Souriez, vous êtes filmés...par la police !
C’est un fait-divers qui a indigné la sphère internet tunisienne. Chaque semaine ramène son lot de polémiques. Cette fois-ci, c’est une universitaire qui a accusé, sur les réseaux à coups de posts et de photos, des policiers de l’avoir violentée. Il n’en fallait pas moins pour que la toile s’enflamme et que les médias relayent largement le témoignage de la victime. Les ACAB (acronyme anglais qui se traduit par « Tous les flics sont des salauds », Ndlr), fusent de partout. On monte au créneau, on insulte, on condamne cette mentalité d’impunité chez le policier. Une mentalité qui lui permet d’agresser les citoyens et de commettre tous les abus dans un sentiment de surpuissance. Cette haine du policier foncièrement méchant et qui se prend pour plus fort, bien ancrée dans notre inconscient populaire, ressurgit et se déverse. Et pour cause. La version racontée par la dame est édifiante quant aux pratiques de certains agents qui ont dépassé l’excès de zèle d’une bonne étape.
Visage tuméfié, cheveux en bataille, vêtements déchirés, la dame explique qu’elle a été sommée de s’arrêter au niveau de l’ambassade US. Après un échange avec les agents, l’un d’eux lui a confisqué ses clés, l’a violemment frappée et insultée jusqu’à ce qu’elle perde connaissance, raconte-t-elle. A son réveil, elle se rend compte que les policiers sont en train de la prendre en photo, alors qu’elle était presque nue, sa robe étant déchirée. C’est là que la dame explique qu’elle s’est retrouvée obligée de se défendre face aux agissements des agents qui se sont improvisés photographes pour l’occasion. Emmenée au poste par une autre patrouille, elle demande de l’aide mais on lui enfile les menottes sans daigner l’écouter.
S’en suit donc une vague de soutien et on réclame la tête des flics agresseurs. Sauf que ces messieurs ont eu la « bonne » idée de partager la vidéo de la scène. Un enregistrement qui montre notre universitaire dans un état second et hystérique, jurant comme un charretier proférant des propos orduriers à l’encontre des agents. Un coup de maître des policiers. Retournement de situation, les défenseurs de la dame tombent des nues : « C’est elle, ivre morte, qui s’en est pris aux gentils policiers sans défense qui essayaient de la raisonner ! », se sont-ils écriés. Se déverse alors cette fois, toute la haine misogyne visant les femmes qui boivent de l’alcool –Dieu nous en préserve- et qui, ivres, se croient tout permis…
On en vient, pour certains, à oublier les ecchymoses sur le visage et les vêtements déchirés. Peut-être qu’elle s’est faite agresser toute seule ! D’autres iront même jusqu’à soutenir les efforts fournis par les policiers à « mâter » la mégère. Après tout, elle l’a bien cherché et elle méritait une bonne correction. Les agents n’allaient pas se laisser injurier par une femme, tout de même, sans s’énerver et sans lui servir au moins une petite gifle histoire de la remettre à sa place !
On en vient à omettre que la vidéo a été montée et qu’il y manque une bonne partie. Celle où la dame a été agressée. On en vient à justifier les violences policières sur la base d’un enregistrement de deux minutes où l’on voit une femme, dans un état hystérique, provoquée par des agents qui s’en délectent.
Un policier est censé protéger les citoyens, notamment de comportements dangereux envers eux-mêmes. Dans ce cas de figure, si un agent a des doutes sur l’état du conducteur, il n’a qu’à lui faire subir un alcootest. Un examen suffisant pour l’arrêter et l’emmener au poste en cellule de dégrisement pour la nuit, la procédure prendra alors son cours. Que le conducteur gueule ou profère des insultes cela ne justifie en aucun qu’on lui casse la gueule ou qu’on le filme.
Ce dernier phénomène se propage. Des policiers se sont mis à filmer les citoyens à leur insu, en totale violation de leur vie privée. De plus, la publication des enregistrements est considérée illégale si la personne filmée n’a pas donné son autorisation préalable.
Qui n’a pas subi en personne, assisté ou entendu parler de violences commises par des policiers ? La Tunisie n’est pas le seul pays qui connait ces abus. Partout dans le monde, les abus des forces de l’ordre sont monnaie courante. Pour y faire face, des solutions existent. Dernière trouvaille en date, les caméras embarquées ou caméras-piétons, fixée sur l’uniforme de l’agent. Un dispositif, peu coûteux, qui permettrait de démêler les affaires où la parole de la police est confrontée à celle de la victime. Le but étant de filmer les interventions et de prouver le bon déroulement ou non des échanges avec les citoyens.
Les extraits feraient office de preuves irréfutables sur les conditions d’intervention lorsque celles-ci seront mises en cause par les citoyens ou pour servir par exemple la justice. Ces caméras pourraient aussi améliorer les rapports entre police et citoyens. Le policier sachant que ses interventions sont filmées, penserait à deux fois avant de demander un pot-de-vin ou user de la force.
Avec ça, la scène avec l’universitaire agressée et tant d’autres bavures policières auraient été évitées.