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La Tunisie face à son destin : l’art de la stratégie pour sortir de la crise ?
23/01/2020 | 12:17
20 min
La Tunisie face à son destin : l’art de la stratégie pour sortir de la crise ?


« L'habituel défaut de l'homme est de ne pas prévoir l'orage par beau temps » ; « Ce n'est pas le titre qui honore l'homme, mais l'homme qui honore le titre ».Nicolas Machiavel

Le nouveau chef du gouvernement désigné par le Président de la République pour constituer un gouvernement, M. Elyes Fakhfakh, est confronté à une crise politique, économique et sociale inédite dans l’histoire de la Tunisie. Le pays est au bord du précipice, travaillé par de multiples lignes de fracture et de vulnérabilité et exposé aux secousses et menaces provenant d’un voisinage tourmenté et en profonde reconfiguration. Dans ce contexte, il devra manœuvrer en eaux troubles, définir  et libeller des priorités, construire une stratégie globale et cohérente permettant de surmonter les facteurs de blocage et d’atteindre les objectifs fixés. Plus que jamais, il devra « être stratège » et non simplement tacticien du court terme. Rigueur et rationalité dans la démarche devront prévaloir. Comme le souligne très justement le général Desportes, « les décideurs, atteints de myopie décisionnelle, éprouvent des difficultés grandissantes à prendre du recul. Ils ont perdu l’habitude et le goût de la stratégie (…) alors qu’elle seule peut apporter des réponses à la complexité du monde et à l’accélération du temps. Il faut entrer en stratégie, utiliser celle-ci pour modeler le présent et bâtir l’avenir ». Le temps joue contre notre pays et l’attitude du pompier réagissant dans l’urgence pour éteindre les multiples incendies risquant de ravager le pays n’est plus tenable. Un sursaut stratégique salvateur s’impose afin de définir des objectifs clairs et la grande stratégie permettant leur réalisation, combinant l’urgence du court terme et les impératifs du moyen et du long terme. L’art de la stratégie consiste à conférer une liberté d’action au décideur en obtenant des effets majeurs tout en mobilisant le minimum de moyens ou de ressources. Sans vision, sans cap, la Tunisie risque de basculer dans le précipice. La mise en place d’un instrument de « régulation stratégique » en charge d’éclairer le décideur sur les enjeux stratégiques du présent et de l’avenir, de prendre de la hauteur de vue et de définir une stratégie globale de sortie de crise s’impose. Il devra veiller à la cohérence et à la continuité d’un projet stratégique à construire pour sauver la Tunisie et initier une dynamique vertueuse de relance. Cet outil, simple à concevoir et peu coûteux, regroupant une dizaine d’experts hautement qualifiés, multidisciplinaires, fonctionnerait à l’image des cellules de crise et de prospective figurant dans tous les organigrammes des grands groupes économiques efficients et serait directement rattaché au cabinet du chef du gouvernement. La Tunisie est à la croisée des chemins.

La Tunisie face à son Destin

En effet, dans le sillage des élections présidentielles et législatives, la Tunisie enregistre une avancée sensible dans sa laborieuse transition démocratique. Cette dernière est saluée par certains en tant que modèle au sein du monde arabe. Néanmoins, toute avancée démocratique, si elle n’est pas maîtrisée et si elle ne répond pas aux aspirations du peuple profond, est porteuse en elle-même des germes de sa destruction. La démocratie n’est jamais acquise, demeure vulnérable et un retour en arrière est toujours possible. En effet, cette dernière est d’abord et avant tout un apprentissage permanent fait d’avancées et de reculs, d’arbitrages, une culture qui doit diffuser et circuler au sein de l’ensemble du corps social, l’objectif ultime étant l’édification d’un Etat de Droit protecteur des libertés. A titre illustratif, ce processus a pris des siècles en France et au sein des grands pays dits démocratiques, eux-mêmes aujourd’hui en crise. Le concept même de démocratie, concept à géométrie variable ne pouvant être imposé et plaqué au nom d’un certain universalisme sur des réalités locales complexes, est bousculé par la montée en puissance de mouvements réfractaires, réactionnaires, religieux ou populistes. Cette avancée, érigeant la Tunisie en singularité et en îlot démocratique dans son voisinage, l’expose à des risques et à des menaces croissantes en provenance d’acteurs intérieurs et d’acteurs extérieurs soucieux que Tunis ne parvienne pas à trouver son point d’équilibre stratégique. Sans aspirer à s’ériger en un quelconque modèle ou à exporter son « modèle démocratique », la Tunisie, du fait même de son existence en tant que démocratie en gestation, constitue une menace existentielle pour des acteurs étatiques et non étatiques dans son voisinage et au Moyen-Orient.

