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Tribunes
Le courroux du FMI : Un ultimatum à prendre au sérieux !
18/12/2019 | 21:00
4 min
Le courroux du FMI : Un ultimatum à prendre au sérieux !

Par Hédi Sraieb *

 

En ces temps de début d’une nouvelle assemblée passablement agitée et de désignation chaotique d’un nouveau gouvernement, toute la médiasphère est tournée, et avec elle toute l’opinion publique, vers les tractations politiques, avec ce qu’elles comportent de rumeurs, d’affirmations suivies de démentis. Un tumulte auquel d’évidence il est difficile d’échapper ! Les questions : Quel gouvernement ? Pour quel soutien parlementaire ?... occupent de manière lancinante et agacée, si ce n’est de manière pénible et oppressante l’essentiel de nos compatriotes.

 

Au même moment, mais passé inaperçu, dans cette effervescence cacophonique, le FMI sort de son silence. Le représentant résident du FMI se fend d’une interview publiée par « Il Boursa » site web discret, inconnu du grand public, mais à destination des élites économiques et politiques. Une interview qui intervient tout juste après celle filmée du représentant résident de la Banque mondiale, et qui dit en substance les mêmes choses. Répétition volontaire à caractère pédagogique ? Sans nul doute ! Même langage diplomatique, même insistance thématique, même admonestation, même préconisation. On aurait d’ailleurs quelque mal à déceler la moindre différence même entre les lignes.

Le résident du FMI a de toute évidence choisi son timing : Celui où se décident les contours politiques du gouvernement. Autant dire « un homme averti en vaut deux, au cas où certains l’oublieraient ! »

 

Le représentant du FMI se refuse d’emblée à tout commentaire sur la dernière revue (5 depuis 2016), -à la différence d’un ministre des finances, enjoué et réjoui, qui se félicite des progrès accomplis-, pour prendre de la hauteur, et revenir sur l’accord approuvé en 2016 au titre du mécanisme élargi de crédit (MEDC) et ses attendus. En substance, et de manière mimétique au résident de la BM, il distingue deux moments forts: Celui de l’aide et de l’appui dans la phase de transition difficile et qui a trait pour l’essentiel au soutien budgétaire (1.6 Mds US$), et celui non moins important et crucial de l’accompagnement de la transformation des structures économiques du pays (1.2 Mds US$).

En clair et sans fards : « Argent-contre-Réforme ». Une constante de la politique du FMI et de ses affidés, sous tous les cieux, à quelques nuances près !

 

Le représentant du FMI pointe habilement les mêmes manquements que ceux que l’on retrouve dans l’interview du résident de la BM: absence de maîtrise de la dépense publique, déficience du secteur des entreprises publiques. Il égrène alors avec circonspection les mêmes réformes structurelles qui pourraient être opportunément conduites par le nouveau gouvernement : Réduction graduelle des subventions énergétiques, la réforme des entreprises publiques….A bon entendeur !

Deux enveloppes distinctes mais complémentaires répondant à des objectifs communs. La première ne semble manifestement rencontrer aucune difficulté ni obstacle majeurs. La seconde, véritable objet de l’interview, n’a pas encore débouché sur de réelles concrétisations. Le résident du FMI, comme celui avant lui de la BM, se garde bien de tout jugement sur les gouvernements tout en ajoutant dans la foulée que les autorités ont tardé à entamer le processus de réformes structurelles.

 

Reste donc au final, une véritable inquiétude, pour ne pas dire impatience ! Un empressement dans les propos (il faut lire les 2 interviews) d’autant plus fort que l’accord vient à échéance au printemps 2020. On ne peut alors qu’être surpris par l’en-tête de l’interview du représentant du FMI que nous reproduisons sciemment : « Quand la Tunisie a emprunté en 2016, elle s’est engagée à mener des politiques destinées à surmonter des problèmes économiques et structurels. Cet engagement est axé sur des réformes structurelles qui s’attaquent aux faiblesses institutionnelles et économiques, en plus des politiques propres à préserver la stabilité macroéconomique. Au regard du contexte politique global que connait la Tunisie, le FMI pourrait très bien couper le robinet et ne pas aller aux termes du programme ». (Souligné par nous).

 

Quand on connait la minutie dans les choix des mots, le soin méticuleux apporté dans la formulation des propos habituellement faits par le représentant du FMI on ne peut que s’étonner que l’interview n’ait pas donné lieu à un démenti, ou pour le moins à une correction de la déclaration attribuée au résident. Encore un doute ? Que dire du titre paru en gros caractères et en gras « Faute d’avancement rapide des réformes, les 1.2 milliards restent en suspens ».

Négligence de relecture, silence délibéré…mais nous voilà tout de même prévenus !

