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Chroniques
Au royaume de Inchallah, l’approximatif est roi
26/09/2018 | 15:59
3 min

Par Marouen Achouri

 

A la base, c’était une expression qui voulait dire que tout serait fait pour atteindre tel objectif ou pour tenir tel engagement. Au fil des décennies, en Tunisie, c’est devenu une expression qui veut dire l’inverse. Si quelqu’un vous dit « Inchallah » (si Dieu le veut), cela veut le plus souvent dire que tel objectif ne sera pas atteint, ou que tel engagement ne sera pas tenu. Il s’agit d’une pirouette linguistique pratique pour entretenir notre hypocrisie sociale puisqu’elle nous évite de dire « non je ne ferai pas telle chose, ou non je ne viendrai pas à tel rendez-vous ».

 

Toutefois, ce n’est qu’une infime partie. Le Inchallah permet de draper l’approximation, la nonchalance et la négligence d’un voile inattaquable de religiosité. Quand quelqu’un vous dit Inchallah, on peut s’amuser à répliquer que l’on souhaite une réponse plus ferme que cela, mais généralement cela provoque un regard suspicieux de la part de l’autre.

Plus encore, l’infiltration de cet état d’esprit dans l’ensemble de la société a fini par toucher les domaines les plus divers. Malheureusement, le chemin de Dieu est devenu pavé d’incompétence et d’ignorance. Il suffit de s’intéresser à deux exemples pour saisir cela. Le premier est celui de Abderrazek Rahal, ingénieur principal de l’Institut national de la météorologie. Sur Radio Med, l’ingénieur s’est permis de féliciter les familles des personnes mortes à Nabeul ce weekend. Pourquoi ? Parce que les morts seront des martyrs qui iront au paradis d’après l’interprétation que fait M. Rahal de la religion. On attendait donc une analyse météorologique scientifique de ce qui va se passer dans le ciel tunisien, on s’attendait à une remise en question du processus liant l’INM aux autorités pour éviter que la débâcle de Nabeul se reproduise, au lieu de cela on a eu droit à un prêche religieux de piètre qualité. Certains diront même qu’il s’agit de propos que pourrait tenir un membre de Daech.

Abderrazek Rahal peut avoir les convictions qu’il veut, même si l’on parle dans ce cas précis d’un fonctionnaire de l’Etat. Mais le problème c’est qu’avec cet état d’esprit, il est tout à fait possible de voir M. Rahal et ses compères, devant les failles révélées par la catastrophe de Nabeul, dire « Allah Ghaleb » (Dieu est tout puissant) et on fera mieux la prochaine fois Inchallah, avec le résultat qu’on connait déjà…

 

L’autre exemple vient des religieux amateurs, des sympathisants de Daech qui voient en ces intempéries une punition céleste à la Tunisie. Une punition que notre pays aurait mérité parce qu’il y a une organisation maléfique appelée Colibe (commission des libertés individuelles) dont le seul but est de combattre l’islam en Tunisie et de détourner les commandements de Dieu sur terre. Et évidemment, dans l’esprit obtus de ce type de personnes, Allah se venge sur nous en nous noyant sous le déluge. Il est clair que ce raisonnement se base sur un référentiel religieux faible composé de miracles, de légendes et d’histoires pour enfants. L’idée de la vengeance de Dieu sur sa création est répandue depuis la nuit des temps et est soutenue par un dogmatisme dur à bouger. Ces gens-là ne sont pas choquées par l’immoralité de se réjouir des catastrophes d’autres personnes. Par contre, elles sont convaincues d’être de bons musulmans qui s’érigent en défenseurs de la volonté divine et en interprètes de ses actions et de ses intentions. Une espèce de clergé dépravé qui se pose en censeur des peuples et en gardien du temple. Malheureusement pour nous ce temple contient tout ce que l’humanité a créé de pire en matière de préjugés et d’idées reçues. On y trouve évidemment l’extrémisme religieux mais également le régionalisme, le sexisme, le racisme et autres joyeusetés du genre.

Evoquer toutes ces questions conduit naturellement au débat sur la laïcité, sur l’influence de la religion sur la sphère publique et sur les comportements de chacun. Un débat que nous espérions voir s’ouvrir de fait après la révolution et la réflexion sur un cadre général de coexistence codifié par la constitution. Seulement, il n’en est rien, par lâcheté ou par compromission. Encore une fois, on improvise au lieu d’anticiper.