Par ailleurs, cette avancée démocratique est confrontée à une menace majeure : elle peut être compromise et remise en cause à tout instant du fait de la grave crise économique et sociale à laquelle est confronté le pays. Si cette crise n’est pas surmontée dans les meilleurs délais par une prise de conscience des élites politiques et économiques, l’expérience démocratique tunisienne échouera. En effet, crise politique se conjuguant à une crise économique et sociale inédite dans l’histoire de la Tunisie, exacerbation des tensions sociales sur fond de baisse significative du pouvoir d’achat, aggravation de la pauvreté et du chômage, notamment des jeunes, montée en puissance de logiques tribales, claniques et locales marquant une distanciation de plus en plus prononcée entre le peuple profond et les élites induisant une rupture de confiance envers l’Etat, la classe politique et ses institutions, jeunesse désœuvrée en perte de repères sur fond de délitement du secteur éducatif, pressions accrues exercées par les bailleurs de fonds internationaux, manque de visibilité et de stabilité institutionnelle, émiettement et recomposition de la scène politique marquée par des luttes intestines quant à la formation du prochain gouvernement au détriment de la sortie de crise du pays, crise institutionnelle paralysant le pays, absence d’une vision claire, globale et inclusive en mesure de fédérer l’ensemble des forces vives du pays autour d’un avenir partagé, risque sécuritaire incarné notamment par le terrorisme et le crime organisé transnational, poids de l’économie informelle et évolution dans un voisinage stratégique tourmenté, voire hostile, constituent autant d’éléments d’incertitude et de volatilité devant interpeller les autorités tunisiennes.

Il n’est plus concevable de gouverner comme par le passé. La longue transition tunisienne a directement contribué à l’affaiblissement de l’Etat, au relâchement de la discipline et du civisme, à la montée consécutive des revendications corporatives et régionales ainsi qu’au ralentissement économique. Les retards dans la lutte contre la corruption et contre les pratiques frauduleuses ont eu pour conséquence un inquiétant délitement de la cohésion nationale et un effritement du contrat social menant à de profonds questionnements quant à l’identité nationale, à l’enracinement des trafics et du crime organisé transnational sur fond de menace terroriste permanente, ce qui constitue autant de freins dans la stratégie de redressement politique et économique longtemps attendue et fermement promise par les gouvernements successifs. Troublée, la Tunisie a perdu ses repères. Les multiples résultats de sondages révèlent le profond pessimisme, l’impatience et la perte de confiance généralisée des citoyens en l’avenir. La restauration de l’autorité de l’Etat dans sa netteté et sa probité et le rétablissement de la confiance entre les autorités, les politiques et les citoyens s’érigent en impératif et en priorité. L’Etat se doit d’assumer son rôle central, qui reste à définir, et de répondre à l’angoisse et aux attentes du tunisien.

De la nécessité d’une stratégie

Dans ce contexte, l’analyse prospective et la culture de l’anticipation s’érigent en impératif de bonne gouvernance. En effet, décoder la complexité croissante afin d’orienter les politiques publiques et la prise de décision autour des questions stratégiques est un enjeu majeur de politique publique et de conduite du changement.

Cette réalité appelle un nouveau paradigme stratégique : lever les incertitudes, fixer le cap, affirmer une vision. La Tunisie a besoin d’un projet stratégique fédérateur, mobilisateur, inclusif et résolument moderne afin de transcender les crises qui l’entravent et menacent la pérennité du processus démocratique. La conjoncture nationale, régionale et internationale appelle un sursaut, dicte un changement d’attitude et d’état d’esprit. Pas de relance sans lucidité et ambition mais pas de stratégie possible sans liberté et autonomie d’action. Il s’agit d’être en mesure de donner du sens à l’avenir pour mieux éclairer l’action présente et proposer une stratégie permettant la matérialisation d’une vision pour le pays.

