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Tribunes
Corona virus et bonne administration de la justice
27/03/2020 | 12:34
5 min
Corona virus et bonne administration de la justice

Parler de la bonne administration de la justice revient à parler de ses conditions.

 Or, « les conditions d'une bonne administration de la justice tiendront toujours à la fois aux mérites de l'institution et aux qualités des hommes ».

La propagation du virus Covid-19 dans le monde entier a conduit l’Organisation mondiale de la Santé à demander aux Etats de prendre des mesures de protection essentielles contre ce nouveau virus, afin de prévenir la saturation des soins intensifs des hôpitaux et renforcer l’hygiène préventive. 

Le gouvernement tunisien a dû prendre les mesures exceptionnelles qu’impose la situation sanitaire de la pandémie du corona virus, allant du couvre-feu partiel au confinement total, proclamé par le président de la République, samedi 20 mars 2020.

C’est dans ce contexte que le conseil supérieur de la magistrature, mandaté par l’article 114 de la constitution de garantir le bon fonctionnement de la justice, a annoncé, par le biais de trois communiqués, des mesures préventives allant crescendo, de l’interdiction de la présence du public dans les salles d’audience, du report des audiences des affaires pénales (déclaration du vendredi 13 mars 2020), à la qualification de la situation actuelle comme étant un état force majeure sanitaire, au renvoi systématique de toutes les audiences, seules les référés, sont traitées (déclaration du 15 mars 2020), à la fermeture à compter du 23 mars de toutes les juridictions ainsi que le report de toutes les audiences à l’exception de celles relatives uniquement pour les autorisations d’assigner en référé d’heure à heure « en cas d’urgence extrême», et les permanences du Parquet (déclaration du 21 mars 2020).

 De son côté, le ministère de la Justice a, par un communiqué en date du 21 mars 2020 annoncé la suspension du travail des greffes concernant l’acceptation des recours, la fixation des audiences et l’enrôlement des affaires, du 23 mars 2020 au 04 avril 2020.

Pour autant, toutes ces mesures exceptionnelles font partie intégrante du domaine réservé à la loi tel que prévu par l’article 65 de la constitution.

Le conseil supérieur de la magistrature a présenté un projet de loi à l’ARP relatif aux dispositions exceptionnelles concernant les délais judiciaires, lequel projet a été rejeté, probablement pour absence de qualité.

Actuellement, un projet de loi a été présenté à l’ARP afin de déléguer au chef du gouvernement, pour une période déterminée, la prérogative de promulguer des décrets-lois, au regard du contexte sanitaire crucial et exceptionnel que vit le pays, en rapport avec la lutte contre la pandémie du Covid-19.

Le projet de loi, composé de 3 articles, concerne notamment :
- Les procédures devant les différents tribunaux 
- L’identification des crimes et des délits et les peines conséquentes, y compris les infractions ayant pour conséquence la privation de liberté ;
- L’organisation de la Justice et de la magistrature 
- Les libertés et droits de l’Homme 

Il s’agit d’une reprise des domaines prévus par l’article 65 de la constitution précité.

Certains pays voisins à l’instar de la France, l’Italie, la Belgique ou le Maroc ont organisé exceptionnellement le service public de la justice par le biais d’ordonnances c’est à dire des décrets lois (à titre d’exemple : Publication au journal Officiel de la République française de quatre ordonnances adaptant les règles applicables devant les juridictions pénales, aux autres juridictions de l’ordre judiciaire, aux juridictions de l’ordre administratif et prorogeant des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire en date du 26  mars 2020).

Aujourd’hui, le service public de la justice se trouve lui aussi contaminé par cette pandémie, la justice est malade, elle est mise en quarantaine, au détriment des droits de ses usagers et de ses partenaires.

Il est urgent de prendre les mesures règlementaires qu’impose sa bonne administration en temps de crise.

La suspension ou l’interruption des délais de prescription ou leur prorogation est une mesure essentielle qui doit être légalement confirmée, afin de garantir l’égalité d’accès à la justice pour les justiciables, mais demeure insuffisante pour garantir un minimum de bonne administration de la justice en temps exceptionnel.

D’autres mesures devront aussi être prises, afin d’assurer un service public minimum de la justice telles que ;

-         Utilisation des moyens modernes de communication tout en garantissant la confidentialité des échanges

-         Libération conditionnelle des détenus sur simple décision du procureur de la République

-          adaptation des règles applicables devant les juridictions administratives

-         Etc.

Les litiges ne vont pas disparaître et risquent au contraire de se multiplier du fait des inexécutions contractuelles qui découleront nécessairement des mesures de confinement prises par le gouvernement, toutes les obligations ne pouvant s’exécuter en télétravail.

Le déni de justice, guette aujourd’hui plus que jamais le justiciable.

Toutefois, beaucoup de voies s'offrent pour alléger et réduire ce risque.

Ne faudrait-il pas plutôt encourager les modes alternatifs de règlement des conflits que de courir désespérément derrière l’enrôlement d’une affaire, afin d’obtenir une décision revêtue de la force de la chose non exécutée faute d'une vraie autorité de la chose jugée ?

Le temps de la procédure judiciaire semble s’être arrêté, pourtant, le stock d'affaires à jugercomplique la tâche, Pourra-t-on parler encore d'un délai raisonnable ? Des réponses mortes à des questions mortes. « Ce que sera notre lot si, cédant aux délices pervers de la paralysie, nous continuons à nous voiler la face, à fuir nos responsabilités et à nous refuser à l'effort de réflexion et de rénovation ».


Maitre Béchir Ghachem – Avocat à la Cour de Cassation


 

27/03/2020 | 12:34
5 min
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Commentaires
DHEJ
La justice tunisienne ne marchera jamais
a posté le 27-03-2020 à 17:29
N.B paie des ingénieurs pour que son site marche

Et le ministère de la justice paie combien d'ingénieurs ?

Quel est le ratio ? 0.00001 je suppose

Alors elle ne marchera pas !

Et le