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Inkyfada dans la tourmente des Panama Papers
05/04/2016 | 18:00
7 min
Inkyfada dans la tourmente des Panama Papers

 

Le site Inkyfada voulait faire parler de lui en révélant le premier les noms des Tunisiens cités dans le scandale des Panama Papers. La première révélation fut un flop, suivie d’un démenti. La deuxième n’a pas connu un meilleur sort et a été démentie par le site qui a évoqué le piratage…

 

 

Associé à des journaux internationaux de renom dans l’affaire des révélations de Panama Papers, Inkyfada a promis moult révélations sur un nombre de Tunisiens impliqués dans cette affaire. Le teasing a bien marché tout au long de la journée du lundi et les internautes n’arrêtaient pas d’actualiser le site pour lire les noms qui y sont révélés et crier, naturellement, au scandale. 

C’est très tard dans la soirée du lundi 4 avril 2016 que le premier article est enfin pondu et la déception des lecteurs avec. Ceux qui s’attendaient à une liste de noms devront attendre la suite du « feuilleton journalistique ». Et l’article en question ne révèle rien de compromettant et, pire, il ne donne aucune preuve sur l’implication de la personnalité politique épinglée, Mohsen Marzouk en l’occurrence. 

 

L’ancien directeur de la campagne de Béji Caïd Essebsi aurait envoyé un mail à Mossack Fonseca pour tenter de constituer une société offshore pour “détenir des placements financiers et s’engager dans des affaires à l’international”. Le mail est-il authentique ? Appartient-il vraiment à Mohsen Marzouk, l’homme politique ? Quelles sont ses motivations au cas où c’est bien lui ? Sachant que la période d’envoi du mail correspond au pic de la campagne présidentielle, le doute sur l’authenticité de ce mail est bien permis. 

Toujours est-il que le site qui s’est toujours targué d’être le spécialiste en investigation n’a rien investigué sur l’authentification et n’aurait même pas pris la peine de téléphoner à l’intéressé, ni à son équipe. Les journalistes ont simplement envoyé un mail (à la même adresse du mail non authentifié) sans recevoir de réponse. 
Mardi en milieu de journée, l’intéressé réagit officiellement avec un démenti catégorique et une promesse de traduire Inkyfada en justice pour diffamation, ainsi que tous les médias qui ont repris, sans vérifier, l’information. Il enfonce le clou en indiquant avoir pris contact avec des journalistes étrangers faisant partie des journalistes d’investigation liés à l’affaire et ils lui auraient affirmé que le nom de « Mohsen Marzouk » n’existe même pas dans leurs fichiers !

 

Au cours de la matinée du mardi 5 avril 2016, le site publie un deuxième article, tout petit cette fois-ci, sur l’implication de l’ancien président Moncef Marzouki. A en croire le contenu, l’ancien président de la République aurait placé 36 millions de dollars dans un compte panaméen, capitaux qu’il aurait reçus depuis le Qatar. 
L’information est impossible à croire vu que l’on peut accabler Moncef Marzouki de 1001 maux, mais pas d’une chose aussi grossière, surtout qu’il se sait épié dans ses moindres faits et gestes, aussi bien par ses compatriotes que par les étrangers. Contrairement à Mohsen Marzouk qui a laissé planer le doute pendant plusieurs heures, Moncef Marzouki a réagi au quart de tour pour démentir.

Rétropédalage d’Inkyfada qui évoque le piratage de son site et ce après près de quatre heures de temps et après que l’article ait été repris par un bon nombre de radios et journaux électroniques locaux ! Une excuse de piratage crue par beaucoup de lecteurs, mais tournée en dérision par beaucoup d’autres. Les experts en matière d’ingénierie informatique insistent cependant sur le fait que le site est sécurisé et n’est accessible qu’en mode https. On relève dans la foulée que le plagiat de la charte graphique, à lui seul, nécessite des heures de travail. Sans exclure que ce piratage soit possible, ils mettent en doute cette histoire.

Il reste quand même étrange qu’un site associé aux plus grands titres internationaux, qui prépare ses révélations depuis des semaines concomitamment avec ces journaux, n’ait pas pensé à sécuriser son site contre ce type d’intrusions tout à fait prévisibles et souvent fréquentes dans le cas de l’espèce.


