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Chroniques
Le défi d’Ennahdha, ne pas imploser !
Par Marouen Achouri
04/08/2021 | 13:50
5 min
Le défi d’Ennahdha, ne pas imploser !

 

Kaïs Saied n’aura pas fait que renverser, à son avantage, les équilibres du pouvoir exécutif. Il a aussi mélangé indirectement les cartes au sein du parti Ennahdha. Pour le parti islamiste, le plus grand défi est de ne pas imploser, de ne pas amplifier les dissensions internes par l’onde de choc qui est arrivée de Carthage le 25 juillet. Ennahdha ne peut que faire le dos rond en attendant que la tempête passe.

Rached Ghannouchi, leader du parti islamiste depuis des décennies, porte la responsabilité quasi-exclusive de la situation dans laquelle se trouve Ennahdha. C’est ce qu’affirment à tout va les frondeurs au sein du parti islamiste. Les dissensions à propos de la sagesse et de la pertinence de la conduite politique du parti ne sont pas nouvelles, il y a eu des démissions retentissantes liées directement à ce sujet, comme celle de Abddelhamid Jelassi. Il y a eu également l’appel des cent qui réclamait une réelle évaluation des choix politiques du parti durant la dernière décennie, dont Abdellatif Mekki par exemple est l’un des signataires. Toutefois, la série de décisions prises par le président de la République donne un nouveau relief aux critiques de la gestion politique et des choix du parti islamiste. Les critiques de Rached Ghannouchi estiment que ses choix, parfois imposés par le chef du parti ou adoptés à la va-vite au conseil de la choura ont mené vers la situation actuelle. Une situation où Ennahdha est isolé et scrute les menaces qui planent sur son existence même, avec le scénario égyptien de 2013 en mémoire.

 

Plusieurs parmi les leaders du parti s’autorisent depuis des mois à dire que Ennahdha a perdu son cerveau politique. Le choix de Habib Jemli, les démissions de personnes influentes et de caciques du parti, le leadership de ce même parti, la place des jeunes dans les hautes sphères, le sempiternel combat entre les prisonniers et les immigrants, les doutes autour de l’organisation du congrès du parti…autant de virages que Ennahdha a raté ces derniers mois sous l’égide de Rached Ghannouchi. Il a longtemps pu se cacher derrière une garde rapprochée féroce composée principalement de son gendre Rafik Abdessalem, de Noureddine Bhiri et de Abdelkarim Harouni. Mais cela ne semble plus suffire.

 

Ennahdha paye actuellement le prix de deux choix politiques assez discutables. Le premier est celui de soutenir Hichem Mechichi contre vents et marées quitte à faire des acrobaties intellectuelles dont seul Ennahdha a le secret. On multipliait même les manœuvres dernièrement pour constituer un gouvernement politique autour de lui. Les cadors du parti étaient tous d’accord pour dire que le rendement gouvernemental est faible, surtout dans la gestion de la crise sanitaire, mais en même temps ils offraient un soutien inconditionnel au chef du gouvernement. Cette configuration était fortement critiquée par les frondeurs du parti, dont particulièrement Imed Hammami, qui avait demandé, à titre personnel, la démission de Hichem Mechichi. Ils estiment ne pas avoir à payer le prix politique de ce soutien à la Kasbah. Par ailleurs, Ennahdha a couvert et protégé ses alliés que Qalb Tounes et Al Karama. Tous trois ont contribué à donner cette piètre image du Parlement, particulièrement au niveau de sa présidence, assurée par Rached Ghannouchi. Les nominations, la gestion des conflits, la réaction aux actes de violence à l’ARP, les demandes de levée de l’immunité, la gestion du bureau de l’ARP, ont été les titres de l’échec de cette institution. En plus, le chef du parti Ennahdha a tenté, depuis le premier jour, de déplacer l’épicentre du pouvoir au Bardo, au détriment des deux présidences de l’exécutif ce qui a eu le don d’agacer profondément le président de la République.

