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Tribunes
La structure de la dette publique n’est pas neutre
28/09/2021 | 08:27
3 min
La structure de la dette publique n’est pas neutre



Par Ghazi Boulila*

*Professeur d'économie à l'Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales de Tunis (ESSEC)

 

La problématique relative à l’endettement public se pose depuis des décennies et a resurgi depuis quelques années au cœur des débats économiques et politiques. Si la part de la dette par rapport au PIB est d’autant plus préoccupante aujourd’hui, sa structure n’est pas neutre et pose des questionnements.

Le taux d’endettement tunisien représente actuellement 92% du PIB et dépasse les 100% si nous ajoutons la garantie de l'Etat pour les prêts accordés aux entreprises publiques. Contrairement à plusieurs autres pays où l’endettement dépasse les 100%, nous considérons ce chiffre comme énorme pour la Tunisie surtout que les perspectives économiques en termes de croissance et d’investissement ne sont pas bonnes.

Le taux d’endettement dépend du contexte économique du pays et c’est la raison pour laquelle, plusieurs pays ont un taux d’endettement qui dépasse les 100% mais ne sont pas inquiets par rapport à cette situation parce qu’ils continuent à faire de la croissance et à créer de la richesse. Généralement, un endettement au-delà de 100% n’est pas considéré comme un problème dans les pays avancés puisque les perspectives de développement sont positives contrairement à la Tunisie qui ne pourra plus payer ses crédits que via l’endettement pour absence de croissance, de production dans des secteurs dynamiques et d’exportations de biens et services.

En outre, le plus inquiétant c’est l'encours de la dette publique qui est composé à hauteur de 70% de la dette extérieure et à 30% de la dette intérieure et que le Gouvernement remplace les anciennes dettes par de nouvelles dettes. Ce mode de remboursement de la dette publique par de nouvelles dettes peut s’assimiler à ce que l’on peut appeler un jeu de Ponzi. Pire encore, on s’endette en devise pour dépenser en dinars dont principalement la rémunération des salaires des fonctionnaires.

Les autorités ont sollicité le marché extérieur parce que le taux d’intérêt ne dépasse pas les 2 à 3%, contrairement au marché intérieur où on s’endette avec un taux d’intérêt supérieur à 8%. Cependant, le coût financier sur le marché national même s’il est élevé, est nécessairement moins risqué en termes d’indépendance vis-à-vis des politiques étrangères, des bailleurs de fonds et de défaut de paiement. En plus, il ne peut qu’améliorer la soutenabilité de notre dette.

Dans ce contexte, il est important d’évaluer les relations d’arbitrage entre les coûts et les risques qui sont associés à différentes stratégies d’emprunt. Il est à signaler que le Maroc a choisi une structure de la dette tout à fait opposée à celle de la Tunisie c’est à dire 70% de la dette totale est intérieure et 30% de la dette totale est extérieure

Les gestionnaires de la dette doivent répondre principalement à plusieurs questions comme par exemple, quelle sera la structure de nos emprunts ? Quels seront les coûts et les risques des emprunts ? Faut-il choisir des emprunts à court ou moyen long terme ?

 

Les coûts sont calculés par la moyenne annuelle des charges d’intérêt exprimée en pourcentage de l’encours total de la dette. Alors que les risques sont mesurés par l’encours qui arrivera à échéance et devra être remboursé au cours d’une période sans aucune difficulté c’est-à-dire la dette est soutenable. On peut aussi ajouter une autre mesure de risque comme le degré de volatilité des frais d’intérêt et/ou le degré de variabilité du solde budgétaire de l’Etat imputable à la corrélation entre les coûts d’emprunt et l’évolution des recettes et dépenses publiques et autres comme les questions liées à la souveraineté.

Il est évident que la structure de notre dette a entrainé des risques élevés supérieurs aux coûts. Le risque augmente lorsque la monnaie nationale n’est pas une devise. On doit accumuler des devises pour rembourser la dette extérieure, alors que la dette intérieure est remboursée en dinars. Ainsi, la gestion de la dette publique devra être efficiente pour permettre de satisfaire les exigences d’endettement ou de remboursement sur la base d’une stratégie combinant de manière optimale les coûts et les risques.

