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Aux soignants, la patrie non-reconnaissante !
23/04/2020 | 20:59
6 min
Aux soignants, la patrie non-reconnaissante !

 

En ces temps de crise sanitaire majeure, beaucoup de Tunisiens ont soudainement découvert le caractère vital d’un système de santé performant. La pandémie a dévoilé l’état de délabrement de nos hôpitaux, le manque de moyens et les conditions impensables dans lesquelles exercent nos soignants. En première ligne face au Covid-19, le minimum que pouvait faire l’Etat, était de tout mettre en place pour leur faciliter la tâche. Sauf qu’on est très loin du compte.

 

« L’armée blanche », « nos soldats en blouse », « notre rempart contre le fléau », sont tout autant de qualificatifs que nos gouvernants nous ressortent avec force emphase au détour de chaque discours.

Mais derrière les discours que reste-t-il ? Les soignants tunisiens qui font face à la plus importante crise sanitaire depuis plus d’un siècle sont concrètement démunis. Ceux qui mettent leur vie et celles de leurs familles en danger parce qu’ils ont choisi cette profession et le service public se verront récompensés pour les heures de travail harassant, les gardes interminables, en voyant leur salaire ponctionné. C’est ainsi qu’a décidé l’Etat tunisien. Sous d’autres cieux, notamment en France, le gouvernement a annoncé une prime exceptionnelle pour tous les personnels hospitaliers et une revalorisation des indemnités de garde. La Tunisie n’est pas la France certes. D’ailleurs, les soignants ne demandent pas plus que des conditions acceptables et des équipements leur permettant de se protéger et de pouvoir prodiguer des soins décemment. Mais, notre « armée blanche » ne s’attendait pas à ce qu’on lui prélève le jour de salaire décidé par Elyes Fakhfakh et qui concerne l’ensemble de la fonction publique pour contribuer à l’effort national. Une situation ubuesque. Le personnel hospitalier ne contribuerait pas assez dans cet effort ? Les condamnations n’ont pas tardé à fuser.

 

Le président de l’Organisation des jeunes médecins tunisiens, Jed Henchiri est monté au créneau, en dénonçant un prélèvement touchant les internes et résidents de 60 et 180 dt. « Depuis le début de la pandémie, nous avons mis à la disposition du ministère de la Santé une liste de médecins volontaires. Des confrères ont même fait des collectes de dons pour acheter des équipements de protection pour les hôpitaux en première ligne. C’est notre devoir ! Mais nous avons été surpris par ce prélèvement, d’autant que nous n’avons pas été consultés. Et puis, nous sommes en premières lignes. Il faut savoir que les internes et résidents ne bénéficient pas d’une prime de contamination. C’était l’une de nos revendications depuis des années, mais en ces temps de crise, nous n’avons rien réclamé et nous avons continué à travailler. Un interne ou un résident touche en moyenne 1200dt pas plus ! ».

Jed Henchiri exprime ici le désarroi de la majorité des jeunes médecins qui effectuent des gardes « Covid » pendant 24h durant sept jours. Il évoque aussi le problème du logement des médecins qui se retrouvent acculés à louer des appartements près de leur lieu de travail. Certains, ne pouvant plus rentrer chez eux de crainte de contaminer les membres de leur famille, il faudra donc imaginer les dépenses supplémentaires. M. Henchiri fustige les manquements du ministère de la Santé et il n’est pas le seul. Les photos de soignants attendant, après la fin de leur tour de garde, avec leurs valises que le département leur trouve un logement ont fortement scandalisé la profession.    

C’est le cas du personnel soignant de l’hôpital Abderrahman Mami exclusivement dédié aux patients Covid+. Ils devaient entamer le confinement de 14 jours post-service, mais le ministère n’a pas prévu de lieu d’hébergement. Selon docteure Lamia Kallel, il a fallu que la municipalité de l’Ariana intervienne et que les propriétaires d’un hôtel fassent un geste citoyen en acceptant de les héberger.

D’un autre côté, le président de l’Organisation des jeunes médecins exprime la crainte de voir tous les dons versés pour aider les hôpitaux tunisiens se transformer en compensations pour les entreprises. Il persiste et signe en affirmant que c’est le personnel hospitalier, du médecin au technicien, ainsi que la société civile qui sont en train d’œuvrer pour assurer les moyens de protection et la nourriture. « Nous n’avons rien vu de la part du département ! ». Mais ceci est une autre histoire et les mois à venir le prouveront.

