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Chroniques
Election présidentielle : Les sociologues nous doivent des explications
Par Sofiene Ben Hamida
15/10/2019 | 11:01
3 min
Election présidentielle : Les sociologues nous doivent des explications

Par Sofiene Ben Hamida

 

C’est donc Kaïs Saïed, selon les résultats préliminaires officiels de l’ISIE, qui est le septième président de la Tunisie moderne. En vérité, son élection n’a pas été une surprise pour beaucoup tant le déséquilibre était flagrant entre lui et son concurrent, Nabil Karoui, au second tour. Ce n’était pas une surprise, parce que les annonces de report des voix après le premier tour de l’élection présidentielle étaient nettement en sa faveur. Ce n’était pas une surprise aussi parce que les instituts de sondage ont alerté depuis de longs mois déjà, que Kaïs Saïed était en pole position dans les intentions de vote. Mais pratiquement, l’ensemble de la classe politique, ainsi que beaucoup d’intellectuels, d’observateurs  et de journalistes (j’en fais partie hélas), ont sous-estimé ces alertes. Compte tenu de l’exactitude des chiffres avancés par les instituts de sondage, une exactitude presque indécente,  vérifiée à plusieurs reprises maintenant, il faudrait réapprendre à faire confiance à nos professionnels des sondages et nous éloigner de l’esprit suspicieux bien de chez nous, pour une meilleure compréhension de notre réalité et de notre environnement à l’avenir.

Cela n’a pas empêché les résultats du second tour de l’élection présidentielle de nous réserver quelques surprises.

La première est en rapport avec le score très large du nouveau président de la République. D’habitude, dans les systèmes démocratiques, ce qui est bel et bien notre cas, les scores entre les candidats sont très proches, sauf dans les cas de crises graves comme se fut en France lors de l’élection présidentielle de 2002, qui a opposé au second tour le président Jacques Chirac au représentant du Front National Jean-Marie Le Pen. Avec un taux de plus de 72 pour cent en faveur de Kaïs Saïed, ce n’est plus en effet, un simple succès électoral, mais un véritable plébiscite. D’un autre côté, le nombre de votants en sa faveur, plus de deux millions sept cent mille personnes, soit l’équivalent des votants en faveur de l’ensemble des 217 nouveaux députés réunis, lui donne une légitimité jamais accordée à un dirigeant tunisien depuis la révolution.

La seconde surprise est en rapport avec la large palette des partisans du nouveau président de la République. Au début, on pensait qu’il était soutenu par un groupe de jeunes. Par la suite, on a vu en lui l’oiseau rare tant recherché par le président du parti islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi, soutenu par les salafistes de la coalition Karama, les milices des ligues de protection de la révolution, le parti du califat Ettahrir et tous les groupuscules de l’islamisme radical. Seulement, cette typologie réductrice cadre difficilement avec la présence d’une figure historique de la gauche radicale dans le cercle rapproché du candidat Saïed. Elle cadre très mal avec l’appel lancé par plusieurs partis politiques non islamistes dont le Watad, pour le vote en faveur de Kaïs Saïed au second tour de l’élection présidentielle. Elle ne cadre absolument pas avec le profil des votants pour lui dont le spectre est de loin plus large que celui des formations politiques qui ont soutenu Kaïs Saïed et déborde de loin pour englober toutes les tranches d’âge et toutes les franges socioprofessionnelles  du pays.

Aujourd’hui, les spécialistes de la sociologie politique, dont certains, pas tous heureusement, se sont complus ces dernières années dans une paresse intellectuelle dévastatrice, nous doivent de retrousser leurs manches pour décortiquer les résultats des dernières élections législatives et présidentielle, analyser les résultats, expliquer les différentes étapes du processus qui a abouti à ces résultats et nous donner des réponses. Ils doivent nous expliquer pourquoi les Tunisiens ont voté contre le « système » à la présidentielle tout en épargnant l’un de ses principaux acteurs, Ennahdha, aux législatives ? ils doivent nous expliquer comment un candidat a réussi à convaincre autant de partisans sans avoir à parler, à faire une véritable campagne électorale, à présenter son programme ou même à promettre quoi que ce soit ?

Leurs réponses nous éclairerons à coup sûr, nous permettrons de mieux comprendre notre réalité, et nous éviterons surtout, d’être les éternelles victimes des charlatans maquillés en spécialistes de la communication, ou des experts en tout et en rien.

 

Par Sofiene Ben Hamida
15/10/2019 | 11:01
3 min
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Commentaires (11)

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malahi
| 21-10-2019 07:21
Je pense que ces élections sont le fruit des 7 millions d'adhérents de Facebook, l'ensemble des candidats ont utiliser l'apparence dans les TV et des écrits en terme de slogan, les Tunisiens ont une préférence internet et souvent ils considèrent que c'est juste les informations Facebook, ils n'ont pas une lecture relative des informations...Beaucoup de Tunisiens disent "J'ai vu sur Facebook ..." Bref Les amis de KS ont utilisé les réseaux et en 2011 c'était la même communication qui a fait chuter Ben ALI..

