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Chroniques
Béji Caïd Essebsi, le maître du jeu
21/03/2018 | 15:59
4 min

 

Qu’on l’aime ou pas, qu’on admire ou pas son parcours et sa résistance, que l’on soit parmi ses partisans ou ses opposants, il est indéniable que Béji Caïd Essebsi reste le maître du jeu politique en Tunisie. Il tient entre ses mains toutes les ficelles, en l’absence d’un adversaire digne de ce nom. Pourtant, à l’époque, Béji Caïd Essebsi ne s’est jamais distingué par un génie particulier et la proximité, voire le lien de maître à élève qu’il aurait eu avec Habib Bourguiba, tient plus de la mythologie que de la vérité historique.

Toutefois, cela ne lui enlève pas le mérite de parvenir à survoler la scène politique tunisienne et de manœuvrer à sa guise. Le discours qu’il a prononcé à l’occasion du 20 mars n’en est qu’une nouvelle illustration. Il parvient à conforter cette image de président au dessus de la mêlée, celui qui met à disposition l’arbre à palabres pour arbitrer les conflits et accueillir le dialogue. Un dialogue dont il aura auparavant fixé la portée, la teneur et les participants, mais un dialogue quand même…

C’est ce qui se passe actuellement à propos de l’accord de Carthage et donc à propos de l’avenir du gouvernement de Youssef Chahed. On s’est subitement rendu compte que le pays était en crise et qu’il fallait trouver des solutions et les signataires de l’accord ont été convoqués. C’est à partir de là que le marionnettiste a commencé à jouer. D’abord aucune contestation de l’accord en lui-même, mais il s’agit simplement de voir où en est le gouvernement dans son application. Entendez par là que la légitimité du président de la République, à l’origine de l’accord de Carthage – utilisé à la base pour virer Habib Essid- ne saurait être altérée par le rendement du gouvernement de Youssef Chahed. Cet accord vide qui ne contraint personne à quoi que ce soit continuera aussi de servir de base pour la nomination éventuelle d’un autre chef du gouvernement.

Mais attention, il ne faut pas arriver à ce scénario avant les élections municipales. La seule légitimité supérieure à celle du président de la République est celle des urnes. Il sera plus facile plus tard de virer Youssef Chahed en se targuant du changement de la carte politique et en conformité avec la volonté du peuple. Evidemment, on interprétera et on adaptera la volonté du peuple à la sauce du consensus mais l’objectif principal, celui d’évincer Youssef Chahed, de préférence avec moins de « bruit » que Habib Essid, sera atteint. Deux problèmes se posent devant ce plan : l’empressement de l’UGTT à faire virer le gouvernement et la position que peut prendre Ennahdha.

 

Pour l’UGTT, on a créé cette histoire de commission qui doit fixer les priorités de la période à venir. Désignation de représentants de chaque signataire, ensuite travaux, puis rapport, puis discussion du rapport. Il sera facile de tuer le mois et demi qui nous sépare des élections municipales.

Pour Ennahdha, l’équation posée par Béji Caïd Essebsi est difficile. Se mettre à dos l’UGTT, l’Utica, Nidaa et probablement BCE en maintenant un soutien inconditionnel au gouvernement Youssef Chahed, ou accepter le changement de gouvernement et voir sa représentation dans l’exécutif se réduire à peau de chagrin ? Rached Ghannouchi et ses troupes semblent avoir opté pour une certaine neutralité tout en espérant voir ce gouvernement tenir jusqu’aux élections municipales. Ils ont choisi de dire que le cheminement électoral pourrait être menacé par un changement de gouvernement et que, par conséquent, il est trop tôt. Donc, grosso modo, on veut que ce gouvernement reste jusqu’aux élections municipales parce qu’au vu des résultats de ces élections, on aura notre mot à dire.

Béji Caïd Essebsi est arrivé à neutraliser les deux poids lourds politiques qu’il avait lui-même convoqués à la table de Carthage. Il peut aujourd’hui décider à sa guise de la suite à donner, et c’est là où il est le maitre du jeu. Il y a de quoi comprendre la béate admiration que lui vouent ses conseillers et certains partisans du Nidaa Tounes qu’il a fondé.

 

Toutefois, Béji Caïd Essebsi est un excellent tacticien mais un très mauvais stratège. Comme il l’a dit dans son discours, il attend impatiemment que passent les 20 mois qui nous séparent des élections de 2019. A ce moment là, deux options se présentent. La première est celle du repos du guerrier qui jetterait l’éponge et passerait le flambeau. La deuxième est celle de l’animal politique qui se réveillera en période de campagne et qui s’épanouira dans les guerres intestines et dans la confrontation politique. Qu’il s’agisse de l’une ou de l’autre des deux options, la Tunisie devra vivre au rythme des tribulations politiques avec tout ce que cela suppose comme conséquences sur une économie chancelante. C’est là où la stratégie est inexistante, il n’y a aucune vision du pays sur les dix ou quinze prochaines années. On continuera à s’amuser des manœuvres du président et des contre-manœuvres de ses opposants et des ses alliés, mais entre temps, la Tunisie n’avance pas et vit sur des réserves qui fondent comme neige au soleil.

