La grande maison se vide !
Par Marouen Achouri
Il est indéniable que la société tunisienne a vécu, et vit encore, une perte de repères sans précédent. Les valeurs de respect, de travail, d’intégrité et d’honnêteté ont été rudement mises à mal durant les sept dernières années. Les plus optimistes espéraient une sortie par le haut dans un chemin qu’auraient pavé les hommes politiques, les hommes de culture et l’élite de manière générale.
Non seulement ce fol espoir a très vite atteint ses limites mais ce sont nos politiciens qui innovent dans la mauvaise foi et dans le mensonge. A cause de ses ambitions égoïstes et de son obstination à garder le pouvoir, le fils du président de la République, Hafedh Caïd Essebsi, a détruit le parti Nidaa Tounes. Inutile de revenir sur les détails et sur le processus qui a amené à cela, sous l’œil bienveillant et protecteur de Béji Caïd Essebsi. Mais aujourd’hui, on se retrouve dans une situation inédite : Un parti qui gagne les élections en 2014, et qui finit à l’opposition en 2018 ! Les écoles de sciences politiques du monde entier devraient dépêcher des experts et étudier les anomalies de cette scène politique. De l’autre côté, nous avons un chef de gouvernement désigné à la surprise générale il y a deux ans et qui est aujourd’hui en guerre ouverte avec la présidence de la République et avec son parti d’origine Nidaa Tounes. Et pour assurer ses arrières et faire avancer sa politique, il s’est construit un bloc parlementaire ! Donc chez nous, être à la tête du bloc parlementaire majoritaire ne garantit pas d’accéder à la présidence du gouvernement. Par contre, il est possible d’être chef de gouvernement et de se faire un bloc parlementaire. C’est tout simplement prodigieux.
Evidemment, dans cette scène mouvante, il y a une guerre de positionnement et de survie. L’inénarrable Khaled Chouket se targue du fait que son parti, Nidaa Tounes, va se retrouver dans l’opposition et promet que « des masques vont tomber ». Une promesse dite et redite et personne n’y croit plus. D’autant plus qu’il risque d’y avoir énormément de boulot pour faire tomber tous les masques chez Nidaa Tounes. Entre les anciens qui sont là sans trop savoir pourquoi, les repris de justice qui croient que leur allégeance à Hafedh Caïd Essebsi leur offre une immunité et les revenants qui enchainent les échecs et qui ont flairé une occasion de se positionner, Nidaa Tounes ressemble plus à un gang qu’à un parti politique. Ils parlent tous de vérité, de discours franc et d’honnêteté sauf qu’aucun d’eux n’est capable d’évoquer la responsabilité directe et indéniable du président de la République, Béji Caïd Essebsi. Pourtant, c’est lui qui a décapité le parti en début de mandat, c’est lui qui a laissé faire les événements de Hammamet, c’est lui qui a laissé faire ce qui s’est passé lors du congrès de Sousse en dépêchant son poulain de l’époque, Youssef Chahed, à la tête de la « commission des treize », et c’est lui qui a encouragé et protégé son fils pendant que celui-ci cassait le parti. Que l’un des membres de Nidaa dise cette vérité et on y croira peut-être.
Plusieurs membres de Nidaa Tounes ont récemment démissionné de ce parti, dont l’un de ses plus farouches défenseurs Wissem Saïdi. Ça leur a valu la déclaration élégante de Chouket (encore lui) qui a dit que le « rats quittaient le navire ». C’est dire si l’élégance, la politesse et la courtoisie sont dans l’ADN de ce parti. Ils ne semblent pas être au courant que l’homme politique doit être exemplaire pour ensuite mériter la confiance des électeurs. Pire encore, ils sont dans des chamailleries de bas étage. Mais n’oublions pas qu’absolument aucun d’eux ne s’est frotté au véritable et ultime exercice politique : le suffrage universel. Très forts en théorie et nuls en pratique, on peut douter qu’ils puissent gagner ne serait ce qu’une élection de chef de classe…