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Chroniques
Deux femmes pour le prix d’une
Par Synda Tajine
09/03/2021 | 15:59
5 min
Deux femmes pour le prix d’une

 

Hier, le monde fêtait la journée internationale des droits des femmes. Aujourd’hui, au réveil, rien n’a changé.

Regardez-vous dans le miroir et dites-moi si vous n’êtes toujours pas obligées d’être celles qu’on vous demande d’être. Belle, mais pas provocante ; une bonne mère, mais aussi une employée acharnée qui est à l’heure à toutes les réunions ; une épouse modèle, mais pas une enquiquineuse ; un cordon bleu, taille mannequin ; une femme à tout faire, mais qui sent bon et ne râle pas.

Oui, car si vous vous faites agresser dans la rue, c’est parce que vous portez une mini-jupe (salope !) ; si votre conjoint vous tabasse et vous met six pieds sous terre c’est parce que vous n’avez pas été une bonne épouse (insolente !) ; si vous vous faites violer c’est que vous étiez dehors dans la rue à une heure inappropriée (délurée !) ; si vous faites mal votre travail, c’est parce que vous êtes une femme (petit être si limité) ; mais si vous obtenez une promotion c’est que votre patron vous a bien donné votre chance et n’a rien contre les femmes (visionnaire !).

 

Bien sûr, hier, nous avons eu droit à des réductions inédites sur les bouteilles de shampoing, les lotions capillaires, les lunettes de soleil, les parfums et les sacs à main. On nous a offert des réductions sur les pacs épilation et amincissement et une culotte gratuite pour chaque soutien-gorge acheté. Les commerçants ont fait leur bonne action – commerciale – de l’année. Merci à eux. Notre time-line a été inondée de fleurs, d’expressions d’amour, de soutien, de cœurs et d’arc-en-ciel. Nous avons été leurs « sœurs, mères, épouses et amies », qu’il fallait célébrer et remercier…le temps d’une journée.

Aujourd’hui, amies "hystériques", foutez-leur la paix et mettez-là en sourdine. Car le reste de l’année, c’est là qu’on passe aux choses sérieuses et là, c’est une stricte affaire d’hommes.  

 

Ce qui est vraiment drôle c’est qu’on considère réellement le 8-Mars, comme étant une fête. Un peu comme la Saint-Valentin pour les femmes ou la fête des mères pour celles qui n’ont pas forcément d’enfants, on nous offre des fleurs, on nous dit bonne fête. Nous sommes là pour être choyées et célébrées, pour rendre le monde plus joli et pour qu’il sente plus bon.  En réalité, le 8-Mars est tout simplement la journée du patriarcat. Où les hommes, qui eux détiennent le pouvoir en grande majorité, sortent leurs discours grandiloquents en faveur des femmes qu’ils promettent de « protéger » le reste de l’année.

Le chef du gouvernement se dit féministe et clame que l’égalité entre l’homme et la femme doit être une affaire quotidienne, lui qui a presque effacé toute trace féminine de son gouvernement.

Le chef de l’Etat déclare que les droits des Tunisiennes, si difficilement acquis, sont aujourd’hui menacés, lui, qui s’est élevé contre la loi consacrant l’égalité dans l’héritage, ne voulant pas risquer une interprétation du texte coranique.

 

Vous entendrez des phrases comme « dans notre entreprise, les femmes sont considérées comme des personnes et nous en embauchons. Nous en avons même placé quelques-unes dans des postes clés ». « Je respecte les femmes aux mœurs légères et je n’ai rien contre le fait de sortir avec elles ».

Et c’est là qu’il faut applaudir.

 

Oui, qu’on se l’avoue, quand vous êtes une femme, vous n’êtes pas tout de suite perçue comme un être humain à part entière.