 

En plus des charges supplémentaires pour louer des maisons, ce sont les déplacements du personnel ne disposant pas de voiture individuelle qui en rajoute une couche. En l’absence de transport public, puisque tout le pays est pratiquement à l’arrêt, les soignants payent de leur poche des taxis pour se rendre aux hôpitaux. Le témoignage du docteur, Mohamed Douagi, chef de service de réanimation néonatale à l’hôpital militaire illustre ce problème. Virulent et très critique à l’encontre du chef du gouvernement, Mohamed Douagi relate les mésaventures d’une infirmière en temps de Covid-19. « Aujourd’hui (le 21 avril), une infirmière est venue vers moi pour s’excuser d’être arrivée en retard. Elle a justifié cela par le fait qu'elle a déjà dépensé beaucoup d'argent dans des aller-retour en taxi, qu'elle n'a plus les moyens et qu'elle a dû attendre de trouver un bus au bout de 2 heures. La surveillante est intervenue pour me décrire l'état piteux de l'infirmière à l'arrivée dans le service en raison de la fatigue et du trajet dans un bus bondé suivi d'un long trajet à pied ».

Le médecin a fustigé la décision du prélèvement d’un jour de travail qui a touché le personnel hospitalier, en se lançant dans cette diatribe : « Je tiens à vous présenter mes remerciements Mr le chef du gouvernement et à votre ministre d'Etat le justicier Abbou pour le respect que vous avez pour le corps soignant, qui non seulement continue à travailler et sauver des malades et qui au lieu de mériter un geste financier de compensation se voit voler la paye d'une journée de travail.
Je voudrai
s aussi vous remercier de penser aux jeunes résidents internes et résidents et de leur voler une journée de travail à...180 dinars (même moi au plus haut grade et près de la retraite ne gagne pas ça par jour ) alors que leur salaire mensuel va de 800 à 1200 dinars par mois et qu'une garde en net est de 16dt et 32dt pour 18 h de calvaire sans récupération respectivement pour l'interne et le résident ».

Exprimant le ras-le bol de tout un pan de la profession, Dr Douagi a conclu en ces termes : « Merci messieurs les gouvernants, nous n'espèrons plus rien de vous. Si nous continuons, c'est parce que nous avons prêté le serment d'Hypocrate et non le serment d'hypocrite récité au ministère de la Santé. C'est aussi parce que nous avons choisi un métier humanitaire ».

 

La Tunisie a plus que jamais besoin de ses soignants, reconnus à l’échelle internationale pour leurs compétences. En retour, l’Etat n’a trouvé de mieux pour récompenser leurs efforts que d’appliquer sans discernement aucun une retenue sur salaire.  Sous d’autres cieux, on consacre une minute par jour pour applaudir leur courage et les remercier. D’ailleurs, c’est vers ces autres cieux que des milliers de nos médecins, dont la formation a été financée par le contribuable tunisien, partent.

 