[1]

Afin de surmonter les obstacles et les divers écueils, il convient, avant toute chose, d’élaborer des scénarios de sortie de crise, d’identifier les leviers de l’avenir et de mobiliser l’ensemble des forces vives de la nation autour d’une stratégie fédératrice sur les plans politiques, économiques, sociaux et culturels. Les atouts de la Tunisie doivent être valorisés afin de faire face aux risques, de juguler les menaces et d’initier une dynamique vertueuse de changement. En définitive, il s’agit de mobiliser l’expertise et le savoir au service de l’action présente tout en forçant le destin, en provoquant les changements souhaités tant au niveau des politiques publiques que de l’ensemble des forces vives de la nation et du citoyen afin d’ancrer la Tunisie dans la modernité de son temps. La dynamique du vouloir et le volontarisme stratégique doivent être au cœur des décisions politiques.

A ce stade, la révolution opérée par les urnes révélant la rupture entre le peuple profond et le système profond ne semble pas entendue par une classe politique autiste et prisonnière de luttes intestines pour la sauvegarde ou la conquête du pouvoir sur fond de généralisation, telle une pieuvre, de la corruption, du népotisme et d’une culture de la médiocratie. Ce sursaut, s’il n’est pas entendu, risque à tout instant, à la faveur d’une étincelle, d’allumer un brasier social aux conséquences incalculables et imprévisibles quant à la stabilité de la Tunisie. L’avenir et la pérennité du processus démocratique sont en jeu.

Une Tunisie fracturée, troublée et sans boussole : les défis à relever

La Tunisie est travaillée par des lignes de fracture et de vulnérabilités offrant autant d’opportunités aux acteurs intérieurs et extérieurs aspirant à une déstabilisation du pays et à l’avortement du processus démocratique. A titre illustratif, nous pouvons citer :

La confiscation de ressources stratégiques du pays, à l’instar du phosphate, puis du pétrole et très probablement à l’avenir de l’eau, portant gravement atteinte à l’économie nationale, révèle l’accumulation de frustrations et de tensions locales et régionales issues de la volonté d’une élite et des gouvernants de préserver à tout prix le modèle économique héritée de Carthage. De manière schématique, ce modèle est fondé sur l’accaparement, à moindre frais, par les régions côtières tournées vers la mer et donc la richesse, des ressources humaines et des richesses du « hinterland » tunisien. Toutes les politiques engagées depuis la révolution de 2011, qui fut un coup de tonnerre et un signal d’alerte, n’ont œuvré qu’à sauvegarder ce modèle moyennant quelques ajustements de façade. N’est-il pas temps de songer à l’élaboration d’un nouveau modèle de développement économique rompant avec le passé, préservant le système tout en répondant aux enjeux et défis du présent et de l’avenir ? Une vision prospective globale s’impose plus que jamais. Une véritable réflexion de fond, sans dérobade et sans tabous, devra être menée avec lucidité et pragmatisme. Dans un monde caractérisé par son affolement et son imprévisibilité, il s’agira, non pas de « rafistoler les modèles du passé », mais d’innover, de penser et réfléchir autrement sans pour autant « renverser la table ». La bascule dans l’inconnue est sans lendemain.

La montée en puissance des trafics en tous genres et du crime organisé transnational, en mesure de s’assurer de solides relais locaux, a abouti à la cristallisation d’une ligne horizontale, contrastant avec la verticale caractérisée par nos relations à l’Union Européenne, reliant la frontière libyenne à la frontière algérienne. Cette ligne virtuelle brisant en deux la Tunisie est caractérisée par la généralisation des trafics et de l’économie informelle échappant ainsi, dans une grande mesure, au contrôle de l’Etat sur le plan économique. Dès lors, nous assistons à un renversement de souveraineté économique qui pourrait ouvrir la voie, à la faveur du jeu d’acteurs internes et des stratégies malveillantes d’acteurs externes, à un renversement de souveraineté politique. La carte électorale des dernières élections confirme le clivage Nord-Sud et régions côtières et hinterland déjà constaté lors des élections de 2014. La cohésion et la souveraineté nationales sont plus que jamais exposées à de multiples risques et menaces. Toute dynamique de fragmentation du tissu social et économique tunisien et d’affaiblissement du pouvoir de l’Etat doit être rapidement contenue et « étouffée dans l’œuf » ;

L’aveuglement et les luttes intestines de la classe politique tunisienne frôlant l’indécence face à un peuple de plus en plus impatient révèlent une crise ou un fourvoiement de la démocratie naissante en Tunisie ;

La constitution de 2014 ayant abouti à un régime de partis a épuisé ses vertus. Le fonctionnement des institutions, notamment centrales, ne peut permettre, en l’état, d’initier les réformes indispensables au redressement économique et social du pays. Trois pilotes dans un avion en perdition n’ont jamais été en mesure d’éviter le crash. La Tunisie, ingouvernable à l’image de la IVème République française, navigue ballotée au gré des vagues, sans vision, ni cap. Une réforme de la constitution de 2014 et de la loi électorale s’érige en priorité nationale absolue ;

