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SUR LE FIL
Entre Kaïs et Eva
Par Marouen Achouri
14/12/2022 | 16:00
5 min
Entre Kaïs et Eva

 

La scène européenne a été récemment secouée par un coup de filet opéré par la police belge à Bruxelles. La vice-présidente du parlement européen, la Grecque Eva Kaïli, a été écrouée pour des soupçons de corruption. La responsable a été inculpée pour appartenance à une organisation criminelle, blanchiment d’argent et corruption après la découverte de sacs pleins de billets lors de la perquisition de son domicile bruxellois. Etant en flagrant délit, l’eurodéputée n’a pas pu s’abriter derrière son immunité parlementaire. Du côté grec, les avoirs de la dame ont été immédiatement gelés suite à une décision de l’autorité grecque de lutte contre le blanchiment d’argent. Eva Kaïli a également été écartée du parti socialiste grec.

En lisant ce qui est relayé par les médias étrangers à propos de cette affaire, on se rend bien compte du séisme politique que cela provoque au niveau d’une institution aussi importante que celle du parlement européen. L’analogie avec la Tunisie est d’autant plus vertigineuse surtout lorsqu’on se rappelle les déclarations présidentielles au sujet de la lutte contre la corruption et l’assainissement de la scène tunisienne.

 

A plusieurs reprises, le chef de l’Etat, Kaïs Saïed, a affirmé avec beaucoup d’assurance être en possession de dossiers, de preuves et d’indices concernant des actes de corruption et des malversations flagrantes. L’un des principaux chevaux de bataille du président Kaïs Saïed depuis son coup de force du 25 juillet était la traque de tous les « pourris » et la nécessité de rendre justice au peuple tunisien. De bien belles paroles qui n’ont été suivies d’aucun effet. A longueur de discours, le président Kaïs Saïed n’a pas hésité à invectiver plusieurs de ses adversaires suggérant qu’ils reçoivent de l’argent de l’étranger et qu’ils ourdissent des plans machiavéliques pour faire tomber l’Etat tunisien, c’est-à-dire lui. Et pourtant, aucune arrestation, aucune enquête sérieuse concernant des accusations pourtant très graves. Le chef de l’Etat parle, mais ne fait rien.

 

Dans un autre épisode de cette supposée lutte contre les malversations, le président de la République avait ordonné à sa ministre des Finances de préparer un inventaire complet des dons et des prêts obtenus par la Tunisie durant les dix dernières années. Dans un élan populiste qui lui ressemble beaucoup, Kaïs Saïed pensait sûrement y trouver suffisamment de preuves pour mettre à mal ses adversaires politiques. Mais celui qui croyait, à un moment, qu’un ministre des Finances peut encore prendre les caisses de l’Etat et s’enfuir à l’étranger a fait chou blanc. Le rapport, remis des mois plus tard, n’a donné lieu à aucune poursuite judiciaire ni même à l’ouverture de la moindre enquête. Il va sans dire que nous, simples sujets de sa majesté, n’avons pas accès, en tant qu’opinion publique à ce rapport et que les différentes demandes d’accès à l’information ont été rejetées par le ministère des Finances. Ce n’est certainement pas par la transparence que cette « nouvelle République » va se distinguer.

Malgré cela, le président Kaïs Saïed n’a pas « arrêté son char ». Lors de la prestation de serment des membres de la toute nouvelle commission nationale pour la réconciliation pénale, le chef de l’Etat leur a donné une mission impossible : récupérer l’astronomique somme de 13.500 millions de dinars en l’espace de six mois. Le président de la République ne semble pas se rendre compte de l’énormité de la tâche qu’il souhaite voir accomplie. Le fait que la commission créée au niveau de la présidence de la République pour récupérer les biens spoliés à l’étranger ait du mal à obtenir le moindre résultat aurait pourtant dû lui mettre la puce à l’oreille. Pourtant, cela ne l’a pas empêché de continuer à aborder la question de la corruption et de la récupération de sommes faramineuses comme n’importe quel badaud dans le café du coin. Il est également utile de rappeler que le président de la République avait décidé de dissoudre l’instance nationale de lutte contre la corruption à l’aube de sa prise totale de pouvoirs. Le destin des dossiers qui étaient en possession de l’instance reste à ce jour inconnu.