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Ikhlas Latif

23/04/2020 | 20:59
6 min
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Commentaires
Ben Messaoud+
Caractère de subsistance !
a posté le 24-04-2020 à 13:32
La pension a un caractère purement de subsistance ,. En conséquence, elle ne devrait subir aucun prélèvement. C'est contraire, même à sa définition .
Peut-être pour les pensions qui dépassent un certain montant, le pouvoir public pourrait en déduire, mais pour la majorité écrasante des retraités, nous pourrons le considérer que c'est un mauvais pas ou pas mal calculé par le gouvernement.
Ben mansour
Un prélèvement injustifié!
a posté le 24-04-2020 à 13:28
Il suffit seulement d'observer le danger dans la présence de ces internes , résidents et tout le corps médical et para-médical , ainsi que tous les fonctionnaires travaillant dans les hôpitaux et les conséquences d'un risque de contamination sur des familles entières pour s'en rendre compte que ce prélèvement ne pourrait jamais être justifié.
En fait, au contraire , il faudrait les encourager par des primes , à l'instar de la France qui a fixé des montants variables entre 500 euros ( soit environ 1600 Dt) et 1000 euros soit ( 3150 DT) pour tout employé qui est resté en activité - par obligation - durant le confinement .
Ce sont des procédures et des interventions, en réalité qui sont incomparables !!!!
Pourquoi ?
Est-ce que les cerveaux de nos décideurs n'arrivent pas à digérer des telles logiques ?
Il faudrait en revoir et se rétracter s'il en faut pour donner à César ce qui lui en revient !
Il n'est jamais tard de corriger le tir surtout devant des ' salaires ' médiocres des internes et des médecins. Ces jeunes qu'il faudrait en courage par tout moyen et non pas les décevoir malgré leur courage
Tontonfrance
Hôpitaux de Tunisie
a posté le 24-04-2020 à 13:25
Il fallait le signaler depuis longtemps
keftagi
faux
a posté le 24-04-2020 à 13:23
C totalement faux de dire que le Covid-19 a dévoilé la situation délabrée de nos hopitaux !!!!
Nous le savions depuis le début des temps puisque nous le vivions à travers nous mêmes , nos enfants ou bien nos pauvres parents
Article désuet et inutile
Citoyen de Tunisie
Pas la patrie mais le gouvernement
a posté le 24-04-2020 à 11:20
Et en parallèle il laisse les barons du trafic en tout genre agir en toute impunité.
Il retient un jour de salaire même aux retraités.
Au fond, on ne fait que récolter ce que l'on a semé depuis 2010.
k.Hamida 7806
Respect aux soignants des centres covid..
a posté le 24-04-2020 à 01:25
Malheureusement, il a suffi qu'il y ait ce virus pour que l'on découvre la pauvreté de nos cadres médicaux.
Les seules images que tout le monde retiendra, sont
- celles où des malades étaient restés prisonniers dans des ambulances pendant des heurs car refoulés par es infirmiers, les ouvriers et les concierges de l'hôpital où ils ont été dirigés
- celles des personnels médicaux protestant DEVANT les hopitaux contre les comportement de leurs collègues dans d'autres
- les images des dispensaires et des hopitaux publics fermés à double tour devant les citoyens sous prétexte que les cadres médicaux ne sont pas équipés en masques et gants ..
Dans les hôpitaux français, italiens et espagnols, les médecins et infirmiers ont bradé leurs familles et ont choisi le confinement dans leurs établissements pour sauver des vies.. Ils ont payé de leur vie pour en sauver d'autres..
Des médecins et infirmiers retraités ont répondu à l'appel du devoir et ont accouru faire du bénévolat pour aider leur collègues.. En l'absence de sur-blouse, on a vu des médecins se couvrir de grands sacs de plastique (sachet poubelle) pour se protéger et mener à bien leur travail.
D'ailleurs, les citoyens de ces pays, conscients de leurs sacrifices n'ont pas arrêté de leur exprimer leur gratitude (applaudissements, chansons, banderoles ,repas...).
Où sommes nous de tout ça?
C'est vrai que chez nous, de valeureux médecins et infirmiers se sont voués au service des patients atteints par ce vilain virus, mais ceux là on les a pas vus , et ils étaient très discrets. Eux méritent qu'on s'incline devant eux et qu'on leur exprime par tous les moyens notre amour et notre respect
Le mekki que nous avons toujours vu, a voulu apparaitre sur le devant de la scène, comme étant l'artisan de leur réussite
Dieu merci, le nombre de cas atteints est demeuré assez bas et ceux des cas nécessitant les soins intensifs aussi; ainsi le personnel soignant n'a pas été débordés et les 270 lits équipés du service public ont jusque là répondu à la crise..
TAW TCHOUFOU
HONTE ET FAUX PAS !
a posté le 24-04-2020 à 01:10
Cette " armée blanche " devrait être aidé et récompensé pour la véritable guerre qu'elle mène contre le covid-19 , surtout qu'elle manque largement de moyens et que ses conditions de travail sont dégradés !
Non seulement ce gouvernement aurait pu se montrer plus " humain " et reconnaissant en l'exonérant de ce racket , mais il aurait du lui accorder une prime pour son attachement à la santé des contribuables et son abnégation au travail !
Les soldats de cette armée travaillent jour et nuit et ne comptent pas leurs heures , ils rentrent à la maison avec la peur de contaminer leurs familles et partent au travail la boule au ventre !
Mais apparemment , tout ça ne compte pas pour notre courageux gouvernement , car ces médecins , internes , infirmiers .... se doivent d'être taillables et corvéables à souhait !
Merci bwana Fakhfakh !
Alya
Merci cher ami
a posté le 23-04-2020 à 22:34
Vous avez juste oublié de détailler les montants bruts des gardes des jeunes médecins qui doivent paye les impôts à chaque qu ils ont travaillé 24 heures de suite .ça réveillera et le gouvernement et tous les évadés fiscaux .je pense qu ils imposes a 25/100
Giselle
La patrie non reconnaissante
a posté le 23-04-2020 à 21:17
C'est incroyable !! Quel gouvernement de merde !! Les médécins, soignants/soignantes, toutes le personnel hospitaliers merite un bonus exceptionnel. Non, pour les remercier on leurs enlève un jour de leurs salaires, déjà un minimum. Que ferait le "ministre" Mekki derrière se douzaines de Micros chaque jour, si il devait annonces des dixaines même centaines de morts. Grace à notre staff hôspitalier, qui se sacrifie, en vrai sens du mot, le pays se en sort admirablement. Dans des autres pays on applaudis les soignantes, ici on leurs coupe un jour de leurs salaires. J'espère que les politiques avec leurs millier de dinars/mois, voitures Q5, Q7 à gogo et avantages revient sur cette décision. C'est une honte !!! La grande gueule Abbou est ou et le "président de toutes les tunisien", le chacal Le président de la Republique, Kais Saied, devrait intervenir !!
DHEJ
Pauvre de toi...
a posté le 23-04-2020 à 21:00
Mais ça a toujours été comme ça avec le système fiscal.

Il impose toute personne travaillant de nuit comme ceux travaillant du jour!

Lamine
Don
a posté le 23-04-2020 à 20:52
Le maçon, le coiffeur, l électricien qui gagne plus que moi le fonctionnaire,il ne fait de don , pire il s inscrit pour recevoir une aide de 200d.
Meskina bladna