour le faire, il doit pouvoir vivre dignement de son salaire et c'est le cas mais ne pas s'enrichir, s'il est intéressé par l'argent il peut aller dans le privé qui obéit à d'autres exigences!
amt
Les fonctionnaires et les supérieurs
a posté le 16-06-2020 à 21:48
Je connais bien ce corps car j ai été parmi eux. Un emploi à vie. Des voitures de fonctions et de services, des chauffeurs qui assument plusieurs tâches, énergie dilapidée, travail mal fait, corruption à outrance absentéisme record. Un effectif digne d'une armée soviétique, et surtout après 2011. Pauvre contribuable qui continue à dormir sur son oreiller.
TIBO
C'est le nombre de HF qu'il faudrait diviser par 2
a posté le 16-06-2020 à 15:05
et le nombre de fonctionnaires à diviser par 3, 4 puis 5.