 

 

28/09/2021 | 08:27
3 min
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Commentaires
Sadiki
Confusions
a posté le 03-10-2021 à 08:48
Evoquer les taux internationaux bas comme si notre endettement extérieur était un choix réfléchi nous mets déjà hors sujet.
2- l'endettement national exterieur est un endettement de consommation commerciale et non de développement et de création de richesses.
Dr. Jamel Tazarki
@Prof. Ghazi Boulila
a posté le 28-09-2021 à 12:43
Très Cher Compatriote, Prof. Ghazi Boulila

votre article est très intéressant à lire mais très superficiel et ne s'attaque pas aux vrais problèmes actuels de notre pays. Je cite quelques problèmes qui nécessitent des propositions:

a) D'ici la fin de l'année, nous devons rembourser 7,3 milliards de dinars
votre collègue Fatma Marrakchi Charfi écrivait: "D'ici la fin de l'année, nous devons rembourser 7,3 milliards de dinars dont deux milliards sous forme d'emprunts extérieurs [que faire?]'?'"

-->
Prof. Ghazi Boulila, proposez plutôt une réponse à la question de votre collègue.
-->
Voilà ce que j'ai proposé Récemment sur Business News TN:
je propose une suspension temporaire de la contrainte du remboursement de notre dette , c'est-à-dire de la contrainte des paiements avant la fin de l'année 2021.

le problème de non remboursement de notre dette à temps prévu est certes un problème de confiance, au fond c'est l'idée que notre parole donnée ou que les contrats signés devraient êtres tenus. --> Il est ainsi très important de protéger cette confiance.
-->
Nous sommes conscients de l'obligation du remboursement de notre dette pour que le système monétaire fonctionne à l'échelle l'internationale --> par contre nous demandons une suspension temporaire de la contrainte du remboursement de notre dette, c'est-à-dire de la contrainte des paiements avant la fin de l'année 2021.

--> Il est temps que l'on comprenne enfin que nous sommes arrivés à un un point / seuil ou le financement extérieur est devenu un obstacle à notre croissance économique. En effet, Il y a des études qui prouvent qu'après certains niveaux / charges de la dette l'effet sur la croissance économique devient négatif à cause du "debt overhang".

Bnous ne refusons pas de payer notre dette extérieure par contre nous demandons une suspension temporaire de la contrainte du remboursement de notre dette. En effet nous sommes provisoirement en défaut du paiement. --> de ce fait, nous n'allons pas parler avec le FMI et la banque mondiale afin d'avoir un nouveau crédit pour payer entre autres nos anciens crédits --> nous voulons plutôt discuter avec nos créancier de la possibilité de la suspension (et non pas annulation) temporaire de la contrainte du remboursement de notre dette, c'est-à-dire de la contrainte des paiements avant la fin de l'année 2021. --> Il nous faut éviter la politique d'endettement de notre ex-troïka...

-->
il ne s'agit plus de parler avec le FMI, La banque mondiale et nos créanciers pour les convaincre afin de nous accorder de nouveaux crédits --> non, on veut les convaincre de notre bonne intention de rembourser nos crédits mais avec un peu de retard et que cela ne devrait pas remettre en question notre relation avec nos créanciers à l'échelle internationale

-->
Je propose ainsi un autre esprit de discussion avec le FMI, La banque mondiale et nos créanciers que de s'affoler et nous dire que nous devons coûte que coûte procurer 8 milliards d'euros d'ici à la fin de l'année 2021 et ceci malgré tous les imprévus / conséquences de la pandémie du virus corona.


b) Votre collègue Mr. Yadh Ben Achour écrivait : '('?') '?a c'est du droit et de la politique. Je ne crois pas que ça va résoudre les véritables problèmes de la paupérisation du peuple tunisien ('?') '?a ne va pas donner du pain aux affamés'

