On pressentait, depuis le début de l’année, une campagne électorale très chaude. Le décès de Béji Caïd Essebsi, qu’il repose en paix, a chamboulé les agendas des uns et des autres. La présidentielle anticipée a changé la donne et au lendemain de l’enterrement du défunt chef de l’Etat, les protagonistes ont vite fait de dégainer les armes, façon western spaghetti. Voilà donc que la campagne explose le thermomètre et, avec, les certitudes et les espérances des Tunisiens. La loi est celle du plus fort, les règlements de comptes sont légion, les coups bas sont un cran plus bas.
Des prétendants au trône qui s’entredéchirent pour atteindre le Graal, ce n’est pas inédit. Ce qui l’est par contre en Tunisie, c’est cette ambiance délétère, c’est ce climat de magouilles et de rebondissements invraisemblables, c’est cette plongée dans une dimension impitoyable, façon Game of Thrones.
Un spectacle affligeant que nous servent nos chers politiciens et leurs fan-clubs. Programmes, visions, stratégies, tout ce qui pourrait aider les Tunisiens à y voir plus clair, sont relégués au second plan. L’opinion publique est bombardée à longueur de jour de fake news, d’accusations mutuelles, de révélations incendiaires, d’agissements mafieux, d’entourloupes impliquant les institutions et les moyens de l’Etat, et j’en passe. La confiance en cette classe politique déjà vacillante, s’en trouve aujourd’hui pratiquement sapée. La facture de la démocratie est bien salée.
L’électeur est face à un véritable dilemme. Pour qui voter et pourquoi ? A quoi cela servirait-il de donner sa voix à quelqu’un qui la mérite alors qu’il risque de ne pas passer le premier tour, écrasé par toute la machine de la voyoucratie… Parce que, oui, on se retrouve acculés à composer avec certains candidats-voyous, façon le Parrain. Depuis sa luxurieuse demeure à Saint-Tropez, le candidat Slim Riahi a balancé sur celui qu’il considère aujourd’hui comme un ennemi, en la personne du chef du gouvernement-candidat actuellement en « congé ».
On a appris (sans surprise pour certains d’entre nous) qu’il se passe des choses dans les dédales des tribunaux, que si on reste sage, les affaires roulent, sinon les dossiers nauséabonds seront de sortie comme par magie et qu’on risque, par conséquent, de se retrouver dans la mouise. Les soupçons d’une instrumentalisation politique de la justice ne sont pas nouveaux. Mais le pire dans l’histoire est que c’est Slim Riahi, en fuite depuis des mois à l’étranger et aux connexions douteuses, qui se met à déloger les squelettes des placards.
On aura tout vu durant cette campagne. Le candidat fuyard qui se cherche une virginité en tapant sur le candidat-chef du gouvernement qui montre un certain intérêt pour les pratiques hégémoniques. Le candidat-ministre de la Défense qui admet fièrement avoir envisagé d’encercler le parlement par les militaires. Le candidat en prison pour de louches affaires, certes, mais qui se transforme en victime, en prisonnier politique, à cause de l’étrange coïncidence de son arrestation avec sa popularité montante (et la liste est longue).
Toutes les campagnes électorales donnent lieu à des passes d’armes entre les adversaires, mais on a rarement vu un tel niveau de bassesse. Les candidats n’attaquent pas les programmes de ceux d’en face, mais assènent des coups en dessous de la ceinture. Des accusations de traitrise, des agissements douteux pour se débarrasser d’un concurrent, des attaques personnelles frontales … La scène politique s’est transformée en un ring grandeur nature, où le pugilat déloyal semble être le seul moyen pour défoncer les portes de Carthage. Un état des lieux affligeant qui ne réconciliera sûrement pas les Tunisiens indécis avec la politique. Il s’en passera des choses d’ici le 15 septembre. Au final, ce sont les électeurs qui décideront et gare au vote sanction !
Commentaires (15)
Commenter@welles
@Samy de Prague
Comment donner goût de la démocratie à la population tunisienne?.Les futurs "profs" de démocratie doivent apprendre quelques rudiments de pouvoir du peuple...Je propose qu'ils fassent leur stage en Grèce...
voyoucratie
La magouille suprême.
"Climat de magouilles"
Vous ne pouviez pas mieux dire Mme Latif. La plus honteuse des magouilles,c'est l'amendement de la loi électorale téléguidée par Mr. Chahed.Ce dernier ne supporte pas que Mr. Karoui le devance dans les sondages.Est ce démocrate? Non.Que n'a-t-il pas fait pour l'éjecter du circuit.Mais il est toujours là,en prison,mais il est là.Est ce honnête?Non.