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Cours privés : L’arrêté ministériel est-il uniquement dissuasif ?
12/04/2019 | 18:43
5 min
Cours privés : L’arrêté ministériel est-il  uniquement dissuasif ?

Par Hammouda Saadi *

 

   I-  L’arrêté ministériel

 Les Tunisiens, tous les Tunisiens, sont  encore sous l’effet du choc dû au scandale de pédophilie relevé à Sfax.

 Commentant  cet événement regrettable, le ministère de l’Education nationale écarte l’hypothèse qui préconise que la perversité de l’instituteur en question est un cas maladif isolé. Chiffres à l’appui, ce ministère affirme qu’il s’agit effectivement d’un phénomène répandu et menaçant de prolifération. Sa pratique est aisée essentiellement lors de l’exercice des cours privés à domicile. Là où le taureau est malade et le torero est de mauvaise foi.

L’antagonisme avéré du ministère vis-à-vis des cours privés aidant, monsieur le ministre de l’Education nationale saisit l’opportunité pour adopter une injonction ferme.  Il n’y alla pas avec le dos de la cuillère. Il publia aussitôt un arrêté ministériel qui interdit aux enseignants de donner des cours en dehors des établissements scolaires. Sous peine de mise à pied immédiate.

Si jamais cette mesure ministérielle aboutit, elle permettra de rassurer les parents d’élèves quant à l’intégrité physique et morale de leurs enfants. Elle accordera plus de temps de loisir aux enfants qui en ont incontestablement besoin. Du coup, elle confortera  le pouvoir d’achat des familles qui consentent à des sacrifices  pécuniaires énormes pour financer les cours privés.

Pour mettre en exécution le dit arrêté, le ministère compte mobiliser et dépêcher des enquêteurs tous azimuts. Il promet de leur accorder des prérogatives exceptionnelles pour mener à bien leurs enquêtes au sein des établissements, bien entendu.  Il compte instaurer  un numéro vert de téléphone. Cependant, le succès de l’opération et ses conséquences, notamment la mise à pied des fautifs, risque de compromettre l’année scolaire actuelle. Cette année qui vient d’être sauvée in extremis. Ce qui fait que l’arrêté  en question ne peut jouer qu’un rôle dissuasif. Sans pour autant être intempestif.

 

   II- La complicité de l’élève au cours à domicile est à sanctionner

Malheureusement, l’arrêté en question accuse une lacune non des moindres. Il ne condamne pas la complicité de l’élève en cas d’infraction. Sans quoi, les parents  ne trouvent pas une justification convaincante pour décliner les propositions  de cours privés faites par les maîtres de classe de leurs enfants. Ils cèdent à contre cœur  par crainte d’éventuelles représailles par abus de pouvoir. Ils se consolent du fait qu’au moins, leurs enfants ne courent pas de risque en cas de délit. L’arrêté devrait prévoir au moins la convocation des tuteurs des élèves par le conseil de l’éducation de l’établissement  en vue de les dissuader  d’être perméables  à ce genre d’activités. La clémence est à recommander.

 

   III- L’évaluation des élèves doit cesser d’être l’apanage du maître de classe

La société civile dénonce catégoriquement les deux incidents d’ordre docimologique. L’un aussi grave que l’autre.

1)    Le devoir de sciences physiques qui portait sur la pression atmosphérique, incitait les élèves à relever des inspirations et des analogies  avec la barométrie et l’altimétrie  à travers des versets du Coran 

2)     Le  quiproquo  du prof de   langue arabe  qui visait la loi successorale et la députée Bochra Belhaj Hmida  est à décrier avec force. Il s’agit d’une position politique.  Le milieu scolaire doit être  épargné des tiraillements politiques. Ce qui fait que la conception des sujets de composition exclusivement par le maître de classe est à réviser.

