Par Sofiene Ben Hamida
Bien que les événements soient nombreux et se succèdent. Bien que la Tunisie présente tous les ingrédients objectifs qui font d’elle un pays en ébullition permanente, rien ne se passe en vérité sinon quelques effets d’annonce et des dossiers qui se désintègrent, malgré leur importance et leur gravité, aussi vite qu’ils ont été annoncés. Une sensation de léthargie collective s’empare en effet, depuis plusieurs semaines, de tous les actants de la vie publique comme si rien n’a une importance réelle. Comme si le sort du pays n’est plus du ressort de ceux qui le gouvernent mais qui s’attachent tant bien que mal à continuer de profiter de tous les avantages que leur confèrent leurs statuts de gouvernants. Ce climat de somnolence collective, de banalisation déconcertante des affaires les plus louches et d’impunité qui profite à tous, quelques soient les délits commis, est le plus grand défis aujourd’hui face à un pays carrément à la dérive par la faute de ses dirigeants égoïstes, calculateurs, faisant passer leurs intérêts personnels ou partisans avant l’intérêt collectif, ainsi que par la faute d’institutions inféodées et incapables de jouer leur rôle de contre pouvoir.
En l’espace de quelques semaines seulement, la Tunisie a été black-listée à deux reprises, le gouverneur de la Banque centrale a été démis de ses fonctions, une affaire d’espionnage qui impliquerait plusieurs cadres politiques et administratifs a été rendue publique par les médias, la production du phosphate s’est totalement arrêtée et plusieurs incendies simultanés ont été enregistrés causant de lourdes pertes humaines et matérielles dans des foyers pour jeunes lycéennes. Chacun de ces dossiers aurait causé un choc dans n’importe quel autre pays normalement structuré et aurait provoqué un véritable séisme politique compte tenu de la gravité de chacun de ces dossiers. Chez nous, il n’en est rien à part quelques manifestations qui s’apparentent plus au show parlementaire qu’à une gestion à la mesure de la gravité de ces événements. L’opinion publique tunisienne n’est malheureusement pas mieux informée aujourd’hui et les seules bribes d’information qu’elle détient, c’est grâce aux médias qui ont tenté de collecter les informations disponibles. Mais les médias ne créent pas les faits. Ils sont les relais entre l’opinion publique et les sources premières qui détiennent tous les éléments des faits. En termes clairs, la rétorsion d’informations importantes, le mépris de l’opinion publique, la banalisation de faits graves qui ont des répercussions certaines sur le présent et l’avenir des citoyens et du pays entre dans le cadre de l’irresponsabilité politique, signe distinctif des dirigeants qui se succèdent dans le pays depuis sept ans déjà.
Etant le premier responsable de l’exécutif, Youcef Chahed est le premier responsable de cette situation désastreuse et infecte. Il est temps qu’il assume ses responsabilités, informe l’opinion publique, explique les faits et présente ses solutions. Il est anormal que sa mésestime évidente pour les représentants du peuple se transforme en mépris de toute l’institution législative et en mépris de tout le peuple. Sinon comment expliquer que contrairement aux exigences institutionnelles, le chef du gouvernement ignore son devoir de s’adresser au peuple, une fois par mois, à travers l’assemblée des représentants du peuple ? On n’attendait pas moins du chef du gouvernement que de nous expliquer les défaillances qui ont conduit au black-listage à deux reprises de la Tunisie, de cibler les responsables, d’annoncer des mesures contre eux, de clarifier définitivement ce dossier d’espionnage qu’on continue de gérer comme un simple fait divers, d’annoncer les mesures entreprises pour que des fillettes ne soient plus calcinées dans leur sommeil, que les responsables du blocage de la production du phosphate soient identifiés. On attend toujours, simplement, légitimement, que le chef du gouvernement s’adresse aux Tunisiens, qui rappelons le, sont autant responsables de leur vécu et de l’avenir de leur pays que leurs dirigeants, pour leur parler de leurs problèmes, de dévoiler les causes réelles de ces problèmes, de mettre tout le monde face à ses responsabilités et de leur proposer des solutions concertées dans le cadre d’un débat national et non concoctées, on ne sait où ni pour le compte de qui.
A titre indicatif, le Premier ministre français, qui agit dans le cadre d’un régime présidentiel et non dans un régime parlementaire comme le notre, se déplace tous les mercredis au parlement français pour subir les attaques de l’opposition et répondre aux détails des politiques de son gouvernement. Il le fait par sens de la responsabilité, par respect à l’institution législative mais surtout par respect aux citoyens français. Chez nous, bien qu’il l’ait décidé lui-même sans que personne ne l’ait obligé à le faire, le chef du gouvernement n’a même pas réussi à respecter son engagement envers les citoyens tunisiens de s’adresser à eux, une fois par mois, à travers les réseaux sociaux.
Commentaires (11)
CommenterEt la cour constitutionnelle ,....et la cour des comptes......
Coalition n'est pas democratique
Vous exagérez un peu trop
Ne vous inquiétez pas trop du respect mutuel entre l''exécutif et les représentants du peuple comme il vous plait de les appeler. Chacune des parties est convaincue qu''elle n''a pas en face les plus grandes lumières du pays.
A propos d''espionnage, un journaliste averti comme vous ne devrait qualifier ainsi cette affaire que lorsque la justice la qualifie ainsi.