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Tribunes
Gare à la grogne du mois de janvier…
02/12/2011 | 1
min
Gare à la grogne du mois de janvier…
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Par Hassen Zargouni

En janvier, les tunisiens voient rouge !

Janvier est le mois de la révolte par excellence en Tunisie. Bourguiba lance l'une des premières étincelles de la révolution armée contre la France coloniale qui éclate le 18 janvier 1952.
Plus loin encore dans l'histoire contemporaine de notre pays, le 19 janvier 1925, Mohamed Ali Hammi créa la première Confédération générale des travailleurs tunisiens, qui deviendra quelques années plus tard l'UGTT, suite à plusieurs mouvements sociaux dans les mines et les chemins de fer sous fond de défiance nationaliste et de tensions sociales avec l’administration coloniale.
Plus proche de nous encore, le 26 janvier 1978, l'UGTT se sépare de la politique du parti unique prônée par le PSD et plonge le pays dans une révolte causant bien plus de morts que la révolution tunisienne de 2011.
Toujours en janvier, en 1980, soit seulement deux années plus tard, les événements de Gafsa, une rébellion fomentée par Kadhafi, ont fait beaucoup de victimes civiles et militaires tunisiennes.
Le 3 janvier 1984, les émeutes du pain ont été aussi meurtrières et très violentes, les revendications sociales étaient là aussi au rendez-vous.
Enfin, le 14 janvier 2011 tout un pays se révolte pour la dignité et la liberté, 300 morts et 1400 blessés… et un pays qui renaît.

Le ventre creux, les caisses vides, la grogne monte !
Un début d'explication à cette récurrence historique réside dans une logique tant physiologique qu’économique. L’hiver, notamment dans les zones continentales tunisiennes, est âprement froid. En cette période de l'année, la population a besoin d’un toit bien étanche et bien chauffé, une alimentation énergétique avec plus de produits dérivés du blé, de sucre, de produits gras, …, plus de vêtements chauds, ... donc plus de dépenses vitales et non de confort.

Face à cela, classiquement depuis une quarantaine d'années, c'est en janvier que les sources d'argents qui circulent dans le pays tarissent. Il s’agit principalement de l’argent ramené par les immigrés tunisiens qui viennent à 80% pendant la saison estivale, des retombées directes et indirectes quasi exclusivement estivales du tourisme, de l’hébergement, de la restauration et de l’artisanat, mais aussi la vente des céréales, payée cash par l'Office des céréales, et la vente sur pied des produits de l’arboriculture, se font aussi en été.

Si l’on y ajoute l’assèchement des budgets alloués par l'Etat et les commandes publiques à la fin de l’année et qui ne reprennent qu’à partir de fin mars de chaque année, l’argent se fait de plus en plus rare dans le pays à partir du mois de décembre jusqu’au mois de mai. Ainsi, le paroxysme de cette situation se situe au mois de janvier. Tous les commerçants le savent, le deuxième semestre est toujours plus fructueux en Tunisie en termes de business, le pire mois étant celui de janvier… là où les ventres sont creux, les caisses sont vides et souvent la grogne monte.

Les universités et les syndicats catalyseurs de la grogne de janvier
Il ne faut surtout pas sous-estimer les tensions perceptibles à l’université, quelles que soient leurs sources. La contagion vers un mouvement lycéen est très probable aussi. On se souvient du rôle déterminant des élèves du lycée du Bardo et du lycée technique de Tunis dans les événements du 3 janvier 1984, glorifié dans un éditorial du journal Le Monde. Les 18 000 enseignants dont 11 000 titulaires (beaucoup de médecins) et 7000 vacataires de l’enseignement supérieur ont un impact relativement fort sur la société tunisienne.

On dit « relativement » car cette catégorie a été malmenée sous le règne de Ben Ali et ne joue plus son rôle d’avant-garde de la société comme jadis. Les élites académiques n'avaient plus la même influence que jadis sur le peuple.
Mais les temps ont changé maintenant, leur fort niveau de syndicalisation comme le prouve le nombre de professeurs des deux cycles secondaire et supérieur adhérents à l’UGTT et qui est de l’ordre de 58 000 membres (soit un sixième de la base syndicale), risque de peser sur la balance du choix de système pédagogique en Tunisie et par là même, du choix de société et de ses valeurs.
Si en plus, les revendications sociales refont surface comme à chaque année au mois de janvier, et si les tergiversations pour former le gouvernement durent trop longtemps à cause d’une coalition hétéroclite mélangeant la carpe et le lapin, ne permettant pas une prise en charge sérieuse et non cosmétique de la problématique du chômage et de la précarité, le premier anniversaire de la révolution tunisienne risque d’être chaud, très chaud, malgré le froid du mois de janvier. Les perdants risquent d’être toujours les mêmes, les démunis d’abord et les démocrates ensuite, à moins que …
02/12/2011 | 1
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