Par Sofiene Ben Hamida

La Tunisie fête ce 20 mars le 66ème anniversaire de son indépendance. Encore une fois, cela devient une habitude depuis une décennie, cette célébration se déroule dans la désunion. Les seuls qui semblent soucieux de célébrer la fête nationale, à leur manière, sont les terroristes qui ont essayé la veille de s’attaquer à une caserne de la garde nationale à Kairouan. Heureusement que les gardes étaient vigilants et l’attentat s’est soldé par un échec cuisant pour les attaquants. Rappelons que pour marquer leur haine envers tout ce qui lie les Tunisiens à leur terre, des terroristes avaient attaqué il y a sept ans, à la veille de la fête nationale, le musée du Bardo, causant la mort de 24 victimes et blessant environ une cinquantaine de personnes. Hormis cet attentat manqué, la célébration de la fête de l’indépendance cette année semble passer sous silence.     

Du côté gouvernemental, comme on s’acquitte d’un devoir harassant ou pour éviter les remarques désobligeantes, on assure le service minimum et on se contente de hisser quelques drapeaux épars sur les poteaux électriques. L’animation de la ville sera assurée, pense-t-on, par les jeunes opposants au régime et les flics qui les poursuivent.

Le président de la République, lui, a toujours montré peu d’intérêt aux dates et aux événements qui rassemblent les Tunisiens. Son manque de tact l’avait conduit depuis des mois déjà, à associer la date de la fête nationale à la clôture de son projet personnel de consultation électronique. Par obligation due à sa fonction et par populisme aussi, il a annoncé une grâce présidentielle en faveur de plus de mille cinq cents prisonniers. Au rythme où vont les choses, il pourra compter bientôt, dans son panier électoral, sur un grand nombre d’anciens détenus.

De l’autre côté, l’opposition ne fait pas mieux dans le déchirement et l’éparpillement. Les islamistes et leurs acolytes se sont rassemblés prés de la place du Bardo, tout en faisant attention à ne pas entrer en contact avec les forces de l’ordre. Ils ont pris soin de ne pas exposer leurs lieutenants et ont confié la direction de la manifestation à Jawher Ben Mbarek trop content d’accaparer le micro et de parler à la foule, Samira Chaouachi qui croit encore qu’elle a un rôle à jouer et Habib Bouajila égal à lui-même.

Les quelques dizaines de militants du parti ouvrier Poct, qui se sont rassemblés sur les marches du théâtre municipal ont le mérite de braver l’interdiction de manifester à l’avenue Habib Bourguiba, annoncée par le nouveau gouverneur de Tunis. Cette décision est d’autant plus surprenante, qu’elle ne concerne que les manifestations politiques, les autres manifestations ne sont pas interdites. En matière d’irrespect des libertés individuelles et publiques, il est difficile de faire mieux. Le président Kaïs Saïed peut facilement convaincre les Tunisiens que son projet politique est foireux s’il continue de nommer des responsables de la trempe des gouverneurs de Tunis, Bizerte, Ben Arous ou des délégués comme le premier délégué de Gabès. En s’arrogeant le droit de déposséder le maire de ses prérogatives, ce dernier a confisqué tous les pouvoirs dans la région. Il est évident qu’il a été fortement inspiré par la démarche hégémonique de son patron et président de la République. 

Les autres formations politiques se sont contentées d’accorder des déclarations ou de publier des communiqués de circonstance pour célébrer une indépendance qui risque fort d’être dilapidée par les maladresses des uns et les trahisons des autres.

Entre temps, Fitch ratings dégrade la note de la Tunisie à CCC, un journaliste est écroué pour avoir publié une information vérifiée, plus de sept cents médicaments ne sont pas disponibles dans nos hôpitaux et officines, les produits alimentaires de base manquent ou sont trop chers. 

Bonne fête quand même. Demain sera toujours meilleur.