26/09/2018 | 15:59
3 min
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Commentaires (33)

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Layal
| 02-10-2018 08:19
Tout les proverbes arabes et les supplices au bon dieu ALLAH encouragent les arabes à la fainéantise et la paresse comme.
Inchallah,Allah chaleb,si dieu nous laisse en vie, par la volonté de dieu, c'est dieu qui en a voulu ou en a décidé....ou n'a pas voulu, tout est entre les mains de dieu.
Bravo pour votre déblaiement de la vérité de la paresse, de volonté feneiante et malsaine â ne pas se mouiller et à retrousser les manches...pendant ces temps là l'autre monde se développe et atteint l'univers de astres et de planetes...
Est ce la religion qui nous sert d'excuse pour ne rien faire ? Courir 5 fois par jour à la mosquée pour prier et reste t-il a faire de la journée !

EL OUAFI
| 29-09-2018 06:37
Je vous prie de lire quasi totalité au lieu de ( casi ) merci de votre compréhension.(manai)

EL OUAFI
| 29-09-2018 06:27
Monsieur Achouri a man'?uvré avec intelligence et un fort coefficient de perspicacité pour attirer notre attention sur ce mal j'allais dire incurable ou réveiller les les consciences et mettre en relief la moral et le devoir que chacun de nous devrait se ressaisir et sortir de ce guêpier qui ronge la casi totalité de nos concitoyens , que faire ce fléau est devenu notre monnaie courante ? Notre devise quotidienne pour entreprendre nos trensactions journalières ? Le mal est si profond si profond qu'on s'en servait non intentionnellement devenu banale, cet hypocrisie généralisée nous conduirait vers l'abîme cette approximation qui est devenue notre lot quotidien nous mènerait à petits pas et sûrement vers le désastre casi certain et la faillite d'un peuple !
Comme vous j'aime lire les articles deMonsieurAchouri mais je lui en veux car il a osé l'écrire osé le crié tout haut que beaucoup de nous le pensait tout bas.
Je vous en veux parceque vous m'avez devancé pour vous le suggérer cordialement. (Manai)

EL OUAFI
| 28-09-2018 20:00
Cher Monsieur vous venez de toucher le nerf sciatique que notre société malheureusement est attiente ce syndrome de l'approximation et la négligence du serieux et la derive généralisée vers le manque de la responsabilité et l'accomplissement du devoir auquel nous sommes tous assujettis or ce laisser aller que presque l'ensemble de nos concitoyens pratiquaient nous conduira tôt ou tard au banc des risés à la faillite inéluctable par ce comportement irresponsable et nous atteindrons jamais jamais un quelconque objectif nous resterons à la merci des nations qui ont contribué avec abnégation et sérieux au développement de leur pays.
Merci encore Monsieur Achouri d'avoir osé secoué ce cocotier qui semble s'éterniser dans ce profond et long sommeil.
Oseront-ils lire votre article et en tirer le bénéfique pour eux mêmes en espérant que cet échos ne s'evanuira pas dans nos steppes et nos dûnes de notre chèreTunisie (Manai)

inchallah..allahghaleb..rabbiinoub...
| 27-09-2018 20:34
Bravo pr larticle

mansour
| 27-09-2018 13:09
Adamo n'a ni corrigé ni changé:le texte qui rend hommage à un peuple qui ne connait pas Inchallah mais travaille et réalise pour rendre le désert en un jardin !
Requiem pour six millions d'âmes
Qui n'ont pas leur mausolée de marbre
Et qui malgré le sable infâme
On fait pousser six millions d'arbres
Inch'Allah Inch'Allah Inch'Allah Inch'Alla

Microbio
| 27-09-2018 11:41
L'introduction d´une nouvelle monnaie en Tunisie, peut faire beaucoup de mal à
la mafia locale (marché parallèle) et l´obliger à integrer le marché légal. Pourquoi personne n'en parle? Parce que tout le monde en profite et n´aimerait rien changer? ou bien " Inchallah hatta IKADDER RABBI "

Incompréhensible!

