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Chroniques
Bien sûr que Kaïs Saïed a un programme
Par Marouen Achouri
16/10/2019 | 16:59
5 min
Bien sûr que Kaïs Saïed a un programme

 

Au grand étonnement de certains, Kaïs Saïed a gagné la présidentielle et est devenu président de la République. Pourtant, on voyait le phénomène arriver dans les sondages –vive la science !- depuis au moins un an avant les élections. Mais il se trouve qu’il y a des gens qui ne comprennent pas, y compris parmi les politiciens.

 

Donc, ceux qui sont contre Kaïs Saïed et même une partie de ceux qui ont voté pour lui ne comprennent pas le phénomène, la démarche et les moyens qui lui ont permis d’accéder à la magistrature suprême. Ils voient Kaïs Saïed comme un ovni mystique, un être entouré d’un épais voile de fumée propice aux imaginations déferlantes. Il devient à leurs yeux un spectre politique nouveau dont les détracteurs favorisent la mauvaise volonté et les soutiens abondent dans la sacralisation.

 

Toutefois, Il serait naïf de penser que Kaïs Saïed n’a pas de profondeur politique et de se contenter d’effleurer le phénomène. Il ne faut pas non plus le voir comme un être politique inaccessible et incompréhensible. Nous devons, au contraire, décortiquer l’offre politique de Kaïs Saïed et comprendre ses ressorts, ses fondements théoriques et ses objectifs avoués et non avoués. Il s’agit de comprendre cette nouvelle politique proposée par le président élu de la République tunisienne.

 

L’un des reproches qui reviennent le plus souvent à propos de Kaïs Saïed est le fameux : « il n’a pas de programme ! Et c’est lui-même qui le dit ! ». Ceci est totalement faux et il serait dangereux de penser que Kaïs Saïed est d’une telle légèreté ou qu’il a gagné grâce à un grand coup de bol. Kaïs Saïed n’a pas de programme au sens classique du terme, il ne propose pas de mesures concernant la sécurité ou la diplomatie et encore moins l’économie ou la santé. Ce qu’il propose est bien plus grand et bien profond que cela. Il propose un remaniement profond de la gouvernance en Tunisie, il l’a dit à plusieurs reprises mais nous étions trop occupés à nous moquer de son élocution ou de sa posture.

 

Si l’on devait résumer ce programme en une phrase ce serait : « trouver des moyens juridiques pour placer la volonté populaire au cœur de la décision politique ». En fait, Kaïs Saïed veut poser les bases d’une démocratie beaucoup plus participative et beaucoup plus directe. C’est dans ce cadre qu’il propose de supprimer les élections législatives. De prime abord cela peut paraitre insensé, et c’est un point sur lequel il a été largement attaqué, mais il s’agit d’un projet qui se tient parfaitement dans la logique du nouveau président. Il veut supprimer la distance qui existe entre l’électeur et son élu et la fragmenter en plusieurs étapes. Ainsi, l’électeur choisit son représentant local, qui lui-même choisit le régional pour ensuite donner l’élu national au parlement. C’est loin d’être farfelu comme démarche et comme idée, on peut évidemment critiquer ou adopter une telle disposition mais il faut d’abord la comprendre, ce qui ne semble pas être le cas de bien des politiciens, même parmi ses soutiens.

 

Ces mécanismes de démocratie directe et participative font dire à Kaïs Saïed que le programme vient du peuple, qui décide lui-même de la marche à suivre en toute souveraineté. Il s’agit en fait d’une vieille utopie qui a accompagné la création et le développement de la démocratie partout dans le monde. C’est une problématique très actuelle et très moderne contrairement à ce que pensent certains en relation avec Kaïs Saïed. Comment faire pour que ce soit le peuple qui gouverne réellement ?

 

Ne serait-ce que sur cet aspect, Kaïs Saïed montre qu’il a une profondeur politique certaine et qu’il a un projet soutenu par une vision. Aller dans le cliché de l’absence supposée de programme serait passer à côté de ce qu’est Kaïs Saïed, de ce qu’il représente et des moyens de contrer ses desseins, si l’on se place du côté de ses opposants. Quelle que soit la position que l’on peut avoir vis-à-vis de Kaïs Saïed, il ne faut pas le sous-estimer et penser qu’il s’agit d’un pantin sans projet. Ce serait une grosse erreur.

