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Aux grands hommes, la République reconnaissante
26/07/2019 | 19:59
5 min
Aux grands hommes, la République reconnaissante

 

Les images que la Tunisie avait offertes au monde hier étaient décevantes. Décevantes pour tous ceux qui avaient secrètement nourri l’espoir de voir un coup d’Etat faire régner le désordre sur le pays. Il n’en a été rien. Le choc de la perte d’un président au pouvoir a été rapidement absorbé par la mise en place de mécanismes de succession, parfaitement rodés, dans le calme et la retenue.

 

C’est un hommage retentissant que la communauté internationale a rendu hier, jeudi 25 juillet 2019, à Béji Caïd Essebsi.

Jordanie, Liban, Algérie, Mauritanie, Palestine, Egypte et Libye ont décrété un deuil national en hommage au président tunisien défunt. Les drapeaux de ces pays seront mis en berne pendant 3 jours et les manifestations culturelles et artistiques seront suspendues à partir d’aujourd’hui. Aujourd’hui aussi, les drapeaux seront mis en berne dans toutes les institutions de l’Organisation des Nations Unies à New York en signe de deuil.

Dirigeants du monde ont fait part de leur grande tristesse de « perdre un ami », comme l’a déclaré Emmanuel Macron. Tous ont loué les « grandes qualités d'homme d'Etat » de BCE, cette « figure importante de l'intégration », selon Angela Merkel, cet « avocat infatigable du peuple tunisien », selon Donald Trump, cet « homme d’Etat d’une grande expérience politique et d’une grande humanité », selon Guiseppe Conti, cet « héritier du leader Habib Bourguiba », selon Mahmoud Abbas. «Un grand leader » selon les Etats-Unis et « une figure clé de la politique et de la transition démocratique de la Tunisie et une personnalité de prestige reconnue aux niveaux régional et international » pour l’Espagne.

Tous ont rendu hommage au rôle joué par BCE dans « l’édification de l’Etat moderne », selon les termes du roi Mohamed VI, « dans la transition démocratique ainsi que dans l'instauration de réformes depuis la Révolution », selon Justin Trudeau.

 

En Tunisie, la grande majorité de la classe politique a fait preuve d’une élégance sans pareil dans ces moments de deuil. Moncef Marzouki, l’un de ces opposants les plus farouches, et ancien concurrent dans la course à Carthage lui avait rendu un hommage vibrant affirmant qu’il était même « prêt à porter son cercueil sur ses épaules », lors de ses funérailles. La députée Samia Abbou, qui l’a toujours très vivement critiquée, a eu des mots très émus pour Béji Caïd Essebsi et un discours fédérateur pour les Tunisiens. « Pas de place au complot ni aux divisions aujourd’hui », a-t-elle dit.

Quelles que soient les critiques que ses adversaires et détracteurs peuvent, à tort ou à raison, lui adresser, beaucoup ont profité de ces moments de deuil et de recueillement pour apaiser et unir les Tunisiens, loin des tergiversations et des calculs politiques. Tous, n’ont malheureusement pas eu cette élégance et des voix isolées ont essayé de ternir ces moments, sans grand succès face à l’union générale.

 

Ceux qui s’attendaient à un effondrement des institutions de l’Etat, à une intervention militaire et à un désordre politique ont été déçus hier. Pas de chars dans les rues, pas de prise du pouvoir par la force, pas de manifestations anarchiques, pas de vide. Mais une succession au pouvoir qui s’est fait dans le calme et la retenue, dans le respect des institutions de l’Etat.

 « Il ne se passe rien, pour le moment c’est le calme absolu ! », avait déclaré l’un des correspondants d’Al Jazeera Mubasher lors de sa couverture à Tunis.  « On dirait que les Tunisiens sont des Européens, ce n’est pas comme ça qu’on réagit dans les pays arabes ! », s’est étonné le journaliste.

 

En effet, rien de ce qui s’est passé hier n’était habituel dans la majorité des pays pour lesquels la démocratie est étrangère. Mais cette succession démocratique et pacifique a été le fruit de nombreux mois de préparation et de tergiversations. Si on constate aujourd’hui avec amertume l’absence d’une indispensable cour constitutionnelle, seule habilitée à constater la vacance au pouvoir, les articles de la constitution ont été respectés laissant peu de place à l’improvisation.

Force est de reconnaitre que le décès de Béji Caïd Essebsi n’a pas été une surprise. Agé de 93 ans, le président tunisien, plus vieux chef d’Etat en exercice, était très affaibli depuis sa dernière hospitalisation en juin et le pays entier retenait son souffle depuis des semaines. Trois malaises au bout d’un moins, une convalescence pas de tout repos, un mandat pour le moins éprouvant, Béji Caïd Essebsi aura tout fait pour atteindre la ligne d’arrivée. Il y était presque.

 

S’il est indéniable que Béji Caïd Essebsi n’avait pas fait l’unanimité, de son vivant, il aura eu le mérite de jouer un rôle très important à un moment où la Tunisie était dans une phase critique de son histoire L’œuvre de Béji Caïd Essebsi n’aura pas été « une transition inaboutie », [ndlr Le Monde dans son article du 25 juillet] mais une transition démocratique avec ses couacs et ses accomplissements. 

 

Les derniers doutes sur la stabilité politique de la Tunisie ont été dissipés avec l’épisode du 25 juillet 2019. Le peuple tunisien a toujours fait preuve d’une union exemplaire lors des moments de crise, comme les attentats terroristes et, hier, le décès du chef de l’Etat.

Malgré une crise économique réelle, une absence de réformes déplorable et des tiraillements politiques bien existants, lors de l’anniversaire de son 63ème anniversaire – un drôle d’hasard – la République aura prouvé qu’elle était suffisamment solide même dans les pires moments de crise….

 

 

Synda Tajine

 

26/07/2019 | 19:59
5 min
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Commentaires (3)

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Mansour Lahyani
| 27-07-2019 10:51
Marzouki, dans un fugace instant de lucidité ou d'esprit embrumé, Moussi, les opportunistes qui espèrent bientôt toucher les dividendes électoraux d'un subit ralliement, pas très subtil, à BCE... jusqu'à l'ineffable Abbou qui a oublié ses accusations réitérées d'assassin lancées au défunt, après le meurtre de Chokri et auxquelles BCE avaient flegmatiquement répondu par des condoléances à la suite d'un deuil qui avait frappé la sémillante députée... La mort dans l'âme, l'amertume en bouche, les yeux écarquillés mais l'esprit bien conscient de la bassesse de certains...
Allah yerham Si Béji, voilà tout !

Zohra
| 27-07-2019 06:43
La Tunisie est petite mais très grande par la qualité de sagesse de ces hommes et femmes.
Elle ne cessera pas d'étonner le monde et leur donner des leçons.

Vive le peuple tunisien vivre la République
Ils ont su rester uni raghma adai waladaa

Rabi maak ya tounes

HatemC
| 26-07-2019 21:33
Ils ont une haine contre ce pays qui refuse son arabisation '?' HC