Pulsar
| 27-09-2018 11:07
Merci pour Marouan pour cet excellent article qui met en exergue l'hypocrisie flagrante de ces gens exposant Dieu en façade et faisant exactement l'inverse dans leurs actions quotidiennes. C'est l'effondrement total de la morale et le système de valeur centré sur l'honnêteté, intégrité et travail.
J'attire aussi l'attention des lecteurs que cette génération florissante des commerçants de la religion sont généralement des "loosers" dans la vie, ce sont des médiocres, ils n'ont pas d'autres moyens que de prendre la religion en otage et nous faire la morale. Vu qu'ils sont des "loosers", ils veulent avoir un statut social respectable en mettant en avant la religion. Ils se mettent en niveau médiation pour nous expliquer les paroles divines alors qu'ils font exactement le contraire dans leurs actions. Il faut démasquer ces gens et les rendre à leur place car l'esprit humain est suffisamment puissant pour communiquer directement et voir la manifestation de Dieu à tout moment.
Dieu a dit dans Sourate 24 (an-nûr): Dieu est la lumière des cieux et de la terre ...
Je vous invite à contempler la puissance de verset coranique ...

faouzi
| 27-09-2018 10:02
@Portobello
Si, je commente sur babnet mais avec un autre identifiant, Je publie rarement sur babnet des articles, mais j'ai publié plutôt sur un autre site des centaines d'articles, depuis 2007

@HAtemC
Dans tes différentes interventions, tu as justifié d'un niveau désassimilation qui laisse à désirer, pour cette raison tu fais chaque fois des confusions, bien sûr dans des tels que cas, tu ne mérites pas une réponse, à moins que je voie ton niveau intellectuel amélioré

@1/3i
Tu fais confusion entre passage des simples périodes historiques au fil du temps, et civilisation qui a façonné notre personnalité, et nous l'avons accepté avec conviction
A ce que je sache, par exemple personne en Tunisie ne suit encore les croyances religieuses des carthaginois, ni des anciens berbères
C'est dire que nous parlons des aspects intellectuels et éléments déterminants dans ces civilisations, car il ne suffit pas que quelqu'un existe sur une terre pour devenir une référence, sinon les occupants également qui ont été objet à des résistances devront l'être





Le Vieux Magon
| 27-09-2018 09:25
@ Mansour
Même si c'est à côté de l'excellent article de Monsieur Marouen Achouri, une précision s'impose : vous avez cité le texte original de la chanson Inchallah de Adamo, qui a été revu et « corrigé » par ce dernier en vue de « l'équilibrer » (sic) car il avait été jugé trop pro-israélien à l'époque, juste quelques mois avant la guerre des 6 jours de juin 1967.
Ainsi, certains passages ont été réaménagés, comme :
Mais voici qu'après tant de haine
Fils d'Ismaël et fils d'Israël
Libèrent d'une main sereine
Une colombe dans le ciel

Ou bien :
Requiem pour LES millions d'âmes
De ces enfants, ces femmes, ces hommes
Tombés DES DEUX C'?TES du drame
Assez de sang, Salam, Shalom

Dans une interview à L'Humanité, 16 février 2007, Adamo a affirmé :
« Cette chanson, je n'ai pas eu l'occasion de l'enlever de mon répertoire, parce qu'elle est toujours d'actualité. '? tel point que j'ai dû la nuancer au gré des quelques espoirs de paix. J'ai changé quelques strophes, mais je me suis rendu compte que je n'allais pas jusqu'au bout du message. J'ai ainsi réécrit une autre chanson dans l'album Zanzibar sur le problème du Moyen-Orient, "Mon douloureux Orient", où je fais allusion à la souffrance du côté palestinien. Une chanson qui dit : quelles qu'aient été les raisons de cette haine ancestrale, il faut l'oublier pour vivre l'un à côté de l'autre.
On peut se demander pourquoi, moi qui suis catholique d'éducation, je suis resté fidèle à une émotion de 1966, que j'ai traduite d'une façon qui a été malheureusement mal interprétée dans pas mal de pays arabes où j'ai été interdit. Cet été, le 15 août [2003], pour la première fois depuis cette époque, j'ai pu chanter dans un pays arabe, en Tunisie. J'ai chanté Mon douloureux Orient et les gens applaudissaient à certains mots pendant la chanson. J'ai voulu dire qu'il est temps que ces deux peuples vivent en paix. On ne leur demande pas de s'aimer, mais d'arrêter de s'entretuer. Avec le recul, je me suis rendu compte de quelle strophe avait valu [sic] mon interdiction: « Sur cette terre d'Israël/J'ai vu des enfants qui tremblent ». On m'a dit que c'était choisir un camp. Mais je voulais parler de la terre biblique tout entière, Israël et Palestine ensemble. Je n'ai pas fait cette nouvelle chanson pour «rattraper» quoi que ce soit, mais pour avoir la conscience en paix. »
Voila les pendules remises à l'heure, ce qui n'a pas plu aux israéliens ou aux juifs sionistes. Cf : http://www.debriefing.org/26248.html