L’incapacité des dirigeants depuis janvier 2011 à construire une vision d’avenir conjuguée à des scénarios de sortie de crise suffisamment inclusive et fédératrice pour insuffler un élan national permettant d’amorcer une dynamique vertueuse de sortie de la crise économique et sociale hypothèque l’avenir du pays. Au contraire, l’aggravation de la pauvreté et du chômage, la détérioration du pouvoir d’achat d’une classe moyenne de plus en plus paupérisée, ont ébranlé la confiance du peuple envers ses dirigeants. L’attente est devenue inacceptable et insupportable face à une classe politique se limitant à énumérer une série de promesses non tenues. Certains n’ont pas pris la juste mesure du fossé grandissant aboutissant ainsi aux résultats des élections présidentielles et législatives marquant le réveil du peuple profond aspirant à être étroitement impliqué dans le processus décisionnel au risque de « renverser la table ». L’appel à la dignité, le « dégagisme », le succès du slogan « le peuple veut », l’aspiration à la justice et à la lutte contre la corruption s’inscrivent dans cette dynamique de fond. Le peuple profond n’est plus disposé à tergiverser et s’impatiente. Pire, certains perdurent dans leur aveuglement coupable ou feignent de ne rien voir, l’essentiel étant de demeurer au pouvoir. Pourtant, si « la table est renversée », la Tunisie s’expose à des lendemains obscures scellant le sort de la transition démocratique ;

Une jeunesse désœuvrée et sans perspectives d’avenir prenant de plus en plus ses distances avec la classe politique, les institutions de l’Etat, l’Ecole, l’Université et les référentiels classiques pour opter soit pour « les paradis artificiels », soit les terres du jihad, soit les théories révolutionnaires ou anarchistes. L’incapacité à ériger cette jeunesse au cœur des politiques publiques en lui ouvrant des perspectives d’avenir et en lui redonnant foi et espoir en sa patrie, tels sont les éléments non exhaustifs justifiant son attirance pour les mouvements extrémistes, qu’ils relèvent du divin ou de l’anarchisme. « A 20 ans, ne croyons-nous pas que nous sommes en mesure de refaire le monde, de renverser la table ? ». Cette dynamique dopée par la formidable puissance des outils de la révolution numérique et digitale conjuguée aux subtiles théories de manipulation des foules va continuer à redessiner la carte socio-politique tunisienne au risque de nous exposer à de profondes ruptures susceptibles de menacer la transition démocratique et la sécurité nationale du pays ;

Sommes-nous en mesure d’apporter une réponse sans ambiguïté à cette interrogation qui constitue le socle de la nation tunisienne : « qu’est-ce qu’être tunisien aujourd’hui ? ».Quel récit national avons-nous en partage ? Ce récit national constitue le substrat et la colonne vertébrale de la nation tunisienne. Un épais brouillard l’enveloppe progressivement dans l’indifférence des uns et les certitudes trop ancrées des autres. Le résultat des élections ne fait que révéler l’épaisseur grandissante de ce brouillard jetant un trouble sur l’identité du tunisien. Dans ce contexte, de nouvelles formes de contestation émergent et bousculent les schémas traditionnels en optant pour des modalités d’expression et d’action s’affranchissant des cadres traditionnels. « L’archipellisation des sociétés » marquée par l’effritement du référentiel commun et l’atomisation du corps social est une dynamique planétaire qui vient de frapper durement la jeune démocratie tunisienne en gestation. En géopolitique, un concept est au cœur de toute analyse : le concept de représentation, c’est-à-dire, la manière dont un acteur local ou international perçoit son environnement, se le représente, défend une thèse et ses croyances, etc. Quelles sont les représentations portées par la jeunesse tunisienne ? Pourquoi un tel vote ? Quels sont ses ressorts ? Est-ce une dynamique de fond et durable marquant une rupture ? Il conviendra d’être en mesure de décortiquer tous les éléments qui composent ces représentations, leur articulation, la manière dont elles sont utilisées, leurs perspectives d’évolution dans la dynamique d’une rivalité de pouvoir s’installant durablement sur le territoire tunisien. Un observatoire de la jeunesse fédérant l’ensemble des acteurs impliqués devrait être mis en place afin de répondre efficacement à ces interrogations ;

