Climat des affaires en Tunisie : une réalité morose
Face à la crise économique mondiale qui a également touché la Tunisie, notre pays se trouve aujourd’hui plus que jamais contraint de mobiliser tous les moyens capables d’y présenter des solutions. Afin de sortir de l’impasse, il est nécessaire de mettre en place une stratégie de développement de l’investissement et de l’innovation. Pour y parvenir, la Tunisie est-elle capable de fournir un climat propice à la création des petites et moyennes entreprises, composante fondamentale de cette stratégie ?
Dans une tentative de mieux cerner le climat d’investissement dans le secteur des petites et moyennes entreprises (PME), hier mercredi 11 juillet 2018, l’Agence de promotion de l’industrie et de l’innovation (Apii) a établi un partenariat avec le Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD). Ce partenariat a donné naissance, au siège de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), à une conférence dédiée aux résultats de la 1ère édition du « baromètre du climat des affaires ». Une initiative innovante visant à aider les entrepreneurs potentiels à décider des modalités de l’investissement et ce en leur fournissant des renseignements à propos du climat général de l’investissement.
La conférence qui s’est déroulée en présence de Samir Bechouel, directeur général de l’Apii, de Moez Ghali, président du CJD ainsi que de Samir Majoul, président de l’Utica, a vu par ailleurs la présence de plusieurs dirigeants et cadres d’entreprise venus bénéficier des informations présentées dans cette conférence.
Pour expliquer, le baromètre du climat des affaires porte essentiellement sur une évaluation de la conjoncture dans laquelle évoluent les investissements. Par le biais d’un sondage effectué auprès d’environ 400 entreprises avec une marge d’erreur de 5%, 26 questions étaient posées concernant 4 axes vitaux à l’entreprise notamment l’aspect foncier, le financement, les structures d’appui et d’accompagnement ainsi que l’innovation.
Donnant une idée sur le taux de satisfaction des PME du climat de l’investissement et de la création de projets, le baromètre a présenté des résultats qui sont, dans la plupart des cas, décourageants.
Concernant les synergies à créer et les déficiences à combler dans le rôle de l’Etat et des institutions publiques, 44.3% des sondés ont relevé « un manque de coopérativité de la part de l’Etat ». 18% pensent que « l’Etat ne leur apporte aucun soutien » alors 24% ont jugé que « le problème réside dans la lourdeur, la lenteur et la complexité des procédures administratives » relevant encore une fois l’obstacle de la bureaucratie.
A ce problème, s’ajoute celui de l’indisponibilité des structures d’appui à l’entreprise. Les services demeurent toujours en besoin constant de modernisation et de développement. Ceci se comprend par les 67% des entreprises de moins de 5 ans qui jugent que « les services des structures d’appui et d’accompagnement sont peu ou pas du tout satisfaisants ».
Les jeunes entrepreneurs sont également freinés par l’imprécision des avantages financiers et fiscaux. Devant le manque d’avantages liés aux zones de développement régional, l’indisponibilité d’une zone industrielle aménagée, l’éloignement des zones logistiques ou encore celui des facteurs de production, l’entrepreneur se trouve découragé d’autant plus qu’une contrainte foncière est aussi présente. Outre l’indisponibilité des terrains et des parcs industriels, la hausse des prix ainsi que les problèmes réglementaires constituent 72% des facteurs intervenant dans le retard du lancement de projets.
Pour les entreprises débutantes, les besoins de financement actuels diffèrent entre des besoins destinés à la recherche et à l’innovation de l’ordre de 14%, des besoins de gestion de l’ordre de 38% et des besoins d’extension de l’ordre de 48%. Dans cette optique, un grave problème d’accompagnement s’impose où 73% des entreprises dont 81% de moins de 5 ans, ont déclaré qu’elles ne bénéficient pas d’un accompagnement bancaire.
Les obstacles devant l’investissement ne cessent d’émerger. L’inégalité fiscale entre les secteurs d’activité ainsi que l’élévation de la pression fiscale et l’insuffisance des encouragements de l’Etat en témoignent. L’ambigüité de la loi de Finances 2018 a, par ailleurs, fait que 43% des entrepreneurs potentiels ignorent cette loi ou sont confus par rapport à ses dispositions.
De plus, 12% uniquement voient que la nouvelle loi de Finances a amélioré les perspectives d’investissement. Cependant, 88% adoptent une vision défavorable à l’égard de cette législation où des entreprises ont jugé qu’aucun changement n’a été introduit après la promulgation de la loi de Finances 2018. Faute de communication, 60% parmi ces 88% ne connaissent pas cette loi.
A première vue, toutes ces données renvoient à une réalité morose du climat de l’investissement en Tunisie. Vraisemblablement, la lenteur de l’évolution de l’indice du climat des affaires, estimé aujourd’hui à 0.4 devrait pousser à la recherche de solutions alternatives nous permettant de simplifier cette complication.
Il revient à l’Etat, en premier lieu, d’exécuter le rôle qui lui est incombé, d’octroyer des avantages susceptibles de motiver les jeunes entrepreneurs et d’encourager les investissements surtout dans le secteur des petites et moyennes entreprises. En réduisant la charge fiscale qui les accable, en réinventant et révisant les sources de financement ainsi qu’en mettant à la disposition des jeunes entreprises tous les outils nécessaires pour leur promotion et leur développement.
Néanmoins, le rôle crucial de l’Etat ne doit pas, certes, occulter la responsabilité des individus. Ces derniers sont appelés à œuvrer en toute efficience, conscience et intégrité afin d’optimiser leur rendement. La culture du sérieux, de l’ambition et de la rigueur doit être également ancrée.
Boutheïna Laâtar