alexametrics
vendredi 29 mars 2024
Heure de Tunis : 10:36
SUR LE FIL
La Tunisie enfermée dans le vote sanction
Latif Ikhlas
22/07/2022 | 1
min
La Tunisie enfermée dans le vote sanction
{legende_image}

 

« L’exigence de lucidité doit primer sur l’envie d’être heureux », disait tout récemment André Comte-Sponville dans un entretien accordé à Philosophie magazine. En ce moment, en Tunisie, le mirage d’un bonheur potentiel, qui découlerait d’un « oui » glissé dans une boîte scellée, semble l’emporter sur toute lucidité. Le discernement a quitté la scène, la clairvoyance a tout bonnement fichu le camp. 

 

Inaudibles sont ceux qui ont su garder la tête froide et les idées claires face aux événements. La perte de repères était compréhensible il y a de cela quelques mois, mais là il ne peut plus s’agir que de déni, que d’un mécanisme de biais de confirmation à grande échelle. Le désespoir généré par les péripéties des dix dernières années pousse les Tunisiens à s’accrocher à l’espoir d’un bonheur incertain, vendu sous forme de constitution. Le désespoir, la haine, la peur, la vengeance, la joie mauvaise… ce sont les émois et non pas la raison qui vont définir l’avenir des générations futures, l’avenir d’une nation. 

C’est ainsi que tous les indicateurs tendent à dire que le résultat du référendum est couru d’avance pour le « oui ». Indépendamment du fait que le pouvoir se soit mobilisé pour mettre toutes les chances de son côté, la psychose d’un retour à l’avant 25 juillet, disséminée par les explicateurs, sera déterminante. Il faut dire aussi qu’une infime minorité des personnes qui voteront « oui » a consulté la constitution et est convaincue par le projet présidentiel. Le fait est que la majorité des apôtres du « oui » n’en a rien à faire du contenu de la constitution, rien à cirer des analyses et des détails juridiques barbants. La majorité est imperméable aux arguments, pourtant rationnels, démontrant le danger du projet pour l’intégrité de l’Etat et les acquis de la nation. Elle est insensible au fait que ce projet ouvre la voie à une nouvelle dictature, pas forcément sous un Kaïs Saïed, mais un successeur plus malin qui saura en tirer profit. Les quelques lucides qui ont su rester à équidistance entre les mauvais acteurs de l’avant et de l’après sont les pestiférés de la tragi-comédie qui se joue sous nos yeux. 

 

La majorité n’a pas lu le projet de constitution. Elle ira voter pour adouber le président de la République et son entreprise d’anéantissement. C’est un vote sanction contre le système foireux d’après révolution, un vote sanction contre une classe politique qui a échoué et dans son échec a mis la démocratie en porte-à-faux. Une partie de la classe politique qui a laissé la brèche ouverte pour que le populisme le plus basique s’y introduise et prolifère. 

Qu’on lui dise que le président tire profit de cette situation pour instaurer sa propre vision étrange du pouvoir, qu’on lui montre tous ces hurluberlus d’explicateurs déblatérer des absurdités, qu’on lui présage le règne de la médiocratie, qu’on lui prouve par a+b que l’économie continuera à s’enfoncer… rien n’y fait. Ça voterait « oui » même sur un torchon vide. Un chèque en blanc. 

Le troupeau a toujours suivi l’attrait d’un pâturage verdoyant qu’on lui fait miroiter, avant de tomber des nues en découvrant le bourbier dans lequel il s’est piégé, l’étendue de la mascarade et de la désolation dans laquelle il s’est mis. Ce n’est pas nouveau. L’histoire politique récente de la Tunisie en est la preuve. Des marchands de religion ont bien vendu le paradis aux électeurs avant de les rouler dans la farine. Un ersatz de Bourguiba est venu après leur vendre l’éviction des premiers, re-roulage dans la farine. Un mec ‘sexy’ a débarqué en faisant marchandise de la misère et en promettant d’évincer tous les autres, re-re-roulage. Survint alors Kaïs Saïed et son offre de rupture totale, de destruction complète. L’offre la plus attrayante d’entre toutes. Le troupeau a suivi, le reste de l’histoire est en cours d’écriture. 

 

A ce stade, plus rien ne fera arrêter la marche inexorable vers le « oui ». La partie est réellement finie avant même d’avoir commencé. Qu’on s’insurge contre un article 5 qui consacre une idéologie réactionnaire et rétrograde, qu’on critique le déséquilibre entre des pouvoirs transformés en fonctions, qu’on dénonce les superpouvoirs octroyés au chef de l’Etat, qu’on condamne la mise au pas de la justice, qu’on relève les défaillances et les travers présidentiels… ça ne changera que dalle. 

Est-ce à dire que Kaïs Saïed est un grand stratège politique ? Il n’en est rien. Le professeur-président a su alimenter une haine qui n’attendait qu’à s’exprimer. Face à des détracteurs de tous bords (certains discrédités d’office, d’autres rendus inaudibles) qui ne s’accordent pas sur un boycott ou un « non », le monsieur profite de la confusion. 

 

Au final, il y aura un 26 juillet. Que la constitution passe ne changera en rien le quotidien du citoyen. Il continuera à attendre que sa situation s’améliore, qu’il mange à sa faim, qu’il trouve du travail, que son pouvoir d’achat se renforce, qu’il puisse se soigner et éduquer ses enfants décemment… L’adoption de la constitution, présentée comme étant la solution à tous les maux de la société, n’est qu’imposture. 

