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Chroniques
Coachs du troisième type ou l’art de faire marcher sur la braise
25/03/2014 | 15:59
4 min
Par Inès Oueslati

Plus d’une occurrence, cette semaine, m’a confrontée à une nouvelle réalité du marché du travail et du bien-être : le coaching, nouveau créneau tendance visant à sortir le meilleur de chacun. Le meilleur de chacun étant, dans bien des cas, son argent…
Puisant son fondement dans le courant occidental New Age qui accorde une importance majeure à la spiritualité, le coaching est à la mode depuis quelques années. Il a fait son apparition en Tunisie, sous des revers peu communs.
Usant de la PNL (Programmation neuro-linguistique) et de ses outils de perception de l’Autre et de soi, de nombreux mentors ont investi ce champ d’action juteux en Tunisie. Le sérieux des uns et des autres modèles présents sur la place n’est pas constant et la fiabilité de certains est mise en doute par beaucoup.

Tarak Souidene, est un de ces formateurs. D’apparence, il s’agit d’un quinquagénaire barbu, de Aguel et de jellaba vêtu, puisqu’il s’agit d’un cheikh koweïtien qui s’est fait un nom grâce à ses interventions radiophoniques et télévisées. C’est aussi un formateur spécialisé en Développement personnel et non des moindres. A en croire tout ce qui se dit sur internet, il serait l’auteur de plus de 70 ouvrages jugés par ses adeptes comme travaux de référence en matière de coaching managérial et sociétal, mais pour lesquels une plainte a été déposée contre lui pour plagiat. Tarak Souidene est aussi l’auteur d’une dizaine de vidéos intitulées « La fin de la vie » et où le cheikh évoque, dans les détails, la mort et l’au-delà, vus d’un point de vue religieux . La prochaine formation de Tarak Souidene en Tunisie se tiendra fin mars/début avril et sera consacrée aux questions suivantes : travailler son charisme, travailler son éloquence, gérer une équipe…

Lors de ces séances octroyées pour un montant avoisinant les 600 dinars, l’ombre religieuse est à peine perceptible, mais rôde tout de même sur le discours employé. Un discours pragmatique et bien étudié mais dans lequel sont insérés des hadith du prophète et quelques versets coraniques.
En Tunisie, c’est le centre canadien de développement personnel qui organise les formations de Tarak Souidene et d’autres intervenants dont l’égyptien Mostafa Aboussoud.

De l’avis d’un expert, ce qu’offrent ces formations c’est une simple introduction à la PNL enrobée, en revanche, d’un « charlatanisme pernicieux » tirant profit de la faiblesse de certaines personnes souvent au carrefour de leur vie ou en proie au vide. Dotés d’un pouvoir de persuasion certain et d’une grande capacité d’emprise sur autrui, ces mentors d’un genre nouveau mêlent, dans une logique déconcertante, le profane et le religieux, jonglant entre les bases de la PNL et celles des prédicateurs religieux connus via les chaînes télévisées arabes.
« Il s’agit de coachs version Nilesat » nous révèle un formateur connu de la place. Ces gens-là usent d’un volet religieux et d’un autre financier, d’après lui. Le discours utilisé, les arguments avancés et les exemples donnés lors des cours dispensés par cette lignée de formateurs ont une tendance religieuse implicite mais effective.

Utilisant le nom et la renommée du pionnier en la matière, Brahim Al Féki, décédé en 2012, les nouveaux spécialistes du coaching gèrent un commerce juteux. Leur emprise sur leurs disciples peut atteindre des dimensions importantes. Ces percepteurs agissent, au moyen d’un discours persuasif incrusté d’évocations à caractère religieux, un moyen d’endoctrinement, visant des cibles multiples, face auxquelles le discours s’adapte, nous dit-on. Ils en deviennent des défenseurs zélés de ces « gourous » capables de les faire marcher sur la braise, en amadouant leur scepticisme et en transcendant le fond de leur pensée, semble-t-il (voir vidéo).

Face à cette tendance venue d’Egypte et où El Féki, Ahmed Koddouss et d’autres ont fait leur renommée, appuyés par d’autres noms de pays du golfe, les coachs d’une tendance dite plus progressiste s’adressent, quant à eux, à un autre public, en l’occurrence des salariés en quête de perfectionnement dans la majorité des cas. Ahmed Koddouss avait déclaré sur la chaîne religieuse Ezzitouna qu’il ambitionnait de s’adresser aux jeunes au sein des universités tunisiennes. Un projet serait en cours dans ce sens, avait-il alors déclaré. Jusqu’où ira « le coaching version Nilesat » et où s’arrêtera le laisser-aller qui le laisserait conquérir, là où ils sont, nos jeunes les plus vulnérables ?

A travers cette forme de coaching, ces formateurs qui en fabriquent d’autres, diplômes à la main, en trois séances de cours, arrivent à marier le moderne et le traditionnel. Leur message se base sur les dernières théories en date en matière de coaching et leur discours est ficelé pour un effet garanti sur son récepteur. Du marketing à l’état pur et des effets de persuasion sans équivoque qui rappellent que la cible est faible tant que celui qui la vise a les clés pour l’amadouer.
25/03/2014 | 15:59
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