L’agriculture, l’industrie, la révolution numérique et digitale et son corollaire l’innovation scientifique et technologique, la lutte contre la corruption, l’économie informelle, le pouvoir d’achat, les inégalités régionales, la santé, l’Ecole, le transport, l’édification d’une nouvelle politique étrangère multivectorielle prenant acte des bouleversements régionaux et planétaires, une politique de défense et de sécurité répondant aux défis du présent et de l’avenir, la réforme de l’administration et des institutions, etc. constituent autant de chantiers prioritaires. Il s’agit de libeller les priorités. Une certitude : nous ne pouvons pas manquer « le train » de la quatrième révolution numérique et digitale au risque de disparaître. Parallèlement, des Tunisiens ne mangent pas à leur faim, vivent en dessous du seuil de pauvreté dans des conditions précaires et inacceptables : la stratégie sera l’art de conjuguer ces contraires et ces impératifs paraissant inconciliables. 

La Tunisie de 2020 est complexe, fragmentée, contradictoire, contrastée et marquée par de profonds clivages[2]. Face à cet état de fait, les grilles d’analyse simplistes s’avèrent réductrices et dangereuses. Il convient de plonger dans notre complexité en valorisant les études stratégiques, seules à même, via les approches participatives et inclusives associant les forces vives du pays, d’apporter les éclairages qui font défaut. Il nous appartient de « casser les modèles mentaux », tout en sauvegardant le système, et de bâtir, en impliquant l’ensemble des forces motrices du pays, une vision stratégique d’avenir pour la Tunisie suffisamment innovante, fédératrice et inclusive, pour insuffler un élan national vertueux brisant les idéologies révolutionnaires nihilistes tout en rompant avec le passé. Redonner espoir à la jeunesse tunisienne devra également être érigé en axiome dominant.

La Tunisie doit « entrer en stratégie »[3], cultiver et diffuser la pensée stratégique et prospective. Compte tenu de la situation présente, plus que jamais « gouverner, c’est prévoir ». Stratégie, prospective et vision combinant les impératifs du court et du moyen terme doivent guider la gouvernance et les politiques publiques. Il n’est plus acceptable de naviguer au gré des vagues et de gérer au jour le jour dans l’urgence en subissant les évènements. Plus que jamais, il convient d’anticiper les crises ou opportunités par la valorisation de l’attitude prospective et de l’anticipation opérationnelle en privilégiant la pro-activité. Soit nous sommes maîtres de notre destinée, des acteurs de l’Histoire, soit nous n’en sommes que des objets manipulés par d’autres. Comme le souligne le Général Vincent Desportes, « la stratégie naît d’un besoin, d’un désir d’avenir : elle est une nécessité émergeant d’une situation. Je rentre en stratégie car je sais ne pas pouvoir me contenter de ce que je suis aujourd’hui, sauf à accepter le dépassement puis la disparition dans un monde qui évolue constamment. Cela suppose d’avoir une vision de long terme et de bien comprendre que dans notre monde moderne extrêmement volatile, si vous restez sur place vous disparaissez »[4].

En Tunisie, l’Institut Tunisien des Etudes Stratégiques, devrait assumer pleinement cette mission de Vigie, d’incubateur de la réflexion stratégique et prospective, de pivot d’élaboration des politiques publiques du présent et de l’avenir en prenant de la hauteur par rapport aux contingences dictées par la gestion des crises dans l’urgence. L’institut devrait permettre le rayonnement de la pensée stratégique et prospective dans le pays en impliquant les ministères, les universités, les Hommes d’affaires, les acteurs sociaux et la société civile afin de valoriser une réflexion participative et inclusive fédérant autour d’une vision d’avenir vertueuse et portée par tous. La Tunisie, perdue, troublée, sans boussole, au bord du précipice, a besoin d’un cap, d’une vision traçant le chemin d’une sortie de crise et ciblant un scénario normatif souhaitable à l’horizon 2030.

[5]

Plus précisément, une double vision prospective s’impose : une étude fondée sur le moyen terme, dégageant des scénarios de sortie de crise à activer immédiatement et des orientations stratégiques permettant la matérialisation d’une vision pour le pays à l’horizon 2030. L’étude déjà menée au sein de l’ITES, « La Tunisie en 2025 », certes perfectible et devant être actualisée, pourrait constituer un excellent point de départ. A ce stade, elle demeure inexploitée. Une seconde étude valorisant l’approche exploratoire devra s’interroger sur la Tunisie que nous souhaitons à l’horizon 2050 ? Quels sont les faits porteurs d’avenir, les signaux faibles à ne pas manquer ? Quels sont les enjeux et défis de l’avenir ?, etc. Ainsi, seraient articulés les impératifs du court terme (2030) et du moyen terme (2050). A cet effet, il convient de libérer les initiatives et de créer des espaces de dialogue et de liberté. Je finirai sur cette phrase : « n’oublions pas que la première logique de l’univers stratégique, c’est la logique du grain de sable ! ».     