 

Le ministre français de l’éducation nationale et de la jeunesse  M. Blanker vient d’annoncer une réforme courageuse du mode d’évaluation des élèves des classes de première et  de  terminale. Dès la rentrée scolaire prochaine, les sujets des devoirs seront conçus en confidence par le corps des inspecteurs. La correction se fera dans l’anonymat. Chez nous, les écoles primaires adoptent  ce modèle ; mais la correction n’est pas anonyme. D’où l’éventualité de  complaisance.  Je ne redirai jamais assez qu’il faut mettre fin à l’apanage du maître de classe concernant la conception et la correction des devoirs de synthèse.  Une telle mesure est très bénéfique. Ses bienfaits sont évidents et nombreux dont :

a)     L’enseignant se verra obligé de s’acquitter de son devoir avec zèle et bonne  assiduité. Il y va de son prestige.

b)    Le choix convenable des sujets de composition répondant aux objectifs du programme et aux directives officielles qui s’y rapportent.

c)     Hormis  les programmes des classes de la neuvième et de la quatrième année, les programmes des autres niveaux sont rarement achevés. D’où le besoin réel de cours privés pour palier le retard de l’année précédente.

d)    Au cas où l’arrêté interdisant  le cours particulier est transgressé, l’infraction pourrait être interprétée  par la confiance des parents  en  la qualité de prestation du partenaire et non par l’abus de pouvoir.

 

En conclusion : Je propose à monsieur le ministre de l’Education nationale de ne plus négliger  la complicité de l’élève en cas d’infraction de l’arrêté de mars 19 et de  réviser le mode d’évaluation au cours des semaines bloquées en chargeant le corps des inspecteurs, assistés d’un groupe restreint de professeurs, de la conception des sujets et de veiller à l’anonymat de la correction. Plusieurs inspecteurs pourront collaborer  par communication  électronique.

 Ainsi  l’arrêté  ministériel interdisant les cours à domicile  reste –t-il uniquement dissuasif  aussi longtemps que les compositions sont la chasse gardée des maîtres de classe ?

 

*Ancien professeur de l'enseignement secondaire                

 

12/04/2019 | 18:43
5 min
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Commentaires (4)

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Mouwaten
| 17-04-2019 12:50
c'est l'incompétence de la majorité des enseignants ainsi que leur manque de disponibilité qui rendent les cours particuliers INDISPENSABLES, cours assurés par des enseignants compétents et disponibles. tout le reste c'est du blablabla./

jilani
| 13-04-2019 10:19
Merci pour cette analyse, voilà un prof qui cherche l'intérêt des élèves et de rehausser le niveau de l'éducation. Et pas comme ces syndiqués qui demandent tjrs des augmentations et s'en foutent de ce qui se passe avec les élèves. Ils se sont même alliés à ce pervers sexuel à Sfax.

Microbio
| 12-04-2019 20:00
Excellente Proposition Mr. Hammouda!

Air
| 12-04-2019 19:49
Tant que les enseignants ne seront pas capables d'assurer correctement leurs cours, par incompétence ou /et à cause des programmes trop longs et trop chargés, les cours particulers sont INDISPENSABLES. C'est la bequille pour le pays. Malgré les derives de certains enseignants. Tout ce que vous proposez indique un manque de vision globale du problème. Vous voulez complètement couler le pays ?!
Ceux qui ralent contre les cours particliers voient-ils le niveau des enseignants et leur peu d'implications dans leur travail ? Ouvrez les yeux ! Et on ne parlera même pas des nouvelles recrues, sans aucune competence, sans concours, sans rien. Des enseignants d'anglais qui parlent à peine l'anglais, des enseignants de français ouvertement racistes et, qui humilient leurs eleves (samra mekhibek), des enseignants qui corrigent leurs examens en classe (lycee, niveau bac)...je peux vous donner des noms.
Guerissez la maladie, puis enlevez la canne, pas le contraire. A bon entendeur.
Les cours particuliers SAUVENT nos enfants. Ouvrez les yeux !!!!!