Ces éléments ont fait réagir les internautes et le monde médiatique. Si certains comme l’animateur Elyes Gharbi ont évoqué l’inexpérience du site, d’autres y ont vu une tentative de chantage et de racket contre des hommes politiques et hommes d’affaires.
D’autres encore voient en Panama Papers une affaire politique dont les enjeux sont d’ordre géostratégique, alors que certains n’hésitent pas à accuser le site de fomenter tout cela dans l’objectif d’anéantir certains hommes politiques un peu trop gênants.

Les avis, tout au long de cette journée du mardi, étaient sérieusement partagés entre ceux qui défendent Inkyfada et le journalisme d’investigation naissant dans le pays et ceux qui attaquent le site, les journalistes et les médias tunisiens dans leur globalité.

Il faut dire que le pedigree du site et de certains de ses promoteurs autorise toutes les lectures. Inkyfada est en effet financé (exclusivement ou en bonne partie du moins) par des fonds étrangers provenant d’organismes dépendant de l’Etat français. Quels sont les desseins réels de ce financement étranger interdit par la loi ? Officiellement, promouvoir une presse de qualité. 
Quant à son promoteur, c’est un habitué de la chose. Il était auparavant à la tête de Nawaat, un site financé par le lobbyiste et milliardaire américain George Soros. 
De quoi jeter le doute sur toute révélation faite par Inkyfada, tant que les articles ne sont pas accompagnés par des preuves et que les personnes citées n’aient pas eu le droit de se défendre et de donner leur version de la chose. « Il s’agit là, tout simplement, du b.a.-ba de la profession journalistique », font observer plusieurs journalistes.

 

Zyed Dabbar, membre du Syndicat national des journalistes tunisiens, interrogé par Business News, a cependant une autre position, assez proche de M. Gharbi et de plusieurs défenseurs d’Inkyfada.

Tout en louant et en insistant sur le sérieux de la jeune équipe de journalistes d’Inkyfada, notre interlocuteur indique qu'il est nécessaire de l'encourager pour le travail accompli. Il attire l’attention que le sujet nécessite énormément de travail puisqu’il fallait trouver les informations relatives aux Tunisiens dans un flux de millions d’informations complexes. Quant à la question du piratage, il estime que le piratage d’un site n’est pas quelque chose de si difficile que cela et que les pirates avaient un objectif déterminé derrière leur intrusion.

M. Dabbar rappelle la position du SNJT à ce sujet : « saluer les efforts des collègues qui font un travail journalistique de qualité. Ils font partie d'ailleurs d'un consortium international des journalistes d'investigation. La dernière affaire de Panama Papers, révèle la qualité du travail fourni par les collègues d’Inkyfada. Par ailleurs, nous dénonçons le piratage du site Inkyfada et nous le considérons comme atteinte à la liberté de presse. »
Un autre membre du bureau du SNJT qui a préféré ne pas donner son nom afin de ne pas gêner ses collègues du bureau directeur, évoque cependant la question du manque de moyens du site pour qu’il puisse gérer ces millions de documents avec l’efficacité requise. « Ils auraient dû s’associer à d’autres médias pour partager le travail, au lieu de le faire tous seuls ».
Il admet donc que le traitement du dossier aurait pu être fait d’une autre manière, à l’instar des autres médias internationaux et ce en livrant aux lecteurs les documents sans prendre de position. En clair, fournir uniquement les éléments factuels et laisser ensuite se faire seul son idée. 

Il s’élève également contre cette histoire de « feuilleton » en publiant les articles au compte-gouttes après avoir assuré le « teasing ». « Quand on a une révélation, on la donne en entier aux lecteurs et on n’en fait pas un feuilleton. Cela laisse entendre qu’on cherche à racketter les gens, même si je suis profondément convaincu que les journalistes de ce site ne sont pas du genre », conclut-il.

 

Une chose est sûre, c’est que le site a bien fait parler de lui, que ce soit en bien ou en mal, de quoi faire le bonheur de ses fondateurs et leurs promoteurs.

Mais dans tout ce tohubohu, rares sont ceux qui ont parlé des véritables évadés fiscaux et des montants détournés. C’est pourtant là l’objectif premier, tel qu’il est officiellement annoncé du moins, par les parties ayant révélé le scandale des Panama Papers.