                                                                                                                                                                         

                                                                                                                                                                                                                                      Mehdi Taje

Expert senior en géopolitique et en prospective

Directeur de Global Prospect Intelligence

 



[2]Pour de plus amples détails, lire l’excellente tribune de Mustepha Benchenane, RDN, « Les Tunisiens ne s’en sortiront pas tout seuls », tribune N°1123, 4 novembre 2019.

[3] [3]« La Faiblesse des démocraties, c’est le court terme », Général Vincent Desportes, Thomas Romanacce, Capital, 22 novembre 2019, consultable au lien suivant : https://www.capital.fr/economie-politique/general-vincent-desportes-la-faiblesse-des-democraties-cest-le-court-terme-1355934.

[4]« La Faiblesse des démocraties, c’est le court terme », Général Vincent Desportes, Thomas Romanacce, Capital, 22 novembre 2019, consultable au lien suivant : https://www.capital.fr/economie-politique/general-vincent-desportes-la-faiblesse-des-democraties-cest-le-court-terme-1355934.

23/01/2020 | 12:17
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Commentaires
MH
Je n'ai pas lu l'article
a posté le 24-01-2020 à 08:58
Pour deux raisons:
1- article trop long, ne donne pas envie à lire (voir commentaires ci-dessous). C'est un article d'études et pas de journalisme.
2- J'ai déjà lu une fois cet auteur, trop dans le sentiment, trop optimiste. Aucun intérêt.
Mes deux raisons ne sont pas valables. J'aurais dû faire l'effort, mais je ne l'ai pas fait.
Pseudo-Intello
IHEDN
a posté le 24-01-2020 à 07:29
Analyse faussée par la trop grande proximité culturelle et référentielle de l auteur avec la pensee et le modèle francais. C"est le tord de beaucoup "d intellectuels,de journalistes, voire d"animateurs de plateaux TV- n est ce pas myriam belkadi et Lotfi-) tunisiens.A quant cette indépendance la?
Tunisien
Rendre l'article plus attirant
a posté le 24-01-2020 à 03:44
Analyse très réaliste et mérite d'être lue par quiconque devant assumer une responsabilité, mais noyée dans un texte trop long .

Je suggère qu'elle soit publiée de nouveau sous la forme de trois articles.

Il est aussi souhaitable d'illustrer vos dires par plus de cas concrets et des solutions réalisables à court terme, cas de la récolte des olives, le phosphate, le lait etc...
Xnergie
Concision
a posté le 23-01-2020 à 15:25
Je souhaiterais que Mr Taje reprenne cet article pour le réécrire de manière plus condensée et avec des propositions plus tangibles, plus directes et exécutoires.
DHEJ
Est-ce que Elyes a 20 minutes pour lire cet article?
a posté le 23-01-2020 à 13:51
Mais entre des TWANSA WNOSS tout est possible!
Achille
Trop long et trop moche a lire
a posté le 23-01-2020 à 13:48
Pour quoi nous balancer comme ça un texte aussi long et mal géré a lire, de 20 min et plus ?
C'est pas sérieux franchement de faire ça, on a ni l'envie, ni le temps de s'atteler a la lecture d'un pavé d'article d'une opinion propre a monsieur x.
Allez a l'essentiel, et aérez le texte en petits paragraphes, c'est un manque de respect de faire ça, et un manque de professionnalisme et d'intelligence et de modernité !

C'est asphyxiant, c'est moche, c'est lourd, c'est chiant, c'est vieux !

La police employé, les blocs de texte bourrés de phrases inutiles et lâché comme ça sans aération des paragraphes, écrire en noir gras pour souligner l'important prouve que c'est un texte bourré d'inutilité !

Je ne lis pas des trucs comme ça, même un dimanche où je n'ai rien a faire de ma journée.

Arrêtez de faire ça svp, allez droit au but, quatres paragraphes suffisent pour tout dire, ayez des couilles ! droit au but, arrêtez de tourner autour du pot, arrêtez la masturbation intellectuel.