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Avocats et médecins : On ne paiera pas nos impôts comme vous !
19/10/2016 | 19:59
5 min
Avocats et médecins : On ne paiera pas nos impôts comme vous !

 

Tout est bon pour échapper à l’impôt, même décréter une grève générale. C’est l’adage que semblent appliquer les avocats tunisiens qui se sont levés comme un seul homme contre le projet de Loi de finances 2017 présenté par le gouvernement. Qu’est ce qui les met dans une telle colère ? Pourquoi cette escalade grand V entre les robes noires et le gouvernement ? Explications.

 

Le gouvernement a consacré deux articles (31 et 32) dans son projet de Loi de finances 2017 à la taxation des métiers libéraux, particulièrement les avocats et les médecins. L’article 31, consacré aux avocats, a déclenché l’ire de ces derniers. En effet, le 18 octobre 2016, l’Ordre national des avocats de Tunisie (ONAT) a décrété une grève générale le vendredi 21 octobre courant. Les avocats récusent le projet de Loi de finances dans sa forme actuelle et dénoncent « la rupture du dialogue de la part du gouvernement ». Cela ne s’arrête pas là, les avocats ont prévu d’organiser une journée de colère et une manifestation nationale dont la date reste à déterminer. Mais que peut contenir le projet de Loi de finances pour mettre les avocats aussi en colère ?

 

Il faut d’abord savoir que les avocats sont soumis au régime réel de l’impôt sur le revenu. Ils doivent également payer trois tiers provisionnels de 30% chacun sur les revenus de l’année précédente. L’innovation du gouvernement vient, dans l’article 31, par la mise en place d’un timbre fiscal sur l’ensemble des travaux des avocats à savoir toutes les affaires, les différents services et les contrats rédigés. Ce timbre fiscal est de 20 dinars sur toute affaire ou travail exécuté près du tribunal cantonal, 40 dinars près du tribunal de première instance et 60 dinars pour les autres cas. Par ailleurs, ce timbre fiscal est déductible de l’impôt sur le revenu et son paiement les dispense, toujours selon le même article, du paiement des tiers prévisionnels.   

Donc, mathématiquement, les avocats ne perdent pas d’argent et ne sont pas plus taxés que précédemment puisque le montant du timbre est déduit. Donc, d’où peut provenir leur colère ? Elle provient du fait que le paiement de ce timbre sur chaque acte fait par l’avocat, donnera une idée précise sur son volume d’affaires, sur le type de tribunaux avec lesquels il traite et, in fine, sur la réalité de son chiffre d’affaires. A partir de là, il devient facile pour les services fiscaux d’estimer de manière exacte les revenus de l’avocat après avoir soustrait l’ensemble de ses charges. Les avocats, à travers l’action de leur ordre nobélisé, veulent éviter que leurs comptes soient scrutés d’aussi près. Il est fort à parier également que le lobby des avocats à l’Assemblée s’opposera farouchement à cette mesure…

 

Le ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Imed Hammami, est intervenu à ce sujet à la Radio Nationale le 19 octobre 2016. Il a déclaré que les avocats ont parfaitement le droit d’exprimer leur avis, en ajoutant que le projet de Loi de finances 2017 a été élaboré par le gouvernement de manière participative avec l’UGTT, l’UTICA, l’UTAP mais aussi l’ordre des avocats et celui des médecins. « Nous avons consulté les avocats, mais le gouvernement a tranché et il faut mettre un terme [aux dépassements] des métiers libéraux » a-t-il expliqué. Le ministre a également déclaré : « Quand on parle de sacrifices, cela concerne surtout l’UGTT, l’UTICA et l’UTAP. Mais concernant les avocats et les médecins on parle d’impôt, et le paiement de l’impôt est un devoir national ! La question n’est pas de savoir s’ils acceptent ou pas ».

