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Tribunes
Communication politique, Gepetto vs Olivia Pope
15/08/2019 | 12:31
3 min
Communication politique, Gepetto vs Olivia Pope

 

Le festival des horreurs de la communication politique est lancé. D'abord, nous avons une foule de pseudo-experts en communication qui pense qu'on vend du politique comme on vend des yaourts.

 

La communication politique n'est pas le marketing commercial. Elle nécessite la maîtrise de deux axes: la communication et la politique. Cela suppose d'être actif(ve) dans un milieu politique, dans un parti, en contact avec les acteurs politiques et les électeurs. Il s'agit de maîtriser le contenu, de mesurer les enjeux, de connaître les acteurs, de comprendre les attentes des électeurs. Vient alors la mise en forme de ce contenu, en un format qui corresponde à une situation donnée, à une échéance, à un but, selon des codes précis.

 

Les erreurs classiques de nos apprentis sont les mêmes que nous retrouvons régulièrement, et chez la majorité des enseignes politiques.

 

Le principal lieu de ces crimes en ce siècle numérique est internet. Ces réseaux sociaux où on est menés comme des agneaux à l'abattoir. Et à l'abattoir, les bouchers sont maitres. La boucherie numérique s'étale essentiellement sur Facebook, sous nos cieux, avec quelques incursions sur Twitter et Instagram. Rédaction, supports, hashtags, langues, horaires de publication, sponsoring, des ingrédients jetés pêle-mêle dans la marmite, sans science, sans stratégie.

 

Nous avons ceux qui vont créer un contenu marketing, et non politique, basé sur leur perception, où ils croient que la personne politique est le produit et le public est un destinataire final, dans une relation à sens unique.

 

Nous avons aussi ceux qui reproduisent du contenu, une gestuelle, un visuel, des codes, des situations "vues" ailleurs. Les mains inclusives de Merkel, la sortie fast-food de Barrack Obama, le col-cravate de Margaret Thatcher, le tee-shirt cool de Trudeau, les bras de chemise remontés de Macron, le tailleur d'Hilary Clinton, la jebba du grand-père.... Certes on vous apprend ça dans ces ateliers organisés par des ONG dans des hôtels huppés, mais les formateurs "importés" ont omis de vous expliquer qu'il faut "traduire" ces exemples et non les copier.

 

Ah, et l'inévitable mise en scène du poulain. Au choix, nous avons droit au salon familial, au bureau design, au jardin immaculé, au champ de blé, avec forcément les éléments de "décor": l'œuvre d'art choisie avec soin, la photo commémorative, la plante verte, la lampe, les dossiers qui prennent la pose sur un bureau, le drapeau, les livres….. Dans une confusion totale entre la mise en situation et la mise en scène.

 

Et puis il y a ceux qui vont créer du contenu, souvent graphique, et là on rigole bien. Les logos dignes d'un PowerPoint de cafétéria, les affiches surchargées, les flyers illisibles, les polices de caractères d'une invitation de mariage, les codes couleur du Carnaval de Rio, tout y passe.

 

Et là arrivent les mots, le "message". Et on oublie que la communication politique sert à emballer le message de l'acteur politique, et on se prend à mettre des mots dans la bouche de cet acteur. Au lieu d'aider à faire parvenir un message, à toucher une cible, à transmettre une idée, on s'imagine marionnettiste. On fait dire des choses à des politiques, à des partis, à des candidats, parce qu'on croit savoir mieux, être mieux qualifiés. Parce qu'on a appris à identifier des CSP (catégories socioprofessionnelles), on pense que les gens réagissent à un discours politique comme ils/elles réagissent au concentré de tomates.

 

Ben non.

 

Pour faire de la politique, il faut aimer les gens. Pour faire de la communication, il faut aimer les écouter et leur parler. La communication politique est un métier, oui. Mais c'est un métier de cœur, de générosité, de modestie, de partage, un métier où on est au service des idées, où on se met dans l'ombre d'un projet politique, un métier où le point de départ n'est jamais soi-même. Et cela est un art.

 

15/08/2019 | 12:31
3 min
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Commentaires (3)

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olfa
| 16-08-2019 07:36
Excellente analyse

Foued
| 15-08-2019 21:58
Excellent article , le savoir de communiquer est un art.

Mamout
| 15-08-2019 14:49
Chère Madame, votre analyse est pertinente et votre conclusion émouvante...malheureusement, nous sommes dans un pays où la grossièreté, le mauvais goût et l'incompétence (revandiquée) sont ce qui constitue la grande composante de notre establishment national..pas seulement dans la Com mais dans la plus part des domaines d'activité. Regardez bien l'habillage et les décors de nos écrans, toutes chaînes confondues, que des horreurs et des ignominies...Pourtant, il y a plus de 60 ans, un communicateur hors pair nommé Bourguiba s'était contenté d'un geste banal, simple, gracieux et spontané pour signifier au monde que la femme Tunisienne est libre et est l'égale de l'homme. Il avait ôté avec une grande délicatesse le sefsari sur la tête de cette dame, une inconnue dans la foule qui l'acclamait...Une image pour l'éternité.