 

Nizar Bahloul

05/04/2016 | 18:00
7 min
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Commentaires (34)

Commenter

Mehdi
| 10-04-2016 10:01
Bon encore un génie de sécurité le muwaten. Avoir HTTPS veut dire que la communication est cryptée. Mais si le site a des failles comme des injections SQL ou LFI, HTTPS ne protégera pas en aucun cas. Mais le muwaten et Nizar s'y connaissent tellement en sécurité qu'ils comprennent bien le sujet. HTTPS Va protéger contre l'interception des communications, comme par exemple si tu surfe sur un site HTTPS sur un WIFI ouvert, personne ne verra ce que tu consulte. C'est TOUT!

Le site a priori avait une faille de sécurité comme des variables mal sécurisés et qui ont conduit a son piratage.

Autre rappel HTTPS lui même est sujet a des attaques suite a des failles dans la librairie openSSL (google Heartbleed). Mais allez le décrypter aux profanes!

Muwaten
| 08-04-2016 17:01
HTTPS ( S=secure) veut dire la communication entre client et serveur est CRYPTEE. un pirate doit connaitre la clé de cryptage ou la casser.

mehdi
| 07-04-2016 15:16
Les arguments pour refuter le piratage et affirmer que HTTPS sécurise le site viennent d'une personne qui ne s'y connais RIEN en cyber sécurité. NON HTTPS ne veut pas dire blindé et le piratage de la charte est possible. Bref on voit bien la direction partisane.

nazou
| 06-04-2016 19:18
Je crois que "notre" ami Marzouk à trouve' l'occasion en or pour faire parler de lui !!

Attention ce n'est pas un reproche contre MM, mais il va surfer sur cette histoire pour garder les projecteurs braquer sur lui.
Et BN en parlera, ce qui est normal.
C'est la booouuliiitique !!!

Ridha_E
| 06-04-2016 18:17
Non messieurs de BN, je ne vous ai jamais accusés de colportage ni d'insinuation tels que vous l'avez compris ! Veuillez m'excuser si vous avez compris la chose ainsi.
Tout ce que j'ai exprimé, c'est ma grande surprise de vous voir relayer des élucubrations non fondées dont vous êtes quasi certains qu'elles ne peuvent pas s'élever au rang de l'information.
En fait, j'ai trouvé les responsables de Inkyfada tellement médiocres dans cette affaire, leur article comme les justifications, que j'ai estimé inutile que BN les relaye car BN nous avait habitué à mieux : l'affaire Ben Sedrine en est une preuve et un exemple de rigueur. Des preuves et toujours des preuves sinon on s'abstient.
Je ne sais pas si les gens se rendent bien compte de la gravité de la chose !
Pendant toute une journée, tous les médias se sont donnés à c'ur joie pour mettre à bas un responsable politique, coupable de rien de l'avoeu même de ceux qui l'ont jeté en pâture dans la place publique.
Dans ce genre de calomnie, même si c'était un nahdhoui à la place de Marzouk, moi qui attrape des boutons rien qu'en entendant parler d'ennahdha, j'aurais eu la même réaction sans le moindre doute.

Un petit mot pour nazou : rassurez-vous, je ne psychote pas du tout comme vous l'aviez cru, j'étais tout simplement tellement en rogne qu'on salisse l'honneur d'un homme juste pour le plaisir de faire du Buzz (je ne parle pas de BN) que je me suis exprimé, peut-être, avec démesure.

Citoyen_H
| 06-04-2016 16:03


Sans aucun doute.
Même dans les rumeurs, il y a toujours une part de vrai.
Vous avez le sentiment que Marzouk a la côte avec l'oncle sam.
Ce dernier ne fait pas dans la dentelle. Quand son intérêt est en jeu, il est capable d'envoyer ses propres enfants au casse pipe, et cela sans aucun remord (Pearl Harbor, essais nucléaires au Nevada, les tours jumelles et bien d'autres crimes dont on n'est pas encore au courant)

Si il y a une nation (les politiciens) sur terre à qui je ne ferai jamais plus confiance, c'est bien les usa.
Ils nous ont tellement ressassé avec leurs quenelles, que même si par miracle ils leurs pousseraient des ailes dans le dos, je m'en méfierais comme du virus Ebola.
Salutations.