MSG
| 18-10-2019 10:12
Les dirigeants des partis politiques et candidats aux élections présidentielles ont tout simplement, pour la plupart, oublié qu'ils s'adressaient dans leurs déclarations à une société ayant une double culture: arabo-musulmane et occidentale. En particulier, en ce qui concerne le projet de loi pour l'égalité dans l'héritage, la dépénalisation de l'homosexualité et la peine de mort. Les gagnants des élections législatives et présidentielles ont su comment man'?uvrer en se prononçant sur ces questions.
Ce n'est, certes, pas la seule explication de la défaite des partis et candidats dits « progressistes » ou « centristes », mais elle mérite quand même qu'on y prête un peu d'attention.

Citoyen tunisien
| 15-10-2019 16:54
Merci pour votre article. Les sondages sont essentiels en démocratie. Quand on y croit pas plusieurs raisons, soit pas encore mûrs en démocratie, soit une instruction assez faible, s

Rationnel
| 15-10-2019 15:40
"Media et faiseurs d'opinion se concentrent sur des polémiques secondaires qui rendent invisibles les problèmes essentiels"
Problèmes essentiels: pauvreté, chômage, approvisionnement en eau, stratégies de développement industriel et agricol, déficits budgétaire et commercial, désespoir d'une frange de l'opinion,
Polémiques secondaires: héritage, fractures au sein de Nidaa, amnistie pour les corrompus

Sherlock
| 15-10-2019 15:27
En sociologie bien comprise, lorsqu'il y a errance du c'?ur, il y a errance de la tête. Ce ne sont là que les deux faces d'une même pièce qui n'aura dès lors aucune effigie, quand bien même l'une l'emporterait sur l'autre.

Kamelbou6kamelboussetta@gmail.com
| 15-10-2019 15:16
Eclaireront, permettront et eviteront: 3 ème personne au pluriel donc «ont».
Cordialement

Abdelwaheb
| 15-10-2019 14:15
On a fait le dialogue suivant avec un sage:
-Quelle est la meilleure des choses pour l'homme?
-Une intelligence qui lui permet de vivre.
-Et s'il n'en avait pas?
-Ce serait une famille (un parti politique de nos jours !!!) pour le défendre.
-Et s'il n'en avait pas?
-Ce serait de l'argent qui lui permet d'être aimé.
-Et s'il n'en avait pas?
-Qu'il observe un silence absolu qui lui permet de sauver sa tête..
-Et s'il ne pouvait pas?
-Le mieux c'est qu'il crève pour en débarrasser le monde.
Pour comprendre toutes les magouilles qui ont accompagné les élections depuis l'instauration de la "democratie" en Tunisie....il suffit d'avoir une idée sur ses acteurs et leurs appuis extérieurs...ce qui nous dispense du recours aux sociologues,psychologues et autres politologues....



-




Mimi
| 15-10-2019 13:34
Voici deux réponses
1- Manque de la conscience politique chez nos jeunes ... Ils sont vulnérables devant les discours révolutionnaires tartinés au lutte contre la corruption et la cause Palestinienne ...
2- Par imitation et pas forcement convaincu ...
3- Les infos contagieuses depuis les réseaux sociaux sans même prendre la tête à les vérifier !!

DIEHK
| 15-10-2019 13:03
Des..............incompétents de toutes les professions qui participent à la bonne existence d'1 république laïque islamiste connaissent et analysent les pb d'1 société d'incultes?
Quand on a subi 63 longues années d'injustice, de privation de ses droits les plus élémentaires, on perd le nord à force de chercher l'introuvable bout du fil qui vous permet de vous accrocher à quelque chose et vous remettre sur le bon chemin!!!
Et aujourd'hui, on demande à nos sociologues de nous aider en nous expliquer l'inexplicable!!!!
J'ai des doutes sur notre pays qui ne deviendra jamais islamiste.
L'islam dirige le pays depuis 2012 avec 1 Gt islamiste fantôme, tous nos services de sécurités le savent mais l'omerta de l'inculte et le profit a permis à ces comploteurs de fructifier des milliards et des milliards au profit des frères musulmans sur le dos des incultes qui ne connaissaient rien à l'histoire des "R'?VOLUTIONS" ?
Comment voulez que tous les incultes des différents corps de l'état puissent vous expliquer des choses, parce qu'ils font partie de cette organisation fantôme qui a détruit la République et ce qui me surprend le plus, c'est qu'on vient maintenant demander des explications à des gens qui sont déconnectés de vos problèmes comme vous l'êtes d'ailleurs.
J'EXISTE (M'?ME SI JE NE SAIS PAS COMMENT FAIRE)!!
Vos sociologues à qui vous demandez des explications ne savent pas: POURQUOI ILS EXISTENT ET LE SENS DE L'EXISTENCE'?' "en Tunisie"
Cela me met face à l'inutilité totale de leur existence.
L'?VIDENCE DE LEUR NON EXISTENCE est du à leur soumission aux forces du mal Tunisien qui porte le doux nom: Merdolution et Islam



kol
| 15-10-2019 12:55
de penser que ce vote est plus un plebiscite pour KS qu'une sanction contre NK d'abord et tout le systeme ensuite.
Un ras de maree certes, mais je suis dubitative quand aux reelles motivations des votants; a mon avis on trouvera de tout, du troskiste qui voit (a tort) en KS un anarchiste qui prone le modele socialiste a l'islamiste qui qui pense (a tort ausi) que KS ets un bon salaf qui aidera a instuarer la Chariaa en passant par ma grand-mere qui juste n'aime NK, le mafieux, d'apres que sa voisine lui a dit!
Ubuesque!