Voilà ma réponse sur Business News TN:
Bien sûr qu'il faudrait améliorer d'abord l'environnement juridique et constitutionnel pour que le domaine socio-économique fonctionne.. Il nous faut d'abord des réformes qui ont surtout un caractère juridique et constitutionnel pour que le Tunisien retrouve sa confiance dans le système et puisse travailler et produire avec un grand enthousiasme afin de garantir du moins l'autosuffisance --> La place accordée à la confiance entre Tunisiens et dans le système est conditionnée par le cadre institutionnel (au sens de North, 1990), c'est-à-dire par les règles du jeu comme le précisent Coleman (1990) et Williamson (1993).
-->
La contrainte institutionnelle qui encadre les calculs (d'intérêts) individuels est indispensable afin de garantir le bon fonctionnement du domaine socio-économique --> il faut améliorer l'environnement légal et réglementaire afin de mettre la Tunisie socio-économique en marche / fonctionnement. --> la confiance entre les individus et dans le système est indissociable du cadre institutionnel.


c) L'autosuffisance alimentaire,
Il faut comprendre que nous devrions encourager l'agriculture urbaine (sur nos toits) car la Tunisie n'a pas suffisamment de terres fertiles afin de nourrir 12 millions de Tunisien. Je produit des dizaines de Kg de Pommes de terre sur mon balcon en Allemagne, ceci seulement avec les bourgeons comme semence (j'expérimente à la recherche d'une solution d'autosuffisance pour la Tunisie)

Très Cordialement,
Dr. Jamel Tazarki, Mathématicien
ghazi.boulila@planet.tn
Réponse
a posté le à 19:56
Merci cher collègue pour votre réaction, l'objectif de la note est de montrer que la Tunisie est trop endetter auprès de l'étranger. La structure de notre dette n'aide pas le pays pour la croissance. Il est important de revoir cette structure. C'est vrai le risque de défaut de payement est réel, il y a toujours des solutions. La BCT et le ministère des finances ont la solution. Le coût sera une hausse des prix et une dévaluation du dinar.
Dr. Jamel Tazarki
@Prof. Ghazi Boulila
a posté le à 20:27
Très Cher Compatriote, Prof. Ghazi Boulila,

Merci pour votre Feedback, je voudrais résumer dans la suite l'historique de notre dette intérieur d'après 2011 et de faire ainsi un lien avec votre idée de sa structure

L'état tunisien au temps de notre ex-troika a injecté explicitement (recapitalisation) et implicitement (des baisses d'impôts et des dépenses publiques) autour de 10 milliards d'euro dans un système bancaire partiellement oligarque, et dans des entreprises qui appartiennent à ces banques.

http://www.businessnews.com.tn/oxford-business-group-presente-le-programme-de-reforme-du-systeme-bancaire-tunisien,520,66109,3

Et que ce n'est pas fini --> ce même etat tunisien du temps de notre ex-troïka a pris un emprunt intérieur à un taux de 8% auprès de ceux qu'il a auparavant recapitalisés avec l'argent du contribuable. --> Voilà, comme si je vous offre 10 milliards d'euros et deux semaines après je sollicite un emprunt auprès de votre personne à un taux de 8% :))

Et que ce n'est pas fini --> ce même etat tunisien du temps de notre ex-troïka a accordé un emprunt à un taux de 2% à notre système bancaire (oligarque) . --> Et maintenant, retenez votre souffle: et une semaine après ce même etat tunisien du temps de notre ex-troïka va rechercher l'argent qu'il a emprunté à un taux de 2% à 8% --> Voilà, comme si je vous prête de l'argent à un taux de 2% et vous me le prêter deux jours après de nouveau à un taux de 8%


Certes Il est très important de revoir la structure de notre dette, mais il est aussi très important de ne pas refaire les mêmes fautes de notre ex-troika. --> Et en ce point je donne raison au Président de la République Mr. Kais Said: il nous faut d'abord définir une vision intelligente du prochain gouvernement... Malheureusement, la majorité de nos politiciens ne voient de solutions qu'à travers un nouveau endettement et la recapitalisation gratuite de nos entreprises --> on risque de refaire les mêmes fautes de notre ex-troika.

Très Cordialement

ghazi boulila
répose
a posté le à 21:54
Vous avez tout compris, la structure de la dette n'est pas neutre