Tunisienne
| 06-04-2016 15:48
Bravo pour le professionnalisme avec lequel vous êtes en train de traiter le dossier PP ("Papiers de la Puanteur") et sa "déclinaison" tunisienne!
Le moins qu'on puisse dire, c'est que cette qualité de professionnalisme fait cruellement défaut à Inkymachin. Pour ne pas dire plus. Et on est tenté de dire plus vu les relents islamo-révolutionnaires qui se dégagent de l'historique de ces "journalistes d'investigation" et de leur démarche...
Mais attendons la suite des événements!
Salutations

Gardien
| 06-04-2016 15:13
Arrêtez de croire que les noms -qui sont vraiment dans ces listes sont un mensonge!
Tout le monde sait qu'il y a beaucoup de personnes pour qui leur propre richesse compte beaucoup plus que leurs devoirs contre la société !
Il utilisent tout de la société sans vouloir en payer!
La corruption et la fraude fiscal des riches et peuples en pouvoir est un mal pour tous les états.
Même chez nous,en Allemagne, le fisc lutte forcement contre cette système de l'escroquerie soutenu par les instituts de l'argent !
Et les "Petits gens " en ont marre!
On doit commencer enfin à le changer dans les propres pays et aussi dans le monde.
L'état - ce sont le peuple- et il a le droit d'une sytème fiscale juste !!!
Ne cherchez contre tous un complot de l'Amérique, de l'Ouest et de Israel - il sont aussi dans ces listes.
Il faut lire les quotidiens des autres états et regarder leur TV pour le savoir, comment je le fais Avec les quotidiens de la Tunisie !

Carthage Libre
| 06-04-2016 14:43
Malek Khadraoui, directeur de Inkyfada : toute l'affaire de ce site inconnu "Inkyfada", devenu du jour au lendemain le plus suivi en Tunisie, tourne autour de ce personnage ambivalent : cet "ancien" rédacteur en Chef du très controversé site Nawaat (naguère au temps de Ben Ali très crédible), devenu à partir de 2012 très proche du CPR et des islamisants n'a pas de profil "type" d'une personne qui se place dans un camps précis ; pour lui, tout est bon à attaquer...sauf quand il s'agit des Moncef Marzouki et des islamistes en sens PRECIS du terme ; JAMAIS il ne s'est attaqué à cette "gente" là, ni à Nawaat, encore moins sur son site qui nous concerne aujourd'hui. Sur Nawaat, les seules choses qu'il a écrites sur Marzouki (03 avril 2013) c'est pour dire qu'il est "secret"...concernant la "Première Dame" (quel journalisme de haute volée!). Il s'est aussi "exprimé" une fois sur "l'islamisme" qu'il juge être "totalitaire" tous comme "les autres partis" (Colloque journée mondiale de la liberté de la presse, 7 mai 2012), mais ne rechigne pas à dire "la dangerosité de l'islamisme, c'est un alibi pour les gouvernants" (libé, fevrier 2011. Bref, comme il le dit lui même "je me suis métamorphosé de l'êxtrême gauche vers le centre droit"...Je penche plutôt pour l'extrême droite, car il s'est attaqué d'abord à Mohsen Marzouk, et dément les millions de USD de Marzouki ; les jours qui suivent nous en diront plus sur la vérité de ce Monsieur, s'il roule pour une organisation, ou si il y'a des "dossiers" cachés qu'on ne connaît pas encore.

journaliste
| 06-04-2016 14:29
Le travail des investigateurs consiste à travailler en silence sans rien révéler. On ne dit pas qu'il y a des hommes d'affaires impliqués et un homme de média puis on se tait. On verifie d'abord ses sources, ses informations on conforte le tout et on balance après. Ce qui s'est passé c'est que inkyfada a dit qu'elle a des révélations puis elle n'a balancé qu'une non information sur MM. Plutôt un règlement de comptes qu'autre chose.
Le journalisme ne consiste pas à faire du buzz ou du teasing et évoquer après des pannes techniques et du piratage, sans rien reveler du youtout . Vous connaissez ?