 

Maintenant, démocratie participative et directe, pourquoi pas ? Si Kaïs Saïed trouve les moyens légaux de matérialiser sa proposition phare, le peuple pourra faire virer un Fadhel Abdelkefi par exemple et décider de son propre sort. Ce sera le règne absolu de la majorité dans une démocratie où les plus absurdes des participations seront admises. Mais si les choses se passent ainsi, deux choix sont possibles. Le premier est celui, relativement facile, où Kaïs Saïed ne parvient pas à tenir cette promesse électorale, ce serait une grosse déconvenue pour lui et pour son électorat. S’il parvient à réellement mettre le peuple au centre de la décision politique, alors n’oublions pas que les détracteurs de Kaïs Saïed, de ses soutiens et de tout ce qu’il représente font aussi partie du peuple et peuvent user des mêmes moyens de pression que n’importe quel autre groupe.  

 

En somme, nous allons bien nous amuser dans les prochaines années puisque ce projet de démocratie participative et directe tient beaucoup au nouveau président de la République. C’est l’argument principal par lequel il compte « changer le système ». Il n’a pas intérêt à ce que cette légende s’écroule où il perdra la confiance de ses électeurs. En attendant, il faut comprendre Kaïs Saïed et ne pas se voiler la face en se disant qu’on ne le connait pas et qu’il n’a rien à proposer. C’est faux.

Par Marouen Achouri
16/10/2019 | 16:59
5 min
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Commentaires (24)

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Maxula
| 18-10-2019 19:40
"aucun poids au niveau de l assemblée législative" ?

Vous comme beaucoup de ceux qui n'ont pas encore accepté le verdict des urnes et demeurent orphelins du distributeur de maqrouna, vous mettez abusivement sur le même plan, Marzouki-le-tartour, nommé président-provisoire et dérisoire, par une assemblée elle-même provisoire, et d'autre part un président élu directement par le peuple, dont la légitimité se situe très très au-dessus de toute autre légitimité !

Permettez-moi de vous dire que vous parlez de choses que vous ignorez !
Savez-vous que le président de la République dispose (selon la Constitution) de l'initiative référendaire ?
KS pourrait fort bien proposer par exemple, un projet de loi pour amender la constitution pour revoir le système de scrutin, pour remplacer "le scrutin de liste à la proportionnelle", par le système "majoritaire uninominal à deux tours" ?
Et figurez-vous que le président de la République peut très bien "dissoudre" l'assemblée si celle-ci (à la majorité) choisit d'ignorer ses desiderata !
Ce sera sa façon à lui d'obliger l'assemblée à tenir compte du président !
Après tout, la légitimité du président (élu directement par la majorité des votants) est largement au-dessus de celle des députés, dont certains (à part les tête-de-liste) ne sont élus que parce qu'ils figurent sur la liste gagnante et ne sont pas élus sur leur seul nom !
Maxula.

Lotfi BC
| 18-10-2019 15:03
Robèspiere et la 2eme republique en France: c'etait la rue qui décidait; il y'a eu ensuite le général Bonaparte;

EL OUAFFY Y
| 18-10-2019 06:14
On ce demande est ce que Kaïs Saïed avait revise la constitution de 2014 qui avait écartée le role du président s'il le revisera , il sera très satisfait qu'il ne qu'il n'a pas le droit d'exercer la fonction convenablement ( par mes respect la rusée de Ghanouchi et Mourrou ) une constitution qui avait transformé le parlement en chef d'état .
Il me semble que Kaïs Saïed croie qu'il est toujours dans l'université ! ! .
Son élocution à l'occasion de son réussite au présidentielle et surtout extérieure peut être il pas au courant des causes de la mort des présidents suivants : Nassirohoume , Boumadianouhoum ,Sadamouhoume ,Kadafouhoum ,Abdellah Salihoum
ainsi que ceux qui sont dans la salle d'attente Bacharouhoum que grace aux interventions des Russes qui avait échappé d'une liquidation physique certaine dés les première manifestations populaires comme il a interet de donner confiance à son subordonné Bachar El Djaffary une souple diplomatie il pourra améliorer la situation ,qui ne refuse guerre de négocier avec tout genre d'opposition malgré la gérance de la Turkey qui avait subie le retour du manivelle la declaration de la guerre contre une entité tribale et peut être elle sera une suite au coud-état raté qui influera positivement sur l'économie .
Je conseillerais Kaïs Saïed de noter ces événements dans la première page de son agenda pour qu'il accompli sa règne saint et sauf .
Dieu aide Kaïs Saïed dans son devoir .

barth
| 18-10-2019 05:55
un programme ou non . il ne pourra l appliquer. la ne vaut rien. ni députés ni parti. aucun poids au niveau de l assemblée législative. ennahdha ne peut même pas compter sur lui. si nahda trouve sa majorité elle gouverner tranquillement en l ignorant. il ne peut rien lui demander. et rien lui imposer. quand à ses velléités de modifier la constitution elle resteront au placard. il lui restera ses quelques prérogatives régaliennes. et le chrysanthèmes à inaugurer. 5 ans payer à ne pouvoir rien faire. lui même l avait compris en disant qu' il n avait pas de programme.