 

Cette volonté de mettre fin aux dépassements, affichée par le gouvernement, se trouve affirmée dans l’article 32 du projet de Loi de finances concernant les médecins. Le gouvernement propose d’obliger les médecins à mentionner leur matricule fiscal sur chacun des documents qu’ils délivrent (ordonnances, feuilles de soin…). Il sera également exigé des cliniques de produire des factures en conformité avec l’article 18 du code de la TVA. Les cliniques devront également procéder à la retenue à la source sur les sommes perçues de leurs clients et payées à qui de droit. Autre mesure concernant les cliniques, ces dernières devront clarifier leurs factures en libellant les honoraires de l’ensemble des intervenants (comme l’anesthésie, les analyses médicales, la radiologie…), en plus de la mention claire des honoraires de la clinique. Cette mesure vise à améliorer la perception des impôts dus par les différents intervenants.

 

Ces mesures ont un objectif clair et avoué par le gouvernement. Améliorer la perception des impôts qui concernent les avocats et les médecins. Il s’agit de deux corps de métier qui recèlent dans leurs rangs plusieurs cas d’infractions aux lois fiscales tunisiennes. La levée de bouclier a commencé à s’opérer chez les avocats et il ne serait pas étonnant que l’ordre des médecins réagisse à son tour.

Il s’agira d’un réel test pour le gouvernement pour voir d’abord, s’il est capable de compter sur une majorité réelle à l’Assemblée pour faire passer ses mesures, et ensuite vérifier si le gouvernement est capable de les mettre en application. On se souviendra dans ce contexte de l’échec cuisant des mesures, pourtant décidées par le gouvernement, sous Habib Essid, concernant justement la taxation des médecins et des avocats. Il faudra souligner dans la foulée que les impôts dus, par les avocats et les médecins, n’ont subi aucune augmentation.

De prime abord, le gouvernement de Youssef Chahed semble mieux préparé car le projet de Loi de finances a également prévu la création de la désormais fameuse police fiscale.

 

 

Marouen Achouri    

19/10/2016 | 19:59
5 min
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Commentaires (57)

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Sophie
| 04-11-2016 22:12
Il ne faut pas oublier l'évasion fiscal de tous les métiers liés aux fêtes et cérémonies de mariage: location des salles des fêtes, pâtissiers, coiffeuses ... qui se gavent de l'argents des familles et s'échappent du contrôle des impôts (argent liquide difficile à surveiller)

LOGIQUE
| 23-10-2016 06:20
En relisant l'article et les commentaires on s'apperçoit qu'on aime pas nos avocats, nos médecins et nos architectes. Il est sûr que l'impôt doit être équitable et que tout le monde doit payer. MAIS BIEN SUR IL Y A LE MAIS: LES VRAIS RICHES RESTENT CACHÉS CAR EUX GAGNENT LES REVENUS mensuels d'un médecin en une matinée. Ils sont difficiles à attraper ils ont investi dans tous les partis politiques. Comme ils sont difficiles à attraper OK POUR ISF ET IMPÔT SUR LES BIEN LÉGUÉS, HÉRITÉS ETC CELA SUFFIT CES NABABS INTERGENERATIONS.

okapi
| 23-10-2016 05:33
Mr le médécin payeur je vous rappelle que vous n'etes pas les meilleurs payeurs, les banquiers,les juges les profs universitaires et vos collègues du public paient en moyenne le double de vos misérables 6 mille dinars. Mais en matiêre de mensonges vous êtes bien les champions savez vous que 6 mille dinars équivaut à un revenu brut de 20 mille dinars par an et savez vous que pour un revenu brut de 200 mille dinars il faut dèbourser 62 mille dinars dimpoy alors si vous payez 3% uniquemrt d'impo ce qui vous semble suffisant allez y barra hejj je vous défie de trouver un meilleur paradis fiscal mr le médécin menteur

Tunisienne
| 22-10-2016 19:52
Je suis ahurie par les réactions arrogantes de certains médecins !