 

Ce qui nous amène à la deuxième raison : la mauvaise évaluation que Rached Ghannouchi a fait du président de la République, Kaïs Saïed. Le chef du parti islamiste a toujours sous-estimé Kaïs Saïed en pensant pouvoir le maitriser rapidement. Il a commencé par braconner sur ses prérogatives concernant la politique extérieure en recevant des ambassadeurs et surtout en prenant des engagements au nom de l’Etat tunisien. Rached Ghannouchi a également facilité la chute du gouvernement de Elyes Fakhfakh, montrant ainsi à Kaïs Saïed qu’il était loin d’être le seul à décider. Il s’est arrangé avec Nabil Karoui pour « recruter » le nouveau chef du gouvernement Hichem Mechichi et s’est évertué à le soustraire à l’autorité présidentielle pour s’accaparer, à travers lui, encore plus de pouvoir. Il est vrai que le président de la République est loin d’être un foudre de guerre en politique, mais nul ne peut observer ce manège sans intervenir et surtout, rares sont les personnes qui auraient pu résister à autant de provocations. Kaïs Saïed n’en fait manifestement pas partie.

 

Ennahdha s’est isolé et s’est « embourgeoisé » durant les dix dernières années. Khalil Baroumi a déclaré que son parti n’était plus au contact du peuple et n’avait plus ses préoccupations au sein de leurs priorités. Plusieurs autres raisons, en plus de ce qu’il a mentionné, ont amené le parti islamiste à ce stade. Mais le résultat est que le parti Ennahdha représente, à lui seul, toute la déliquescence de la scène politique tunisienne. Les gens vont jusqu’à préférer l’inconnu, avec tous ses dangers, au fait de continuer avec Ennahdha au pouvoir.

 

Seul Kaïs Saïed peut sauver Ennahdha. S’il n’a pas de plan précis pour gérer la trentaine de jours de « parenthèse démocratique » qu’il s’est accordé, s’il cafouille et que rien n’est fait concrètement, Ennahdha retrouvera sa position hégémonique, tôt ou tard. Napoléon Bonaparte disait : « N’interrompez jamais un ennemi qui est en train de faire une erreur ». C’est, semble-t-il, la tactique choisie par le parti islamiste. Autre poumon possible pour Ennahdha : le soutien étranger. Cela peut être un soutien direct comme celui de la Turquie ou du Qatar, comme depuis dix ans. Chose que l’UGTT a dénoncé à l’issue de la réunion de sa commission administrative. Le soutien peut également être indirect. Si jamais le président de la République dépasse le délai fatidique des trente jours, les chancelleries et les pays frères et amis, y compris parmi les plus proches, ne pourront plus soutenir Kaïs Saïed ou faire la sourde oreille à ce qui se passe en Tunisie. Par conséquent, toutes les réserves qu’ils pourront exprimer à ce sujet tomberont directement dans l’escarcelle d’Ennahdha.

 

Au final, Kaïs Saïed a pris, de manière contestable, les clés du pouvoir. Maintenant, il se doit de bien les utiliser. Toute erreur du président de la République est un argument de plus pour la thèse du putsch soutenue par les islamistes. Kaïs Saïed peut affaiblir considérablement Ennahdha, mais il peut aussi le remettre en selle et le rendre plus fort qu’avant.