Si après tout ce tapage et ces promesses le citoyen venait à se rendre compte que sa situation ne s’est en rien améliorée, la vague de mécontentement n’en serait que plus violente. Une constitution, ça ne remplit pas les ventres affamés.

Latif Ikhlas
22/07/2022 | 1
min
Suivez-nous
Commentaires
B. Chaabane marouane
Valorisation
a posté le 24-07-2022 à 18:23
Un régale de lire notre chère journaliste Ikhlas Latif fond et forme Merci pour votre continuité
Warrior
despote à vie ............................................
a posté le 24-07-2022 à 14:40
connaissez vous dans une dictature, un référendum se terminer par NON ?
moi, pas .
WAKE UP !!
Gg
Vous avez compris!
a posté le 23-07-2022 à 14:20
"Le désespoir généré par les péripéties des dix dernières années pousse les Tunisiens à s'accrocher à l'espoir d'un bonheur incertain, vendu sous forme de constitution."

Ben voilà, vous avez compris. Vous n'en donnez pas l'air, chez BN, mais vous avez compris!
Et autrement, voyez vous autre chose à quoi s'accrocher, à essayer?
zozo
Bon,Ikhlass,tu ne nous as toujours......
a posté le 23-07-2022 à 08:41
Bon ,Ikhlass ,pour toi c'est évident le OUI va l'emporter,et puisque tu parles de ce fameux article 5 ,tu ne nous as toujours pas dit de quelle couleur sera ton ensemble Tchador+ Foulard?
Dommage,car ton ancien portrait sur @BN nous convenait parfaitement.
Naim
Arrêtez de nous prendre pour des débiles.
a posté le 23-07-2022 à 08:26
Comment ne voulez pas sanctionner les khwamjias et leurs soutiens. Voici Dix années qu'on souffre les martyres. Et merci de nous rappeler que c'était pas votre cas surtout en s'alignant au dictat des khwamjias. '?a paye bien.
Mustapha
Oui
a posté le 22-07-2022 à 23:21
Oui oui oui oui
Abidi
Prodige
a posté le 22-07-2022 à 23:16
Et bien sûr vous êtes là prodige l'élue qui seule à une vision claire et que tout les autres sont stupides,ton avis n'est pas une référence donc tu peux te le garder
Rabii Bannouri
Ce n'est pas de sa faute!
a posté le 22-07-2022 à 22:22
Bravo. Vous avez tout dit, comme il faut. Mais vos propos parviendraient-ils a reveiller quelques consciences, surtout celles ennivrees des promesses de jours meilleurs avec la nouvelle constitution. J'en doute fort. Celui qui, a mon avis, doit lire votre article et le mediter jusqu'au 25 juillet minuit est bien Kais Saied qui est le plus credule des credules et qui, par naivete politique, croit en son projet comme la panacee pour la Tunisie. Je le crois sincere et je le crois surtout naif, et surtout pas la place qui lui revient.
ASDE123
La pseudo elite pensante
a posté le 22-07-2022 à 19:14
il faut arrêter de prendre le peuple de haut, cette attitude hautaine , arrogante, méprisante en se plaçant comme étant une personne supérieure, ne marche plus
ASDE124
A vous alors!
a posté le à 22:46
Prenez alors le peuple par le bout que vous voulez et parlez lui mieux qu'a fait Mme Ikhlas. Faites le si vous en capable et si vous etes honnete. On vous attend.
Warrior
le despote vous trompe depuis le 25/7/21. ........................................................
a posté le 22-07-2022 à 17:42
le despote vous trompe depuis le 25/7/21.
Dr. Marzouki, le premier à annoncer ce coup, dès le 25/7, sur aljazeera.
d'abord suspension pour un mois, puis prolongation, puis "destour akalahu al himar" ...
sous pression des démocrates, il promet une feuille de choux.
une commission pour rédiger une nouvelle constitution. çà ne lui plait pas. il la bafoue pour la remplacer pas sa constitution, qui prévoit , inter alia: 2 mandats et plus si nécessaire.
bref la présidence à vie et héréditaire.
une référendum bidon. le résultat connu d'avance.
connaissez vous un référendum dans une dictature qui se termine par NON ?
Gg
Dr. Marzouki
a posté le à 14:48
"Dr. Marzouki ".... Hhhhhhhh
Ils sont tous docteurs, chez les frérots!
Warrior
et toi docteur en troll ? ........................
a posté le à 14:33
Dr. Marzouki est docteur en médecine, que çà te plaise ou pas. il a enseigné la médecine en tn et étranger . et toi docteur en quoi ?
Tiien
MABROUK alihom!
a posté le 22-07-2022 à 17:35
Lorsque la voix de l'ignorance s'élève, c'est de la sagesse que la voix de la raison se taise.
VIO
Ne donner aucune légitimation aux Putschistes!
a posté le 22-07-2022 à 16:57
Allez au référendum signifie légitimer le régime militaire putschiste actuel. Alors faites le 25/7 une belle journée auprès de votre famille à la plage ou à la maison !
SH
Et le mur?
a posté le 22-07-2022 à 16:54
Mme vous faites une analyse lucide et un constat désolant. J'aurai aimé vous voir aller jusqu'aux racines: le mur qui sépare depuis longtemps, les élites du peuple. Ces élites ne connaissent pas le peuple, ses attitudes, ses états d'ames et sa manière de voir et considérer le collectif et la gestion du bien commun. L'année 2011 a connu la chute du régime des Ben Ali-Trabelsi mais pas leur système qui perdure encore avec d'autres qui étaient leurs soutraitants et devenus après 2011, leurs sucesseurs le professionalisme en moins.