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Tunisie - polémique ou stratégie marketing : jusquâEUR(TM)où ira Nessma ?
12/03/2010 | 1
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Tunisie - polémique ou stratégie marketing : jusquâEUR(TM)où ira Nessma ?
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En l’espace de trois semaines, la chaîne de télévision privée Nessma TV a "réussi" à soulever la polémique dans le Tout-Tunis : articles de presse, éditoriaux, chroniques, tables rondes…Un vrai tohu bohu dans la scène médiatique tunisienne suite à plusieurs provocations lancées par les animateurs de la chaîne, voire par son directeur lui-même.
Et si c’était une stratégie délibérée de la part de Nabil Karoui, ce patron d’agence de pub devenu patron de télévision ? L’essentiel n’est-il pas qu’on parle de lui et de sa chaîne, que ce soit en bien ou en mal ?

Difficile de ne pas faire un parallèle quand on connaît Nabil Karoui, patron de Nessma TV et patron de l’une des plus importantes agences de publicité en Tunisie. Difficile de ne pas faire le parallèle quand on connaît le très médiatique Silvio Berlusconi, président du Conseil italien et actionnaire de plusieurs chaînes de télévisions italiennes et de 25% de la chaîne tunisienne Nessma TV.
Difficile, en effet, de croire que ces polémiques, qui se multiplient ces derniers temps, ne sont que le fruit du hasard, de l’entrain et du manque d’expérience des animateurs. Pendant des mois, Nessma ne soulevait aucune vague. Et puis, soudain, elle en soulève un peu trop.

Le nombre de partisans de cette thèse ne cesse de croître en accusant la chaîne, non seulement de multiplier les polémiques pour qu’on parle d’elle, mais également de mettre en place un stratagème marketing savamment réfléchi et préparé pour essayer de gagner quelques points d’audience.
Un an depuis sa création, et nonobstant la parenthèse ramadanesque et celle de la Coupe d’Afrique de Hand, Nessma TV a beaucoup de mal à s’imposer dans le paysage médiatique maghrébin.
Les plus méfiants et suspicieux ne manquent pas d'arguments pour justifier leurs hypothèses.
Pour eux, la chaîne du Grand Maghreb pratique une tactique qui va crescendo, à commencer par le sketch de Saoussen Mâalej, accusée de dépasser les normes de la bienséance puisqu’elle s’est permis de signaler que l’animateur avait 50 cm sous le pantalon et autres termes (qualifiés de vulgaires) inhabituels au paysage médiatique.
Un sketch qui a provoqué un tollé général auprès de l’opinion publique. La réaction des usagers du réseau communautaire Facebook, a été épidermique : pas moins d’une vingtaine de groupes créés, au cours de ces trois dernières semaines.
Les deux principaux groupes, baptisés "Pour la fermeture de Nessma TV" et "Anti Sawssen Maâlej (Ness Nessma) pour les mkach5ines", regroupaient 4223 membres. Et voilà un argument de taille pour les partisans de la thèse du stratagème en accusant la chaîne d’inventer et d’user d’une nouvelle forme de marketing interactif. En créant du buzz autour du sketch sur Facebook, l’objectif est atteint. On ne parle que du sketch, de Saoussen Maâlej et de Nessma. Le potentiel en termes de cible est énorme sachant qu'il y a 1,2 million d'adhérents tunisiens sur ce réseau communautaire !

La deuxième affaire est celle de "Sigma Conseil". Lors d’une conférence de presse, tenue vendredi 29 janvier 2010, Nabil Karoui accuse l’agence de mesure d'audiences de falsifier les chiffres. Il a dit en substance : "Au passé, nous avons collaboré avec cette agence qui nous a vendu des taux d’audience en Algérie et au Maroc, sans mener de véritables enquêtes sur le terrain. Autrement dit, c’était du vent.
Cette mise en cause de la crédibilité de Hassen Zargouni, patron de Sigma, n’a pas fait mouche. On ignore si c’était une tentative délibérée de la part de M. Karoui, mais il est clair qu’on n’en a pas beaucoup parlé pour une raison toute simple : Hassen Zargouni ne répond jamais publiquement aux polémiques et ne les alimente pas ! Peu importe ce que dit de lui le patron d’un média, il continue à travailler tranquillement avec pour seul objectif, mériter la confiance de ses nombreux clients.
Toujours est-il que pour les adeptes de la thèse de la stratégie marketing, bien échafaudée, la provocation de Nabil Karoui n’était pas gratuite.