La lutte contre la corruption était l’une des principales revendications des Tunisiens depuis 2011. Au fil des années, c’est devenu un simple slogan fièrement arboré par tous ceux qui ont eu le pouvoir en Tunisie. Prétendant rompe avec le passé à l’aube du 25 juillet 2021, le président Kaïs Saïed reproduit les mêmes pratiques confirmant l’adage qui dit : ceux qui en parlent le plus en font le moins. Visant tour à tour les opposants ou les juges, Kaïs Saïed a affirmé à plusieurs reprises qu’il allait sévir mais aucune accusation sérieuse n’a vu le jour. Le chef de l’Etat préfère s’adonner au populisme et se dispense de tout travail sérieux sur la question.

 

Pourtant, ce ne sont pas expériences comparées réussies en matière de lutte contre la corruption qui manquent. En Belgique, la vice-présidente du parlement européen a fait les frais d’une enquête sérieuse et d’un coup de filet bien organisé. Un plan d’action va également voir le jour pour faire que ce genre de pratiques ne se répète plus. En Tunisie, il n’y a eu que des paroles à propos de la lutte contre la corruption. Parallèlement, l’indice de perception de la corruption par le citoyen tunisien est en constante progression. Tôt ou tard, le président de la République devra se rendre compte que les paroles et les déclarations d’intention ne servent à rien. Il devra aussi se rendre compte que continuer à accuser ses opposants de corruption, de complot et même de vente de drogues sans en apporter le moindre début de preuve ne fonctionnera pas longtemps. A un moment donné, Kaïs Saïed sera redevable d’un bilan, et pour l’instant, il est loin d’être reluisant.

Par Marouen Achouri
14/12/2022 | 16:00
5 min
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Commentaires
Gg
Merci aux justices de l'UE
a posté le 17-12-2022 à 13:12
Les occasions sont rares de voir que certains principes ne s'achètent pas. Ici, le message aux corrompus et aux corrupteurs est clair, merci aux justices des pays qui ont su mettre au pas la dame Eva.
En particulier merci à la Belgique.
GZ
@Gg
a posté le à 22:11
On peut remercier aussi les enquêteurs belges et italiens qui ont fait, des mois durant, un remarquable travail de fourmi pour confondre certains des protagonistes en flagrant délit.
On parle aussi de l'implication présumée d'un diplomate marocain en poste à Varsovie et qui ne serait autre que l'ambassadeur en personne dénommé "le géant" par les pieds nickelés en col blanc.
A nos police-jusitce de prendre de la graine.
On peut rêver.
GZ
Real Politic
a posté le 17-12-2022 à 11:43
L'affaire de corruption passive qui secoue le Parlement européen qui a abouti à l'incarcération, entre autres de sa vice-présidente, la grecque Eva Kaïli, laisse aux observateurs un goût amer. De l'avis de nombreuses personnes proches du dossier, magistrats, enquêteurs et vos confrères journalistes, l'ombre du Qatar, corrupteur actif qui, de bonne guerre, s'en défend, se profile derrière. Le hic est que, si tout le monde tombe à bras raccourcis sur les acteurs européens, les élus, leur entourage, et même des ONG prétendument en lutte contre l'impunité, Fight Impunity notamment, personne , personne parmi ceux qui comptent au sein de ladite institution, ni au sein des dirigeants des différents pays de l'Union, ne pipe mot à propos du Qatar qui fait, auprès de bien des pays européens ses emplettes en armement et autres bien d'équipement et lui fournit ce qu'il lui faut en gaz et hydrocarbures.
La Real Politic ne s'encombre pas de principes éthiques.
Quant à ce qui est de "coincer" ceux qui se sont enrichis sans cause, on devrait s'inspirer de la façon dont la justice américaine a fini par alpaguer Al Capone. L'impôt acquitté au regard des revenus et du patrimoine. Mais là encore, c'est la volonté politique qui ne semble pas être au rendez-vous.
Le "d'où avez-vous ceci ?" préconisé par certains, est une méthode inquisitoriale indigne d'un Etat de droit. Elle opère un renversement de la charge de la preuve éminemment contestable et inacceptable même à l'endroit de fieffés truands.
Savoir si l'on veut réellement vivre dans un Etat de droit.
Naim
Tel est le problème.
a posté le 15-12-2022 à 02:09
Comment lutter contre la corruption quand la justice, les tribunaux, de juges, de nombreux avocats et probablement même des chaouichs sont gangrenés par la corruption jusqu'au cou ? Si vous même, vous détenez une proposition pour résoudre cette énigme, avancez là et vous avez plein de bisous bisous.
FALLAG
Oui cher @Naim !
a posté le à 11:44
La réponse est simple former des Brigades nationales formées de toutes les souches de la société et des régions: Min Einè Lèkè/Lèki Hèthè

Min Einè Lèkè/Lèki Hèthè
Min Einè Lèkè/Lèki Hèthè
Min Einè Lèkè/Lèki Hèthè
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