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Baccalauréat : stress, commerce illicite et fraude
08/06/2022 | 13:34
5 min
Baccalauréat : stress, commerce illicite et fraude

 

Le mercredi 8 juin 2022 marque le début des épreuves du baccalauréat en Tunisie. Une étape cruciale pour la jeunesse tunisienne. L’obtention du diplôme de baccalauréat représente une première étape vers la vie adulte. Ce simple constat pousse à de profondes réflexions. Les jeunes bacheliers ne cessent d’y penser et d’étudier les différents scénarios possibles.

Cette année, ce sont plus de 130.000 candidats qui passeront les examens du baccalauréat. De ces 130.000 bacheliers, nombreux sont ceux qui pensent réussir coûte que coûte et quel qu’en soit le prix. Frôlant le risque d’être interdit de passer les examens durant cinq ans et parfois d’être emprisonné, plusieurs candidats n’hésitent pas à recourir à la fraude afin de garantir leur réussite.

C’est ainsi que nous avons eu droit à d'innombrables innovations et inventions en matière de triche. Les élèves ont usé de copie microscopique de théorème et de définition, d’écriture sur les bras et sur les jambes ou encore des fausses feuilles utilisées comme brouillon. Par la suite, les techniques ont évolué au fil du temps et un petit bon technologique a permis à certains candidats d’utiliser des kits oreillette, des super calculatrices et des montres intelligentes.

 

Les réseaux sociaux ont facilité la propagation et la popularisation de telles pratiques. Chaque année, plusieurs groupes et pages sont créés quelques jours avant le début des épreuves et servent de plateforme d’échange d’informations ou même de commerces illicites. Ainsi, des réseaux de vente et de fraude ont été déployés sur l’ensemble du territoire ayant la forme d’association de malfaiteurs. La chose est devenue tellement flagrante que les annonces de vente d’équipements de fraudes ont été postées ouvertement et publiquement poussant même les équipes du ministère de l’Intérieur à réagir.

Ces groupes organisés ont donné naissance à d’autres cellules de triche. Afin d’en faire un système efficace, les utilisateurs de systèmes d’écoute et de kit oreillette ont besoin de la collaboration de plusieurs personnes. Ils font, donc, appel à une personne passant les mêmes épreuves du baccalauréat qu’eux. Ces derniers sont chargés de sortir une copie des examens quelques minutes après le début des épreuves. Encore une fois, ces pratiques conduisent à des phénomènes encore plus choquants. Les épreuves sont publiées sur les réseaux sociaux. Ceci a même eu lieu aujourd’hui. Nous avons pu constater qu’à peine trois minutes après le début des épreuves, les copies d’examens avaient massivement été partagées sur Facebook.

 

Les élèves prennent autant de risque et jouent à un jeu dangereux par peur d’échouer, de rater leur vie et de passer à côté d’une occasion de procurer de la joie à leurs parents et à leurs familles. Ils cherchent à dépasser une phase durant laquelle toute leur vie sera définie en fonction de ces examens. Néanmoins, ce constat reste entaché par la réalité du système défaillant.

Plusieurs personnes reprochent au système d’être un simple processus basé sur la restitution en quelques heures d’un ensemble d’informations apprises au fil des années. Les élèves doivent endurer un exercice mental et cérébral des plus difficiles. Le simple fait d’y penser pourrait amplifier la situation de stress à laquelle les élèves sont déjà confrontés.

Le déroulement des épreuves du baccalauréat représente, également, un véritable parcours du combattant. Les élèves sont obligés de se présenter une heure avant le déroulement des examens ! De garder leur calme malgré la situation stressante, la chaleur et la fatigue ! Ils sont par la suite placés dans des salles en compagnie de plusieurs examinateurs tout en leur interdisant de fumer une cigarette, de prendre une petite pause et parfois d’aller aux toilettes. Malheureusement, quelques examinateurs ont tendance à réinventer les règles à suivre et à montrer coûte que coûte qu’ils sont les maîtres des lieux.

 

On notera que chaque année, ministres, hauts cadres et autres représentants de l’Etat s’empressent de se rendre à plusieurs lycées accueillant les bacheliers afin de les soutenir et de s’assurer du bon déroulement des épreuves. Il s’agit de l’une des plus vieilles traditions de cet événement et dont on pourrait se détacher afin de diminuer le stress enduré. D’ailleurs, si on voulait vraiment observer le bon déroulement des épreuves, pourquoi ne pas procéder à des visites surprises en plein milieu du calendrier ?

 

Pour ce qui est de la suite des choses, les bacheliers ayant réussi leurs examens découvriront que tout ce à quoi ils aspiraient était loin, très loin de la triste réalité. Ils devront choisir une faculté. Cette étape à elle seule représente un véritable supplice. Les bacheliers auront accès à un catalogue contenant plus de 200 noms de faculté. Ils découvriront que les facultés relevant de l’Université de Carthage ne se trouvent pas toutes à Carthage, que les instituts spécialisés en nouvelles technologies et autres sciences exactes se trouvent dans un état lamentable et manquent grandement de moyens et de ressources. Les bacheliers comprendront, aussi, que contrairement à ce qui leur avait été affirmé, le début de la vie universitaire ne signifiait en aucun cas un repos. Ils devront vivre une situation de stress constant en pensant nuit et jour à leurs choix et à leur futur. Malheureusement, des milliers et des milliers de diplômés achèveront leurs cursus universitaires pour découvrir qu’il n’y a pas de place pour eux en Tunisie. Marginalisés et malmenés par leur propre pays et gouvernement, énervés par le manque d’opportunité et de marge de manœuvre, nos chers bacheliers penseront comme des centaines d’autres jeunes à quitter le navire, à partir à l’étranger.

 

Sofiene Ghoubantini

08/06/2022 | 13:34
5 min
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Commentaires
Néjib SAADOUN
Le Syndicat de l'UGTT de l'Enseignement Secondaire
a posté le 15-06-2022 à 10:16
J'ai vu les commentaires sarcastiques de M. Yaacoubi, le permier jour de nos épreuves du bac, où il était fier d'annoncer les premières fuites des épreuves de philo sur les réseaux sociaux.
Le baccalauréat étant un diplôme d'origine française, je prie M. Yaacoubi d'aller sur le site du journal "le Monde" qui dès 9H du matin a publié les épreuves, a élaboré un chat dirigé par des enseignants de philosophie qui répondent aux parents anxieux...
Vous voyez ce que "les autoroutes de l'information" permettent dans toute la transparence sans verser dans un sarcasme et sans jouer aux pompiers pyromanes.
Sans ouvrir un lourd dossier , mais il est important que ce Syndicat fasse son autocritique pour dire comme il a cassé cet ascenseur social qui a fait la fierté de la Tunisie des années 1960-1984.
A bon entendeur, salut.
N.S.
intuitif
droit d'auteur
a posté le 08-06-2022 à 14:30
le pays est peuplé de blonds ?