 

* Hédi Sraieb, Docteur d’Etat en économie du développement

18/12/2019 | 21:00
4 min
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Commentaires (10)

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Dhouha
| 23-12-2019 09:10
Hédi, on écrit " on s'étonne que l'interview n'AIT pas donné lieu et non pas n'EST pas donné lieu"; c'est le subjonctif présent

Skander Ounaies
| 21-12-2019 18:54
Cher Si Hedi,
j'ai assisté à votre soutenance de Thèse d'Etat à Aix en Provence,Thèse menée sous la direction du Professeur Bernard Guilhon,qui a ,également ,dirigé ,la mienne .
Votre article est trés pertinent comme toujours ,mais qui se soucie actuellement de l'économie dans ce pays A part les Economistes (les Vrais ) du pays qui tirent sans cesse la sonnette d'alarme, pour les dérapages trés inquiètants des finances publiques du pays,en proposant des solutions applicables de suite,mais avec un minimum de volonté politique et de ...patriotisme,la quasi majorité des "responsables " est dans le déni total de la situation économique et financière du pays : pour preuve l'interview du Premier Minstre sortant ,qui annonce que l'économie est en bonne voie!!!,et les déclarations de certains "responsables " supposés etre de haut niveau qui disent carrément qu 'il n'existe aucun problème avec le FMI!!!
Nous sommes "gouvernés " par des schyzophrènes ,qui vivent dans une bulle,le jour où cette bulle explosera ,comme les autres,seul Dieu pourra nous protéger .
Professeur Skander Ounaies

Tarm
| 19-12-2019 17:58
Vous rêvez Monsieur et vous semblez être content de la situation. Méthode Coué ! Avant de jouer un rôle planétaire, commençons par jouer un rôle local en faisant ce qui est plus simple, soit éduquer les citoyens afin de respecter l'environnement en Tunisie, les oueds plein de détritus, des bouteilles en PET et sac en plastic partout, certaines plages pleines de détritus, bord de mer avec des bouteilles cassées, des poubelles jetées de façon anarchique à tous les coins de rues, etc, etc, etc, et après avoir résolu ces problèmes, vous planterez des oliviers et remplacerez l'huile de palme.

Rationnel
| 19-12-2019 15:24
Le FMI ne va couper les prêts pour la Tunisie, les sommes sont trop modestes et la Tunisie est un succès relatif quand on la compare a l'Argentine (prêt 50 fois plus important et pays en défaut de payement) ou d'autres pays de l' Amérique latine. La nouvelle directrice de la FMI va sûrement essayer de changer la mentalité des économistes de l'institution. Le modèle ultra libéral de l'école monétariste n'est plus a la mode et a échoué. L'exemple le plus éloquent est celui du Chili en révolte actuellement malgré des chiffres macro économique impressionnant. L'échec de gouvernance au Chili a conduit a l'échec de la convention COP25 sur l'environnement et des retombées tragiques pour l'environnement a l'échelle planétaire. Le Chili était charge de l'organisation de la COP25.

Les priorités politiques des trois grands: les USA, l'Europe (UE) et la Chine déterminent la politique des institutions internationales et les priorités politiques ont change et favorisent l'environnement. La nouvelle présidente de la commission européenne a présente le "European Green Deal" comme sa priorité, aux USA les démocrates ont le "Green New Deal" et en Chine l'environnement est une des priorités du gouvernement depuis une décennie. Le FMI doit suivre.
La Tunisie peut jouer un rôle central dans les programmes pour l'environnement a l'échelle planétaire, on peut fournir l'énergie renouvelable a l'Europe a moitie prix, on peut planter des millions d'olivier qui peuvent absorber le CO2, chaque litre d'huile d'olive réduit le co2 atmosphérique de 10 kg et peut remplacer l'huile de palme et réduire le déboisement en Indonésie et les pays tropicaux.






Justinia
| 19-12-2019 14:28
Dans un langage très diplomatique des avertissements fusent.Celui de la banque mondiale et le font monétaire international.Mais le président offre aux gens une journée de congé payé.C'est à dire des millions d'heures de travail perdues pour le pays.
La BM et le FMI peuvent attendre...

Jamel
| 19-12-2019 13:58
Pas de soucis, mi 2020, ils arrêteront les je t'ai vu, tu m'as vu, j'ai rencontré, tu as rencontré, j'ai reçu, tu as reçu et là ça sera le début des emmerdes, je ne sais pas, tu ne sais pas, on ne sait pas comment faire pour sortir le pays de la M.....

Must
| 19-12-2019 08:57
Une excellente analyse .. et nos politiques se prélassent ..

Tounsi-Horr
| 19-12-2019 05:16
Les Tuns fêtent la victoire de " tarajji" contre l'équipe Quatari....

yasmina
| 18-12-2019 23:41
Gros merci pour cet article. Bien que c'est le sujet le plus important de nos jours, il n'est traite que ar des rares experts comme vous.
Il est important de corriger , par contre, le dernier paragraph de votre article : "... fermer le robinet...." ne sont pas les mots du Mieur J. Vachet mais du journaliste qui a fais l'interview et ecrit l'article.
En realite peut importe comment c'est exprimee, la realite est bien ca, alors que les politiciens font "el 3zouza hazha elwed ..."

Gg
| 18-12-2019 21:34
Voila un article, et une information, qui nous sort des cancans de l'ARP et de la nuée de nuls qui bourdonne autour.
Pourtant, s'il y a une info que le Président Saied devrait prendre sérieux, c'est bien celle là.
En clair, il faudra très bientôt demander l'argent à la Saoudie et au Qatar.
C'est un choix...économique, et de société.
Pour ma petite part, je crois que Saied a déjà choisi!