21/03/2018 | 15:59
4 min
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Commentaires (8)

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kameleon78
| 22-03-2018 17:25
Les élections municipales c'est dans 6 semaines, je ne vois pas l'intérêt de changer de gouvernement avant cette date. Les politiques qui spéculent sur le départ de Yousse Chaed avant Mai, ne connaissent rien à la politique : on voit plus clair après les élections qu'avant et cela vous l'avez bien noté Marouane Achouri.

C'est pour cela que Ghannouchi en bête politique attend les élections municipales, il verra selon les résultats si elles lui seront favorables ou pas de faire son chantage au gouvernement avec plus de ministères de poids et non des strapontins symboliques en cas de victoire électorale.

Quant à notre BCE national, le temps joue contre lui, le temps biologique, notre BCE n'est pas éternel et il faudrait qu'un jour il tire sa révérence après une longue et riche vie politique, donc le temps presse et en plus il y a le temps de la mandature présidentielle c'est dans deux ans maximum, il faut qu'il fasse passer des lois importantes c'est pour cela qu'il est pressé de faire élire les membres de la Cour Constitutionnelle.

Marouane Achouri vous avez reproché à BCE d'être un tacticien (temps court) qu'un stratège (temps long) mais notre BCE national n'a plus le temps,il ne peut pas voir au delà de quelques mois voire quelques années, il est pris par le temps biologique et le mandat temporel donc ce qui l'intéresse c'est tout de suite.
Après moi, le déluge.

Mabrouka
| 22-03-2018 16:54
C est comme le Titanic:Tous veulent occuper les fauteuils et le bateau est en train de couler.Personne d eux ne pensent a l avenir de nos enfants ni aux prochaines generations.Sachez que la premiere des vertus est le devouement a la Patrie,et seuls les idiots persistent dans l erreur.

Jilani
| 22-03-2018 13:24
Avons nous besoin d'un manoeuvrier, renard ou loup à la président comme on a vu en supyrie avec hafedh et son fils Bachar qui ont tué leur peuple ou Saddam qui a ruiné son pays à cause de ses conneries en envahissant l'Iran et le Koweït. Sommes nous condamnés à vivre avec ces présidents qui se comportent en loup et ruinent leurs pays. BCE ne pense qu'à ses fils hafedh et khelil et son entourage de ***. Faire son éloge est de la pure bêtise arabe.

Mabrouka
| 22-03-2018 10:25
Il y a des gens qui se croient le talent de gouverner par la seule raison qu'ils gouvernent. "Napoleon Bonaparte"
Dans les revolutions ,il y a deux sortes de gens:ceux qui les font et ceux qui en profitent. "Napoleon Bonaparte"
Comme disait Bourguiba,: il ne faut jamais oublier les enseignements de l histoire universelle.L'histoire permet d'expliquer le présent, de le justifier et de l'éclairer.

HatemC
| 21-03-2018 19:15
Attention Attention ... La Tunisie basculera dans le camp islamiste surtout si BCE se représente ...

La prochaine échéance électorale concerne les municipales seront gagnés par Nahdha tout le Sud lui sera acquis tout ce qui sera au dessous de Kasserine à Mahdia en passant par Kairouan ... Nida raflera surement quelques municipalités ... les autres partis n'auront que leurs yeux pour pleurer ... La Tunisie coure vers une catastrophe annoncée ...

La décentralisation profitera donc aux islamistes ...

Faut-il avancer les législatives avant les présidentielles ? Ce qui serait une bonne idée ...
'?lire les députés avant le Président ... faire passer les idées avant les personnes....

Il est certain que BCE doit passer la main pour un candidat plus jeune et charismatique et surtout pas son fiston HCE

La Tunisie est à un tournant ... les Essid ... Jomaa .. Marzouk ... Chahed .. Abir ... MKN peuvent créer une alliance et devenir l'alternative sérieuse aux islamistes et aux panarabes ... HC

Abir
| 21-03-2018 17:02
J'ai craint que Gannoucho a fait le bokhkho à Béji,parce que ce dernier ne peut plus et ne plus le lâcher malgré nos problèmes !!!!!!!!!!!

Abir
| 21-03-2018 16:51
comment un maître de la situation donne t-il le pays aux islamistes pour envahir les institutions et s'implanter dans les administrations,Béiji est maître de son fauteuil,c'est vrai il jongle avec les blablablas et les moqueries,mais l'autre loup est occupé à avancer dans le terrain,ça fait trois ans que cet homme nous berce avec des mots et des phrases bidons,pour nous faire passer la pilule et aussi faire passer le temps lourde avec. lui!!!!

DHEJ
| 21-03-2018 15:47
BCE est un ANARCHISTE garant de la constitution!