Les médecins seraient-ils des sur-citoyens au-dessus de tout et de tous sous prétexte qu'ils ont fait des études de médecine ? Auraient-ils le droit d'exercer un chantage permanent sur l'État et les citoyens sous prétexte qu'ils soignent des gens ?

Et si l'exercice de ce métier (et l'humanisme et l'éthique qui vont normalement avec) ne les met pas au-dessus du lot en termes d'exemplarité et de responsabilité, de quoi se prévalent-ils exactement ?

Quelle gloire peut-on tirer du fait de snober impudiquement ses concitoyens et de les narguer avec son statut socioprofessionnel quand on n'est même pas en mesure d'assumer d'abord son statut de citoyen ?


Lamjed
| 22-10-2016 18:09
Plusieurs mécaniciens, tôliers gagnent en une journée le salaire d'un medecin. Il faut taxer patrimoine et héritage et non pas le travail.

Fathi
| 22-10-2016 18:05
Nombreux médecins et avocats sont en situation difficile, il est plus judicieux et plus juste de taxer la richesse extravagante dans son ensemble indépendamment de la corporation.

docteur
| 22-10-2016 10:31
SVP éclaircissez nous votre statut monsieur (c'est décevant de voire des publications sans que le rédacteur ne soit informé des vrais détail). pour cela je ne parlerais que des médecins: notre traçabilité est bien acquis par nos codes conventionnel et nos N° d'ordre ; c'est l'application de ces nouveaux procédures qui pose de problème; mon patient pouvant sortir avec même plus que 4 ordonnances (ordonnance, exploration, lettre de liaison, biologie..........) ça serais comptabilisé comment? 4 consultations? en attendant que le patient revient pour son Control (autre date!!) avec une ordonnance ou plus; que faire? ET pour mon père? mon amis, celui qui a besoin d'aide? je n'aurais plus le droit de les traiter gratuitement ou bien je le fais en ajoutant des taxes à ce qui est gratuit?. est ce ça ne serais pas plus facile de demander un reçu (équivalent à un mutuelle et BS) pour UNE consultation quelque soit le nombre d'ordonnance ou les contrôles nécessaires? sauf SI ON VA TAXER LES FEUILLES

ahmed
| 22-10-2016 10:25
Je n'oublierai jamais l'intervention de hafedh fils du président auprès de slim khaznadar pour autoriser les médecins et les avocats à déroger aux dispositions de la loi de finances 2016. Malheureusement les médias sont restés bouches cousus, et il en était de même pour les experts complaisants.

M C A
| 22-10-2016 09:58
L'article 10 du Destour est très clair (équité fiscale et lutte contre l'évasion fiscale), et colle avec les priorités consignées dans Carthage papers. la Ainsi, responsabilité de lutter efficacement contre la fraude fiscale pèse sur l'Etat. Nous espérons que le gouvernement YC soit intransigeant face au puissant lobbying *** des ''avocatoubibs''. Il gagnerait à capitaliser sur le pushing exercé par la société civile et les communications faites par les médias.
Même si les lobbys de la corruption et de l'évasion fiscale constituent les principaux donateurs financiers des partis politiques au pouvoir, nous poursuivrons notre combat tout en priant DIEU pour qu'il fasse triompher le droit sur le banditisme.
Les fraudeurs des BNC causent à la Nation plusieurs préjudices à la fois :
- surpression fiscale sur les contribuables disciplinés pour compenser l'évasion fiscale
- fuite de capitaux à l'étranger au prorata des revenus non déclarés
- acquisition de terrains et d'immeubles à tour de bras, dans un souci de blanchiment
- spéculation foncière et immobilière, causant renchèrissement des biens immobiliers

Blu
| 22-10-2016 07:46
J'ose espérer que vous n'êtes pas ce que vous prétendez être à savoir médecin ou avocat. De tels propos ne devraient même pas traverser l'esprit d'une personne bien éduquée et de surcroit médecin ou avocat. Quel mépris pour ceux, entre autre, qui cultivent pour que vous puissiez faire bombance.