Maxula
| 17-10-2019 23:15
Rachida Ennaifer, une ancienne collègue en parle.

https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/tunisie/tunisie-kais-saied-est-conservateur-sur-le-plan-des-convictions-personnelles-mais-pour-le-reste-c-est-un-revolutionnaire_3661675.html

TATA
| 17-10-2019 20:41
Je résume ainsi le paradoxe du programme de Mr. Kaïs Saïed:
a) Un grand pourcentage des Tunisiens soutient le programme socio-politique de Mr. Kaïs Saïed, mais ce grand pourcentage des Tunisiens ne comprend absolument rien ou très peu à ce programme:((
b) une minorité comprend bien et même très bien le programme de Mr. Kaïs Saïed, mais elle ne le soutient pas.

===>
Et ainsi, nous avons un problème'?'


Proposition positive:
Je propose à Mr. Kaïs Saïed de définir son programme socio-politique dans un script qu'il mettra gratuitement sur le web afin que les Tunisiens et le reste du monde comprennent où il voudrait conduire le pays, et en particulier afin de discuter son programme et sa théorie. On ne peut pas et on ne devrait pas suivre Mr. Kaïs Saïed à l'aveuglette. Une transformation socio-politique devrait se baser sur une théorie intelligente et écrite dont le fondement/structure est purement scientifique...

TunPat
| 17-10-2019 19:51
P..... , on a eu notre tartour national maintenant on subit un huberlulu pourquoi pas après tout , plus on est de fous plus on rit .

TunPat
| 17-10-2019 19:35
Kadafi ( un sper huberlulu ) pouvait se permettre de détruire le système politique et de faire n'importe quoi parce que son pays nage sur le pétrole , mais nous pauvre de nous , qui payons les mensualités des fonctionnaires avec des crédits répétés avons nous du temps et de l'argent pour focaliser nos ardeurs sur une refonte en profondeur de notre système politique qui risque en fait de nous mener vers la destruction de l'Etat Central ?

Cela me rappelle l'expérience socialiste de Ahmed Ben Salah au début des années soixante où on a voulu détruire le système en place alors qu'on était encore fragile pour le remplacer par un système qui a emmener notre pays vers une catastrophe économique !

Notre Huberlulu National se réveillera bientôt brutalement à la lumière des réalités qu'il devra affronter .

TunPat
| 17-10-2019 19:23
Démocratie directe dites vous , cela ressemble un peu à la démarche catastrophique kadafienne .

Monsieur notre pays n'a pas les moyens de
philosopher , n'a pas les moyens de tout foutre en l'air pour refondre le système politique y compris de refaire une nouvelle constitution ! on va vers la dérive , ce Kaies Said est un huberlulu , il croit détenir la vérité et il va emmener notre pays vers la catastrophe .

Que veut dire le citoyen choisit son représentant local ? à quel niveau celui de la délégation ou encore plus bas ?
n'oublions pas que des partis politiques existent !
le citoyen qu'il soit au niveau local ou autre , il va voter pour le candidat de son parti et si le candidat de son parti n'est pas élu , il va s'opposer à celui qui sera élu quand même !

et de toute façon tant qu'il existe des partis politiques
le système de représentativité restera inchangé que l'on fasse des élections à trois étages , à deux étages ou à un étage à moins que l'on veuille détruire le système des partis politiques et favoriser l'autonomie des villages , des villes , des régions etc
et que l'on revienne aux systèmes tribaux avec un chef du village élu par les villageois (qui détient tous les pouvoirs y compris celui de juger ) , et puis parmi ces chefs de village on élira un chef plus grand qui représentera non plus la région telle qu'elle a été découpée arbitrairement par un système d'administration de l'occupant Français , mais une région qui représentera les Frechich , l'autre les Amazighs , l'autre les Zlass etc...
... et à ce moment là notre pays deviendra ingouvernable et ce sera la destruction du pays en tant qu'Etat central , on aura à la place un ensemble de tribus qui agiront selon leurs intérêts locaux propres et qui se feront de temps en temps la guerre comme au bon vieux temps .

Rabbi yoster min les huberlulus et ceux qui les soutiennent !



Mansour Lahyani
| 17-10-2019 17:57
Ne vous déséquilibrez pas trop, M. Achouri ! Le premier intéressé est beaucoup plus prudent...