Par Marouen Achouri
04/08/2021 | 13:50
5 min
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Commentaires
zozo Zohra
Ah le revoilà
a posté le 10-08-2021 à 14:16
Cet article qui avait disparu.
nazou de la chameliere
Nahdha
a posté le 05-08-2021 à 12:02
Est devenue aussi débile que les autres !!
Tout le monde se bouffe la gueule !!!
Pendant ce temps là , le facho fini de tisser sa toile !! Et fignoler son appareil secret !!!
Diviser pour régner !! C'est la devise des démoniaques !!!
hamadi
quel bordel !!!!!!!!!!
a posté le 05-08-2021 à 08:55
la chute de ton article résume la situation ( politique ) du pays.
Lectrice
Tone deaf
a posté le 05-08-2021 à 02:13
C'est tout ce qui t'inquietes en ce moment au point d'y consacrer une chronique? Le peuple tunisien veut la disparition definitive de la pieuvre Ennahdha, il l'a exprime a maintes reprises depuis 2013, tu comprends ca?
Forza
Ennahdha se trouve dans un tournant
a posté le 04-08-2021 à 18:37
Son futur va dépendre des personnes qui vont prendre son leadership. Si des personnes comme Barhoumi, Imed Hammami ou encore Dilou prennent la direction, je pense qu'Ennahdha perdra ses sympathisants a des mouvements plus radicaux comme Karama. Si en revanche des militants de principe comme Mekki ou un Jlassi (s'il revient) prennent la destinée du mouvement en main, elle a toute les chances de profiter de la crise pour se renouveler.
AN
@Forza: C´est une chance enorme pour Ennahdha!
a posté le à 19:53
Bientôt tout le monde saura que c'est Ennahdha qui a aidé le RCD de gouverner après Ben Ali et même jusqu'à ce jour : Il a contribué à ralentir la révolution et les réformes du pays.
En ce moment, c'est l'occasion pour Ennahdha de se réformer de l'intérieur avec des cadres modernes et plus jeunes. Ennahdha est le seul parti qui a une part sûre (naïve) d´électeurs : Mon père, ma mère, ma tante et mon oncle.. Tout comme les agriculteurs pieux et ignorants d'Europe qui votent essentiellement pour les partis chrétiens..(Allémagne, Italie..)

Pour le moment, Ennahdha n'est plus au pouvoir et donc hors de la ligne de mire : voyons ce que les RCDistes Putschistes peuvent faire seuls maintenant!

Dans cette situation Ennahdha ne peut pas perdre grand chose, au contraire elle se débarrassera des vieillards et attendra confortablement les prochaines élections..