Le troisième épisode de cette série inédite de dérapages télévisuels n’était que ce bien beau reportage " truqué" sur les relations avant le mariage, un vrai sarcasme pour les uns, un manquement de professionnalisme pour les autres et un coup de marketing très bien réussi pour les méfiants. Leur justificatif : les responsables de la chaîne auraient pu visionner le reportage avant sa diffusion. Mais ils ont préféré provoquer l’opinion publique tout en sacrifiant les règles les plus basiques de la profession. Des citoyens choqués, des médias prêts à l’assaut pour malmener la chaîne, des Facebookeurs irrités, toute une opinion publique qui réclame, à cor et à cri, des " mesures " envers cette hérésie télévisuelle.
Pour nos éternels suspicieux, la chaîne a fait bel et bien un plongeon dans une piscine vide sans avoir la crainte d’être naufragée. Au contraire, Nessma profitait à fond en s’attirant l’"antipathie" de tout le monde. C’est là l’essentiel. C'est que cette "antipathie" contribue, à faire grimper les taux d’audiences encore et encore et attirer l'intérêt des annonceurs que M. Karoui, avec sa casquette de publiciste, sait séduire.
Surfant sur la vague, Nabil Karoui provoque une conférence de presse pour présenter ses excuses aux médias. Les journaux, bien obligés, publient le lendemain comptes-rendus, articles et même interviews. De la pub et de l’exposition toutes gratuites pour Nessma !

La dernière goutte, celle qui a fait déborder vraiment le vase, c’est le face-à-face Samira Dami et Maha Chtourou. Une confrontation entre deux chroniqueuses, entre deux médias.
Rappel des faits. Samira Dami a qualifié Maha Chtourou de "la tata rapporteuse et cafteuse", dans un article publié sur les colonnes de La Presse, journal public réputé sérieux et discret ne se permettant jamais ce genre d’écarts. D’autant plus que la déontologie n’est pas vraiment respectée quand on sait que le terme "tata" signifie dans l’inconscient populaire, notamment dans certains quartiers, de "pétasse" au pire, de "garce" au mieux.
Se sentant agressée par "ces qualificatifs", portant atteinte à sa personne, Maha Chtourou, l’animatrice de Nessma, n’a pas manqué de réagir. Avec la complicité de son patron, sans aucun doute.
Dans un sketch diffusé (à quatre reprises) les jours suivant la publication de la chronique de Mme Dami, l’animatrice a concocté un sketch où elle porte atteinte à la personne de la journaliste, son image et ses compétences.
Au vu des sketchs diffusés en France et particulièrement Canal + (d’où s’inspire Nabil Karoui et l’émission Ness Nessma), il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Ce qu’on appelle atteinte ici en Tunisie est appelé liberté de parole et d’humour en France.
Samira Dami ne considérera cependant pas les choses ainsi et crie au scandale. Elle est soutenue par un très grand nombre de ses collègues et par le syndicat des journalistes qui publie un communiqué exigeant de Nessma des excuses. Le communiqué est publié dans quelques médias (y compris La Presse, d'habitude plus discrète) et, naturellement et inévitablement, tout le monde parle de Nessma. On va droit au procès et la direction de la chaîne soutient son animatrice, puisqu’elle n’a pas été la première à porter préjudice et déclencher l'attaque. En substance, on comprendra qu’ils sont prêts à ce que tout le monde aille en procès. Car s’il y a procès, il y a couverture médiatique. En clair, on va s’occuper de Nessma, on va parler de Nessma, on va suivre les émissions de Nessma pour pouvoir juger son contenu et ses contenants.

S’agit-il donc de simples déviations ou d’un stratagème marketing ? Sans coup férir, Moez Sinaoui, directeur de la communication de la chaîne Nessma TV, tranche sur la question. « Il ne s’agit pas d’une stratégie marketing, si vous insinuez que les derniers événements sont l’œuvre d’une volonté délibérée de la part de la direction de la chaîne. Déjà, M. Karoui, a fait reconnaître devant les représentants des médias tunisiens qu’il y a eu des dérapages. Notre chaîne est encore jeune. Elle fait ses premiers pas. Il arrive bien souvent que certaines coquilles glissent dans les textes de nos chroniqueurs, des dérapages également. Avec une équipe jeune, nous avons droit à l’erreur. Faut-il rappeler que M. Karoui a fait son " mea culpa " ? Il a même pris les mesures nécessaires pour rectifier le tir et corriger les erreurs. Saoussen Mâalej s’est excusée à sa façon.
En ce qui concerne Maha Chtourou, nous la soutenons puisqu’elle a été agressée d’une manière déshonorante. Qu’insinue Mme Dami lorsqu’elle utilise le vocable "Tata " dans un journal de l’Etat
», s’interroge M. Sinaoui rappelant la signification fort péjorative des termes "tata" et "cafteuse". « Réellement je me demande de quelle source, Mme Dami puise ses qualificatifs. Par delà tous ces incidents, il est à mentionner à quel point, nous les Tunisiens, nous aimons les louanges et combien nous sommes allergiques à la critique. Bref, Nessma paie le prix fort d’un nouveau discours différent et distingué », conclut M. Sinaoui.

Assurément, la thèse de stratagème ne saura être prouvée. On ne saura pas non plus jusqu’où est prête Nessma à aller pour qu’on parle d’elle.
Stratagème ou pas, une chose est sûre, on parle bel et bien de Nessma à un moment où il y a 1001 sujets plus importants. Ca intéresse le public, ça crée un débat (sur fond de liberté d’expression) et ça reflète un manque flagrant de maturité du paysage médiatique tunisien.
En l’absence d’un Conseil supérieur de communication doté des pouvoirs nécessaires pour sévir les médias (qu’ils soient écrits, électroniques ou audiovisuels), ce résultat n’est nullement étonnant.

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- Le Mea Culpa de Nabil Karoui

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