Comme disait Simone de Beauvoir dans son emblématique « Le Deuxième Sexe » « l’homme c’est l’essentiel, la femme est l’inessentiel ». La femme est en effet définie en fonction de l’homme, elle ne saurait exister sans être épouse de, sœur de, mère de, fille de…. Ainsi, toute action socialement répressible de la femme se répercute automatiquement sur l’homme qui en a la charge. « Mais n’a-t-elle pas d’époux / frère /père (ou même un voisin ou un jardinier) pour la retenir cette dévergondée / hystérique / salope ? ». Amis hommes, comment vivez-vous avec une telle charge sur les épaules ? Je n’aimerais pas être à votre place…

 

Etre féministe (tout de suite les gros mots !), ou tout simplement défendre les droits des femmes, ce n’est pas être contre l’homme. Ni le diaboliser. Bien au contraire, c’est considérer l’homme comme un être pourvu de discernement et de sentiments. Une personne qui obéit à sa tête et non à ses organes génitaux, un être capable de se retenir et non cet animal-prédateur dont il faut se méfier, tel qu’on nous l’a toujours peint. Un être qui est comme nous, dont nous n’avons pas besoin d’être protégée et qui n’a pas besoin de nous protéger.

 

La femme sera l’égale de son camarade masculin, son père, son frère, son époux, son ami ou son collègue, quand elle ne sera plus définie en fonction de lui. Quand elle sera une personne dont les actes et les opinions n’engageront que sa personne.

Non, ma vertu ne concerne en rien mon père, mon frère ou mon époux. Oui, j’ai le droit de choisir la vie qui me correspond sans être obligée de subir le courroux patriarcal, me justifier, me cacher ou fuir.

Qu’on arrête de célébrer le 8-Mars comme une fête et qu’on le considère plutôt comme un jour de lutte. Loin des clichés de la mère, de la femme rurale, ou de la bonne cuisinière, ou cheffe d’entreprise, qui cantonnent la femme à un rôle bien défini susceptible de lui apporter l’approbation collective. La femme peut décider d’être ce qu’elle-même a choisi. Soit une personne à part entière, libre de ses choix et de ses décisions…

Quant à moi, je vous donne rendez-vous le 13-Août…

 

 

Par Synda Tajine
09/03/2021 | 15:59
5 min
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Commentaires
DHEJ
La femme, l'homme : quelle égalité ?
a posté le 09-03-2021 à 20:52
C'est

Le public, le privé : quelle efficacité ?


La réponse à la question qui va porter atteinte à l'intégrité de l'autre!
Gg
L'égalité?
a posté le à 21:32
L'égalité de droits et devoirs, en toutes choses.
DHEJ
@Gg
a posté le à 14:14
Bonjour !


'?galité dans les devoirs !


Devoirs naturels et/ou devoirs artificiels ?

Que faut-il légiférer pour changer la nature ?

La nature, l'environnement et développement durable !
Alya
C est un peu de notre faute !
a posté le 09-03-2021 à 20:05
Oui c est un peu de notre faute, puisque nous acceptons de fêter une journée mondiale, une journée nationale. Nous ne ommes as des mineures. Et encore heureux que le ministère s intitulé actuellement famille.
Gg
Une amie m'a dit...
a posté le 09-03-2021 à 19:38
Alors que je vivais à Tunis, une amie tunisienne m'a dit un jour "Il faut 3 femmes à un tunisien. Une à la maison, pour s'occuper de la bouffe, du ménage, des enfants. Une 2ieme pour faire l'amour, et une 3ième pour montrer en société.
Et je ne veux être aucune des trois!".
Quant à moi, je me souviens de l'adage "un homme riche est un homme qui gagne plus que sa femme ne dépense!".
Alors franchement, une c'est déjà beaucoup...
aldo
==== Bonsoir Mme T . Synda ====adame
a posté le 09-03-2021 à 18:03
En tant que tunisien et fier de l'être , RIEN QUE LIRE le titre de votre article cela m'avait mis très mal !! Comment en 2021 peut on arriver et obliger d'écrire celà si ce n'est que notre pays recule au même niveau des avancées d'autres pays alors que la TUNISIE leur a appris grâce à ses enfants beaucoup de choses et JUSTE après notre indépendance (( Tel que nos amis du COR'?E DU SUD )) que nous saluons !!! chère T.S. ceci n'est souffrance pour mon pays et l'inquiétude pour nos enfants . RESPECTS .
Anouar Moalla
La femme est l'avenir de l'homme - Ferrat
a posté le 09-03-2021 à 16:29
Le papier dans son ensemble est excellent. Une mention particulière pour cet extrait :
"La femme sera l'égale de son camarade masculin, son père, son frère, son époux, son ami ou son collègue, quand elle ne sera plus définie en fonction de lui. Quand elle sera une personne dont les actes et les opinions n'engageront que sa personne".