alexametrics
vendredi 19 avril 2024
Heure de Tunis : 03:10
A la Une
Tunisie - Les raisons d'un revirement dans le traitement avec Ansar Al Chariâa
21/05/2013 | 1
min
Tunisie - Les raisons d'un revirement dans le traitement avec Ansar Al Chariâa
{legende_image}

Pour la première fois depuis le début des incidents terroristes en Tunisie, le chef du gouvernement, Ali Laârayedh, parle de liens d’Ansar Al Chariaâ avec le terrorisme. Pourtant, que ce soit pour Rouhia, Bir Ali Ben Khelifa ou Fériana, et malgré le fait que les éléments impliqués aient toujours eu des profils jihadistes rigoristes, proches de la mouvance d’Ansar Chariaâ, il n’a jamais été question d’accusation directe conte ledit groupe. Y aurait-il donc du nouveau à ce propos pour que le chef actuel du gouvernement sorte de sa réserve habituelle ?

Les observateurs ont régulièrement constaté que les autorités ont toujours évité d’établir un lien organique entre Ansar Chariaâ et le réseau terroriste d’Al Qaïda du Maghreb islamique (AQMI). Cette réserve était la devise jusqu’au point de presse du 6 mai à la présidence du gouvernement lorsque le porte-parole du ministère de l’Intérieur avait parlé des 37 arrestations en liaison avec la Katiba Okba Ibn Nafaâ à Jebel Chaâmbi, suite aux explosions des mines terrestres.
Le ton a changé lors du week-end des 11 et 12 mai. Des tentes de prédication ont été interdites en usant de bombes lacrymogènes. Le ministère de l’Intérieur a haussé le ton à l’adresse des salafistes.
Et si le ministère de l’Intérieur a durci le ton contre les salafistes, la raison ne saurait se résumer au changement à sa tête avec l’avènement de Lotfi Ben Jeddou à la place d’Ali Laârayedh. Le second étant l’actuel chef du gouvernement et ayant toujours la ‘haute main’ sur la politique à mener en matière de sécurité. Ce seraient plutôt les dernières découvertes concernant les liaisons dangereuses d’Ansar Chariaâ avec Al Qaïda du Maghreb islamique et leurs desseins pour la Tunisie qui auraient changé la donne.

Le conditionnel est imposé par le flou avec lequel Ali Laârayedh a entouré cet attribut, ‘terroriste’, nouvellement utilisé par le chef du gouvernement, contre les salafistes rigoristes. Ceux-là mêmes qui ‘annoncent une nouvelle culture’ et ‘rappellent sa jeunesse au leader du mouvement islamiste d’Ennahdha, Rached Ghannouchi’, pas plus tard qu’en mars dernier.
Pour comprendre le changement du discours officiel, il est utile de revenir sur la manière avec laquelle les propos d’Ali Laârayedh ont évolué. En décembre 2012, et à une question portant sur les liens présumés entre Ansar Chariaâ et la ‘Katiba Okba Ibn Nafaâ’ que l’AQMI tentait d’installer en Tunisie, le ministre de l’Intérieur d’alors avait répondu : ‘l’AQMI recrute parmi les sympathisants d’Ansar Chariaâ. C’est sûr ! Mais, nous n’avons pas encore établi de liens entre les deux structures. Nous ne saurons donner une réponse ferme à cette question’.

Depuis décembre, et selon les déclarations des ministères de l’Intérieur et de la Défense, ‘il y a eu une quarantaine d’arrestations en rapport avec cette Katiba, qui sont toutes dans la mouvance proche d’Ansar Chariaâ’. Mais, jusqu’à la toute dernière conférence de presse citée plus haut, malgré le soutien présumé de cette mouvance aux maquisards de Kasserine, leur vénération du ‘Cheikh martyr Oussama Ben Laden’ et le fait que leur leader, Seifallah Ben Hassine, alias Abou Iyadh, soit un ancien lieutenant du chef d’Al Qaïda, les deux ministères n’ont jamais déclaré de lien organique entre l’AQMI et Ansar Chariaâ.
Plus encore, leurs tentes de prédication n’ont jamais été perturbées, malgré leurs discours violents et leurs prêches incendiaires, ce qui a poussé l’opposition à accuser régulièrement le gouvernement de la Troïka, notamment Ennahdha, de connivence avec les salafistes jihadistes.
Donc, face à ce durcissement dans les discours et les actes du gouvernement contre Ansar Chariaâ, et faute d’une communication gouvernementale transparente sur la question, on ne peut que présenter les analyses d’observateurs.

Pour l’islamologue, Néji Jaloul, il y a deux raisons derrière ce revirement. D’une part, Ennahdha ne peut plus se cacher la vérité évidente du lien organique entre Ansar Chariaâ et l’AQMI. ‘Ils prêchent les mêmes objectifs. Les sympathisants d’Ansar Chariaâ ont manifesté à Kasserine en soutien aux maquisards. L’aide logistique est assurée par ces mêmes sympathisants. Le lien organique est évident sur le terrain, comme au Mali et en Syrie’, a-t-il souligné. ‘Le trouble-fête, servant à mater l’opposition, pourrait devenir dangereux pour ceux qui l’ont entretenu’, a ajouté l’historien, parlant du rapport trouble entre Ennahdha et les salafistes jihadistes.
D’autre part, le mouvement Ennahdha commence à ressentir l’usure de la sympathie populaire dont il a bénéficié lors des élections du 23 octobre 2011 et pas uniquement à cause de ses défaillances socioéconomiques. La recrudescence violences perpétrées par des salafistes rigoristes commence à déranger, en raison, surtout, de leur aspect violent qui porte atteinte au visage de la Tunisie.
‘Les retours des investisseurs et des touristes ne pourraient se réaliser sans le retour du calme. Il fallait impérativement rétablir la confiance dans le site Tunisie’, n’ont cessé de réclamer les hommes d’affaires et les institutions internationales de notation et de crédits, a martelé Néji Jaloul.

De telles raisons seraient à l’origine du revirement des autorités par rapport aux salafistes. Il n’empêche que, pour le commun des citoyens, cette action anti-salafiste jihadiste a été classée à l’actif du nouveau ministre de l’Intérieur, l’indépendant Lotfi Ben Jeddou, qui s’est éloigné de ‘la complaisance de son prédécesseur, Ali Laârayedh, en matière de lutte contre les groupes extrémistes.

Mounir Ben Mahmoud
21/05/2013 | 1
min
Suivez-nous