A suivre..
Cassius
Rêve petit rêve
a posté le à 20:50
@AN - C'est un avis ou un souhait ? C'est le résultat d'une analyse ou l'envie profonde d'un Nahdhaoui qui souhaite relancer la machine ? L'espoir fait vivre, surtout les idiots !
MH
Nahdha sans RG ce n'est plus Nahdha
a posté le 04-08-2021 à 17:36
RG est, au propre comme au figuré, en fin de vie. L'homme est fatigué et malade et n'est plus en mesure de mener aucune guerre (politique j'entends). Personne n'est prêt à porter les armes pour lui non plus, après tout ce qui s'est passé. Il aurait dû se retirer il y a bien longtemps déjà et préparer sa succession, ce qu'il a obstinément refusé de faire. Il est le premier et dernier responsable de la fin tragique de ce mouvement.
Gg
En même temps...
a posté le 04-08-2021 à 17:22
...si Nahda implose, est ce grave?
Il serait très profitable à la Tunisie qu' Il soit remplacé par un parti religieux, certes, mais républicain et respectueux des différences et de la pluralité. Fi de la charia, des relations intimes avec les terroristes, fi des frères musulmans.
Maintenant, K.Saied a magnifiquement trompé les islamistes, mais il s'agit pour lui de se dépêcher de parachever son coup de maître...
Chtourou
Post
a posté le 04-08-2021 à 16:40
Tout à fait logique
Welles
Incompréhension
a posté le 04-08-2021 à 15:50
Je n'ai jamais compris ce chroniqueur. Tout le monde s'accorde pour dire que le parti islamiste est un parti corrompu qui est à l'origine de cette descente en enfer et lui tel qu'il est décrit il semble qu'on peut toujours faire avec.Monsieur le chroniqueur il faut se débarrasser de ce parti la Tunisie ne peut s'en sortir que si l'islam politique disparaisse du paysage tunisien
A4
Un avis:
a posté le 04-08-2021 à 14:51
Trois choses dont je suis certain:
1) KS n'a pas la "culture politique nécessaire" qui lui permet de gérer la nouvelle situation. Est-il capable de comprendre que le temps joue contre lui, qu'il doit au plus vite nommer un chef de gouvernement et programmer un référendum et des élections . . . tant que le fer est encore chaud ? 10 % oui, 90 % non !
2) La secte nommée nahdha a déjà explosé. Ce n'est pas un parti, puisque sans doctrine ni principes, c'est juste une "association de malfaiteurs" voire d'assassins ! Chaque membre de cette mafia ne pense plus maintenant qu'à sauver sa tête, quitte à enfoncer ses ex-associés. C'est le syndrome "nidaa" qui les attend !
3) Etre un opposant et démolir, c'est une chose. Mais être aux commandes et construire, c'est une autre paire de manches ! Cela demande d'autres compétences qu'un simple "opposant" n'a généralement pas. Cela fait 10 ans que nous vivons cette expérience: ceux qui étaient sensés construire, n'ont fait que détruire: c'est la SEULE et UNIQUE chose qu'ils savent faire. Hélas.
La chose la plus difficile à voir pour un être humain, c'est sa limite de compétence !!!
A bon entendeur, salut !
Waterloo
@ A4 ..................
a posté le à 16:41
the US don't share your opinion, regarding Nahdha.
either you are very clever, or the US very stupid.
guess who ?
GZ
@ waterfall
a posté le à 18:48
As you well know, recently the US army left Afghanistan and gave it to the talibans on a tray.
Now, whatever they could think about Nahdha, we don't care. It's our business. They don't have to tell us how to deal with our talibans.
Nahdha is over.
" Things ain't what they used to be "*. Wake up !
For haven's sake, stop weeping!

* Duke Ellington.
Lilia
'The US'
a posté le à 17:17
'The US'?' on s'en balance. La Tunisie est NOTRE pays et nous, le peuple, nous prendrons notre destin en main et nous lutterons farouchement contre toute ingérence étrangère.
A4
C'est la révolte des . . . brebis !
a posté le 04-08-2021 à 14:15
LES BREBIS
Ecrit par A4 - Tunis, le 03 Août 2021

Les brebis galeuses se rebellent
De la toute moche à la pas belle
De celle qui boîte la tête baissée
A celle qui traine les pattes cassées
De celle qui bêlent tout au fond du champ
A celle muette au regard méchant

Elles s'insurgent, crient au loup-garou
Contre leur berger, leur grand gourou
Elles gueulent et râlent du matin au soir:
"C'est lui seul la cause de nos déboires !"
Elles protestent toutes, crient au scandale
"C'est lui qui nous a donné la gale !"

Ont-elles omis que depuis longtemps
Depuis trente ou même quarante ans
Elles le suivaient en troupeau docile
Les yeux fermés comme de vrais débiles
Oreilles rabattues, têtes baissées
Comme de sales clebs qu'il a bien dressés

Elles le suivaient sans lui dire un mot
Et trouvaient belle sa gueule de chameau
Elle ne disaient rien, l'herbe était verte
Pourquoi grogner ou donner l'alerte ?
Pourquoi dire que la gale était là
Quand elle n'affectait pas leurs smalas ?

Elles se révoltent pour sauver leurs têtes
Retournant leurs peaux et leurs casquettes
Elles font semblant d'être en désaccord
Le temps de maquiller le décor
Le temps de rouler dans la farine
Sots et sottes, crétins et crétines

Il ne suffit de faire profil bas
En proposant dialogue et débat
Il faut avouer forfaits et crimes
Avouer en ce moment ultime
Comment votre vil gourou déchu
A assassiné les moustachus ?